L'histoire du vieux cargo hanté. [Faith Calagan]

« Allez, dépêche-toi Ahppa, on va se faire chopper et je dois absolument aller à Ohara ! » De cet air si pressé, bien que pas si angoissée que ça, Calamity fouillait dans les divers branchements accessibles du corps de son assistante. « Docteur, pouvez-vous me rappeler pourquoi je dois me mettre en veille ? Et si vous avez besoin de moi ? » L'humaine regarda le robot de ses iris azurs assurées, presque plein de dédain, avant de finalement pousser un rictus de satisfaction, ce qui signifiait qu'elle avait enfin trouver le petit interrupteur. ON/OFF. Le médecin ne donna même pas une petite tape dans le dos de sa partenaire pour l'encourager, elle s'empressa même de faire la manipulation, comme pour s'en débarrasser. Étrange non ? Pour une jeune femme qui s'était presque acharnée sur un cyborg pour avoir à ses côtés l'Automatic Human Protection Prototype-A, aujourd'hui il lui arrivait de la vouloir hors tension. Étrange, hein ! Libérée des questions. Délivrée de la morale qui avait été ancrée dans ses bases de données. Elle ne mentirait plus -jamais- pour tout et rien. Non pas que Calamity en avait des remords mais à force cela en devenait lassant de devoir se justifier pour la moindre petite arnaque. Tous ces services rendus n'ont été que dûment rémunérés, c'était la moindre des choses pour ce qu'ils appelaient un "médecin". A défaut d'être impatiente, la doctoresse allait souvent chercher les berrys à la source, mais ce n'était qu'une façon de faire parmi d'autres, rien d'alarmant, rien qui ne méritait les interrogatoires d'une machine. A croire qu'elle était de la marine celle-la... Et en évoquant les forces de l'ordre...

Un bruit plus loin, sur la terre ferme, tandis que la blonde se dépêcha de grossièrement entasser son robot dans une caisse encore vide et de la sceller soigneusement. Au milieu de toute ces cargaisons Ahppa ne se ferait pas remarquer. Mais pour être encore sûre de la retrouver une fois le vieux navire de livraison arrivé au bon port d'Ohara, Calamity sortit un couteau pour graffer sur le bois une croix suffisamment visible pour que la tête de linotte puisse s'en souvenir. Seulement après la jeune femme s'éclipsa de la salle prévue aux marchandises et retourna sur le pont encore vide de matelots. Cachée par un poteau dont le sommet était arboré du drapeau de la marine, volant sous les souffles violents d'un vent méditerranéen. Passagère clandestine, elle n'avait pas acheté son voyage auprès du capitaine. Et puis quoi encore ? Mais tout se déroulerait bien de toute façon, pas de quoi s'en faire, semblait-il. L'assurance d'une calamité n'était pourtant pas toujours une bonne base sur laquelle se reposer.


Le crépuscule progressa jusqu'à n'être plus qu'un ciel assombri dont la lune seulement éclairait le paysage océanique, bien que par moment des nuages pouvaient faire preuve de persistance à ne laisser traverser les rayons de l'astre, et ainsi abîmer la pauvre vue de la blondinette déjà installée dans peu de confort. Grrrrrr. « C'est pas vrai... » Son long soupir retenu, elle ne pouvait plus ignorer l'appétit qui la dévorait. En vérité elle en avait déjà la tête vacillante, allant de droite à gauche, telle les douces secousses d'un voyage en bateau. Au fur et à mesure elle se sentait même partir à la dérive. Les maux de crâne suivis de quelques nausées. Cet estomac qui ne cessait de gronder. Calamity avait besoin de manger, il en allait de sa survie. Et l'on ne pouvait empêcher le félin de se rassasier comme il se devait. Elle décida donc de sortir de son tonneau  dont deux uniques petits orifices lui permettaient d'avoir un œil sur l'extérieur et savoir que la voie était libre de ce côté du navire. Après une grande bouffée d'air, elle sentit un brutal assaut de ses maux qui, d'un grognement difficile à restreindre, fit ressortir deux grandes canines. A partir de ce moment, la Coco savait pertinemment que tout n'allait pas se dérouler comme prévu. Evidemment, cette chère Ahppa était tranquillement en train de se reposer dans sa caisse. Quelle plaie ! Le poil poussant, hérissé, les griffes se rétractant et se détractant aussitôt, c'était une bête de plusieurs mètres de hauteur et de longueur qui grattait le parquet du bateau. Un gros félin aux petites oreilles tachetées, au regard agité, mais surtout aux deux immenses canines desquelles coulait presque un peu de bave. Cette fois c'était un véritable grognement qui émana du ventre de la bestiole, de quoi probablement réveiller l'équipage.

Mais l'odorat du Smilodon avait pris le dessus et l'avait dirigé droit devant. Droit jusqu'à la réserve. De ses grosses paluches poilues, Calamity se tenait debout sur ses quatre pattes, sa trop grande tête de mammifère engloutie dans le garde manger qui exposait devant ses larges pupilles allongées les diverses viandes crues et fraîches qui avaient dues être achetées pour le voyage. Un festin qui l'attendait là. De deux ou trois coups de crocs elle déchiquetait la chaire, laissant le peu de sang refroidi se déposer sur les commissures de ses babines. A croire qu'il pouvait presque s'agir d'un féroce animal dangereux pour tout humain qui songerait à s'approcher de sa nourriture. C'était SA nourriture à présent.

« AAAAAAAH ! »
Digne des plus grandes catastrophes, tout fit un énorme bond. Dans un sursaut qui renversa le corps féminin étalé là, Calamity se retrouva face contre le parquet froid, voire humide. Le nez fracassé elle gémit mais n'avait même pas pu faire sortir le bâillement qui lui pendait au fond de la gorge. Son pouls accéléré, la panique s'empara d'elle. Le temps d'un instant elle ne se souvint même plus d'où elle était. Toujours sur cette magnifique plage, entourée de personne pour la déranger, et les tintements de l'or qui coulait dans les flots devant elle.  Tous ces joyaux qui scintillaient sous le levé du soleil et le sentiment béat que tout lui appartenait. La réalité était à des années lumières de ce merveilleux... Rêve ? Pff... Qui avait osé la sortir de ses songes ? Elle se souvint du hurlement d'effroi qui avait probablement fait trembler jusqu'aux profondeurs de l'océan. D'un humement et un regard sur ses vêtements tâchés d'un pourpre fade et séché, il ne lui fallut pas plus de temps pour finalement refaire le tour de la veille. L'odeur alléchante de la boustifaille qui l'avait attisée lorsqu'elle avait quitté sa planque. Son estomac qui n'acclamait plus au supplice fit comprendre à l'humaine qu'elle avait trouvé de quoi se repaître. C'était un miracle qu'elle ne se soit pas faite repérer. Sans trop se poser davantage de question, elle fouilla un peu plus cette pièce étroite et affreusement poussiéreuse jusqu'à ce qu'elle déniche quelque chose qui pourrait bien lui servir dans l'immédiat : des fringues. Il s'agissait d'un uniforme de la Marine à peine sec. Toute de blanc et bleu, elle jeta cependant à quelques pas le couvre-chef officiel. Ce n'était pas le plus classieux ou aux goûts de la Coco mais au moins elle passerait un peu plus inaperçu.

Une chose la préoccupait, et ce n'était pas l'origine de la panique qui semblait agiter les marins de ce navire. Où était bien passé son foutu foulard ? Dissimulée dans l'ombre du flanc gauche du faux-pont, elle tendit simplement l'oreille dans le but de surprendre quelques sons significatifs, comme quelqu'un à l'approche par exemple. Mais il n'en fut rien. Calamity devait être bénie des dieux pour avoir autant de chance. Encore fallait-il qu'elle puisse encore compter dessus pour retrouver illico-presto son précieux. Or, dans sa réflexion, l'originaire de Banaro avait peut-être oublié qu'elle avait le chic pour tout de même s'attirer les problèmes. Bien que cette fois, à en juger par son choix d'embarquer sans autorisation sur un bateau de la marine, elle les avait effectivement cherché, les complications.

Ses sens aux aguets, la petite tête blonde sautait de cageot en cageot pour rejoindre la cale. Elle entendait plus bas quelques résonances de pas pressés et d'autres piétinant. Si seulement elle avait assimilé le fait qu'elle était la cause de toute cette agitation et des recherches actives menées par les matelots. De tout l'équipage. Sa mémoire lui faisait défaut. Evidemment les tâches sur ses vêtements d'origine lui avaient mis la puce à l'oreille, elle s'était forcément transformée. Et puis après tout cela eût été pour manger, 'y avait pas eu mort d'homme ! Prudence était de mise, mais ça, ce n'était pas du ressort de la Calamité.

« Eh regarde ! C'quoi ça ? C't'a toi ? » Eh merde merde merde merde [...]. La civile continua de jurer intérieurement tandis qu'elle venait d'apercevoir son dû juste aux pieds d'un jeune marin. Les mâchoires qui étaient sur le point d'exploser, elle ne put retenir plus longtemps un grognement menaçant -incontrôlé-. Il ne fallut pas plus pour que les deux moussaillons décampent aussitôt, queue entre les jambes, ils n'avaient même pas eu le temps de se retourner. Ils avaient fière allure les agents de la marine, et il s'agissait bien là des forces de l'ordre ? Pourtant ces crétins n'avaient pas eu la bienséance de lâcher le bout de tissu, au plus grand agacement de la Coco. Elle devrait donc la jouer finaude pour récupérer son bien... Mais elle n'attendrait que la nuit pour agir, pour la journée elle se rangea dans un caisson vide, dont la marchandise avait probablement été déjà livrée, et plaça un tonneau sur le couvercle, juste pour être sûre.


La nuit était retombée sur le vieux cargo, tandis que certains des travailleurs commençaient à peine à piquer du nez de cette lourde journée, d'autres maintenaient leurs positions avec la vigueur d'un toréador devant le taureau, prêts à faire le moindre geste.

Finaude avait-elle pensé dans la matinée. C'était pourtant sur ses grandes paluches poilues, de ses crocs sortis et de sa taille phénoménale que Calamity avait basé son "plan de sauvetage". Quoique les griffes ne semblaient pas se balader sur le bois du pont, il ne fallait pas faire plus de bruit que les craquements sous son poids imposant. L'intelligence animale d'une jeune voleuse qui n'avait pas eu la jugeote de se dire qu'une méthode plus discrète aurait été plus adéquate... Lorsqu'elle se laissait prendre au jeu de la bête elle ne le faisait pas à moitié.

Le gros fauve, prédateur prêt à bondir sur sa cible, s'avançait vers la lumière tamisée de la lune avec la plus grande discrétion possible jusqu'à ce que... « LAAA-LAAAA ! U-UN... A-ALERTE DU RENFORT ! » Tous les agents de la marine présents sur cette partie du bateau se tournèrent, et retournèrent. Calamity, quant à elle accéléra, de ses pattes et d'un rugissement s'arrêta devant le jeune qui lui avait dérobé son foulard, celui qu'il gardait attaché à son bras. Mais sans qu'aucun de ses compatriotes ne puissent réagir, le croc droit de la bête avait déjà attrapé et arraché seulement le tissu orange avant de rebondir jusqu'à l'ombre d'un escalier qu'elle dévalisa. Elle descendit du pont supérieur à celui inférieur et rejoignit l'autre rive du cargo en quelques enjambées seulement. [...]

« A moi ! J'suis blessé ! Mon bras ! Mon... » Non, il n'avait pas eu la moindre égratignure. Toujours sous sa forme animale, la Coco continua son chemin jusqu'à la cale. Elle se savait à coup sûr prise en chasse pourtant il n'y avait eut qu'un unique témoin oculaire de ce qui se baladait réellement dans les couloirs du rafiot craquant. Il était hors de question pour Calamity de se faire attraper. La chasse au fantôme était ouverte.

La course poursuite était assurément lancée et ce n'était certainement pas dotée d'une taille pareille que la Coco en réchapperait. Les foulées de ses grosses pattes ralentirent lorsqu'elle se rendit compte que de ce côté du pont inférieur il n'y avait pas de sortie. L'inconfort dans laquelle elle s'était embarquée l'empêchait de réfléchir un minimum. La tête basse, les pattes constamment fléchies, elle se donnait beaucoup de mal ne serait-ce que pour passer dans cette pièce. Sur son passage elle avait même détruit un bout de plafond qui s'était trouvé sur son chemin lorsqu'elle avait descendu les escaliers. Heureusement que son derme était solide et couvert de poil, autrement elle serait déjà à gémir des échardes qu'elle se serait plantée dans le crâne. C'était une vraie pagaille et elle devait vite réagir pour en sortir.

Le craquement étouffé du bois qui commençait à périr sous son poids suffit pour qu'elle quitte son apparence bestiale. Son squelette se modifia de lui même, ses paluches redevinrent des mains fines et légèrement grisâtres à cause de la poussières. Son visage reprit une forme humaine, les traits allègres et tout juste fatigués. Elle retrouva même sa longue chevelure dorée. Or, ainsi à découvert, il se pouvait qu'elle se fasse attrapée et par conséquent démasquée. La malice au rendez-vous, ils étaient bien trop bêtes pour l'attraper s'ils n'avaient même pas réussi à capturer une bête de plusieurs mètres. Du moins c'était ce que Cal' en pensait. Un sourire de satisfaction se dessina au dessus de son menton lorsqu'elle recracha le bout de tissu qu'elle tenait entre ses dents. D'un revers elle le mit dans la poche de l'uniforme marin et s'empressa de se dissimuler dans l'ombre de quelques palettes de bois entreposées. Agenouillée, delà elle avait une vue imprenable, bien qu'assombrie par le manque de luminosité, sur la pièce.

Le but à présent était de rester suffisamment discrète pour que, lorsque davantage de matelots descendraient pour les fouilles elle puisse sortir et espérer se fondre dans la foule. L'intelligence imparable d'une voleuse ! Hm. Calamity retenait donc suffisamment sa respiration pour calmer les palpitations de son cœur et ainsi réguler son souffle pour qu'aucun son ne s'échappe un peu trop fort. A cet instant elle vit les premiers, et en avant une femme. Une albinos ? Une première dans les rencontres de la Coco ! Elle la dévisagea d'un seul passage oculaire du haut vers le bas et se retourna prudemment pour mieux se cacher derrière le matériel. Elle manqua de rire à la panique qui envahissait la deuxième personne présente. Un fantôme, un passe-muraille, et pourquoi pas le diable tant qu'il était dans son delirium ?! Non seulement des abrutis mais aussi des pochtrons apparemment. Bravo la marine !

La cavalerie sur pieds débarqua dans la foulée, prenant soin de laisser ouvert l'accès qui avait été si précieusement refermé juste avant pour ne rien laisser passer. Calamity le savait car derrière le raffut pressé qui s'entassait dans la pièce elle n'avait pas entendu le claquement d'une fermeture de porte. Mais quelle bénédiction ! Présomptueuse, certes, mais ravissante. Le self-control de la jeune femme était mis à rude épreuve lorsqu'elle prit le risque de faire dépasser un œil. Elle vit alors les petits soldats se regrouper tout autour de leur commandante, et juste devant sa cachette une troupe de huit hommes et femmes qui lui faisaient de l'ombre. C'était limite trop facile. Dans le silence le plus total -et surtout surplombé du brouhaha de l'affolement général- Calamity se détacha de ses palettes pour rejoindre, tête légèrement abaissée, l'arrière du troupeau. Personne ne sembla la remarquer et ce ne fut qu'après qu'un énième mouton rejoignit ses confrères. « Capitaine, Dubois au rapport. Nous n'avons rien trouvé à l'avant. C't'maudite bête s'est envolée. » Erreur, j'suis pas un piaf mais un carnivore, pas très malin celui-là. Le dédain des pensées de la blondinette l'aidait à s'exprimer d'une certaine façon. Elle qui était du genre bruyante, elle faisait un énorme effort pour ne rien dire et demeurer passive. En bonne et disciplinée membre d'équipage, la jeune voleuse regardait devant elle et attendait les ordres de la tête pensante du rafiot. Du moins s'ils en avaient une !

Qu'il était finalement amusant de jouer ce rôle. Du moins Calamity savait surtout que ça ne durerait pas, et c'était parfait ainsi. Une fois en sécurité elle pourrait revêtir son statut de voleuse clandestine à bord d'un vaisseau de livraison appartenant à la Marine. Après tout leurs tâches étaient bien trop épuisantes, pourquoi irait-elle se fatiguer à obéir aux ordres de n'importe qui ? D'ailleurs c'était sûrement le point le plus évident qui n'avait jamais poussé la blondinette à se lancer dans les forces de l'ordre. Pourtant l'occasion n'avait pas manqué il y a environ trois ans de ça, lorsque l'officier Lazuli l'avait gentiment faite voyager parmi ses soldats. Non, les ordres c'était loin d'être sa tasse de thé. Puis, elle n'aimait pas le thé de toute façon, préférence pour le café. Ou le whisky à la rigueur, mais ceci était un vieil héritage de Banaro.

Une partie des sous-fifres entassés devant elle forcèrent la fauteuse de trouble à se décaler légèrement. Un coup à gauche, une fois à droite, un peu plus en arrière, et les petits regards lancé au-dessus des paires d'épaules qui la cachaient. Le regard qui l'assaillait lui donna froid dans le dos. Calamity déglutit mais maintint un peu ce regard d'un visage aussi impassible qu'elle le pouvait. Tout le bétail s'agitait mais pas elles, pas ces deux jeunes femmes. Par forme de soumission -n'oublions pas qu'elle était simple matelot sortie des tréfonds de l'enfer- les iris bleutées de celle qui semblait être la plus jeune s'abaissèrent. Cette commandante avait-elle démasqué la supercherie ? Si près du but il était hors de question de se faire coincer comme ça, si bêtement. Peut-être avait-elle trop sous-estimé l'ensemble pour se croire suffisamment en confiance et faire cette erreur. La Coco garda cependant son calme, bien qu'elle tirait la gueule, et hocha la tête comme le montraient ces braves éléments. Braves jusqu'à un certain seuil apparemment puisque la moitié continua de chuchoter des aberrations plus grosses qu'eux. Ils évoquaient une malédiction, une présence vengeresse, et allèrent même prétendre qu'il s'agissait d'un monstre marin de Calm Belt qui avait surgit dans les eaux de West Blue. Il fallait bien leur rendre leurs drôles d'imaginations mais ça en devenait presque ridicule.  C'était donc ça la vie sur les mers ? Devenir si paranoïaque que tout devenait possible, aussi idiot soit-il. Très peu pour elle.

Mais c'était tous les petits défauts que la blondinette avait dû commettre qui la trahi. Tandis que cette femme avait renvoyé tous les sbires, elle se retrouva piéger entre cette salle sans issue et la cheffe de cette fine équipe. Fais chier. Elle était bonne pour la cage de barreaux. Ou peut-être même la peine de mort ! Calamity était du genre peu optimiste et jusqu'alors tout lui avait un peu trop réussi pour que sa bonne étoile l'éclaire encore une fois de sa bienveillance. Son regard se posa sur la sortie, et la clarté de la lune qui devait décorer le pont extérieur, une petite seconde avant de reporter son attention qui se voulait naïve sur l'inconnue. La jeune femme se montrait faussement idiote à son tour, et enjôleuse d'un sourire embarrassé. « Agent Smith, cap'tain, j'ai été affiliée à ce bateau tout comme mes autres compagnons. Parole de scout ! » Et elle leva la main droite au même niveau que son visage et fit rejoindre son pousse et son petit doigt sur sa paume de main, celle-ci visible par son interlocutrice. C'était une phrase qui puait le mensonge, mais encore fallait-il que l'albinos s'en rende compte, la Coco était une menteuse invétérée dans son genre, et une plutôt bonne improvisatrice.

Rien qu'au visage de cette femme il était évident qu'elle ne croyait pas un mot de ce que Calamity pouvait déblatérer avec une assurance véritable. C'était qu'elle-même voulait y croire. Au moment où son interlocutrice débuta les comment des pourquoi son mensonge en était un, la blondinette abaissa son bras. Quelle idée aussi de faire un salut scout, c'était certain que ça ne passerait pas. Était-ce vraiment de cette manière si stupide qu'elle se ferait attraper ? Elle ne désirait que de faire le voyage jusqu'à Ohara, rien d'autre... Quoiqu'elle avait sûrement eu en tête de dérober deux ou trois biens mais rien de méchant.

Le ton sérieux du capitaine résolut la jeune femme à dire la vérité. Ou presque...« Je n'ai pas complètement menti. Je m'appelle bien Smith, Calamity Smith. N'ayant pas de barque, ou de canoë pour faire le voyage, lorsque j'ai entendu que vous alliez en direction d'Ohara, je suis montée sans réfléchir. » Le faciès faussement navré, elle se pinça même la lèvre inférieure pour attiser un semblant de pitié chez l'agent de la Marine et reprit. « Je vous assure que je n'avais aucune mauvaise intention, seulement de naviguer, je suis à la recherche de ma mère et j'ai entendu dire qu'elle se trouvait là-bas. » Ok, cette fois c'était du vrai n'importe quoi. La Coco savait pertinemment où pouvait se trouver sa génitrice, et ce n'était certainement pas sur West Blue. Peut-être quelque part sur Grand Line, ou dans le Nouveau Monde, qui pouvait le savoir ? Mais elle ne faillit pas à son bafouillage et baissa un peu la tête, montrant un sentiment de remord à revendre. « Je vous en prie, je ne pensais pas à mal. » Ce qui pouvait être véridique était l'impression qu'elle était dans la panade, et à présent tous les moyens semblaient bond pour échapper au pire.

Tandis qu'elle faisait toujours face à la cheffe de bord, Calamity lança un regard par-dessus l'épaule de cette dernière. Un homme assez pressé, le même que plus tôt. Dubois encore et toujours au rapport. « Cap'taine. Un de nos hommes a trouvé une marchandise qui ne nous appartient pas pendant que nous étions tous à la recherche de la bête. » La malchance continuait. « Ça ressemble à un robot mais il ne réagit pas. » Ahppa. C'était une blague ! Comment tout pouvait se retourner contre elle comme ça ?! Si cette idiote s'éveillait elle pourrait tout faire capoter, et ce n'était clairement pas le moment de foutre en l'air la situation ! La Coco contourna les deux agents et se rendit plus vite qu'il ne fallut pour le dire sur le pont supérieur.

« C'est à moi ! » S'exclama-t-elle en direction du matelot qui commençait à trifouiller le corps de métal endormi. D'un soupir elle ôta la veste et le pantalon qu'elle avait emprunté et remit son foulard orange autour de son cou. Ceci devrait peut-être faire prendre conscience à ces superstitieux qu'il n'y avait eu aucun démon à leurs trousses. « Il s'agit d'une intelligence artificielle qui m'aide dans mes fonctions de médecin, alors ne l’abîmez pas s'il vous plait. J'en ai besoin. » La Coco se doutait bien qu'elle devrait rendre des comptes au capitaine qui avait dû emboîté le pas juste après la pseudo fuite de la clandestine. Calamity se retourna et d'un autre soupir s'adressa directement à ladite femme. « Oui, je suis médecin. »

Cette pagaille provoquée prenait une toute autre tournure, et loin de celle désirée par la Coco. Lorsqu'elle avait réclamé son dû les moutons s'étaient tous retournés, et visiblement le chien de meute ne semblait plus si amical qu'auparavant. Une technique d'intimidation ? Un bluff pour asseoir son autorité ? Qu'importe, il n'était plus l'heure de faire du zèle, mais il n'était encore moins le moment de dire toute la vérité. Le visage de Calamity se décomposa lorsque tous ces agents sortirent leurs armes, braquées sur sa personne et prêtes à être utilisées. La civile fit un tour de ses yeux bleus pour évaluer à peu de chose près le nombre d'assaillants qui lui collaient aux basques. Et bien évidemment la terre ferme était toujours lointaine. Bordel, cette fois elle était royalement dans la merde.

« On se calme, je ne suis pas armée. » Commença-t-elle en levant les deux mains en l'air avant de doucement baisser les genoux pour les faire rencontrer le plancher. « Je ne venais que demander de ne pas abîmer mon assistante, c'est tout. » Mais visiblement des paroles sourdes aux oreilles de la capitaine bien remontée. Après tout, rien d'étonnant, Cal' l'avait bien cherché en un sens. Ce qui était évident c'était que dans cette position elle faisait bien moins la maligne. Elle grogna faiblement lorsqu'elle sentit les menottes lui lacérer légèrement les poignets. Et la voilà sur un bateau de la Marine, en petite bête enchaînée.

Mais sans un mouvement supplémentaire, elle leva simplement le visage en direction de la cheffe du cargo. « Vous semblez au courant, madame. » Un soupir las sortit d'entre ses lèvres avant de finalement avouer à voix bien haute. « Oui c'était moi. Le zoan du Smilodon pour être exacte. » Elle ne put échapper à quelques regards interrogateurs et elle décida par elle-même de faire taire les petites questions intérieures du style "C'est quoi un Smilodon ?" « C'est une sorte de gros tigre antique dont la race est éteinte, semble-t-il. » Elle reposa son regard sur la dénommée Faith Calagan avant de finalement vouloir jouer sa propre avocate lors de son procès, une situation qui y ressemblait en tout cas. « Ecoutez, je vais être sincère. Je suis une civile, un petit médecin qui parcourt West Blue, je ne suis pas hostile, et certainement pas envers la Marine. Donc s'il vous plaît, dites à vos hommes de baisser leurs armes. » Elle demeurait cependant très calme, quoique son sourire, ainsi que son air d'apitoiement de plus tôt avaient tout deux complètement disparus.

Elle lança ensuite un regard au robot encore endormi et laissa son postérieur s'asseoir sur ses tibias avant de dévisager chacun des sbires du navire un par un. « Vous aviez raison, j'aurai pu simplement demander le voyage en échange de quelques tâches au même titre que votre équipage. Je n'y ai pas réfléchi. Et surtout je devais absolument voyager le plus vite possible, et si je n'avais pas eu faim, vous ne m'auriez peut-être pas remarquée. » De ses iris un peu plus froides, la Coco se mit à soutenir le regard de la capitaine avant d'entamer sa dernière phrase. « Je n'ai rien fait de mal, si ce n'est avoir fait peur à certains de vos hommes, dont j'en suis vraiment navrée. » Mensonge... « Je ne sais pas ce que vous déciderez mais je pense vraiment que ces menottes sont inutiles, si j'avais voulu attaquer vos matelots je l'aurai déjà fait. Or ce n'est pas mon but, je peux vous le garantir. Et je ne pourrai pas m'enfuir pour une raison évidente que vous devez sûrement connaître, capitaine. » Calamity espérait avec sincérité que le cheffe Calagan calme ses ardeurs et la détache. Si l'interrogatoire devait continuer, alors soit, mais sans ces foutus liens en granit marin.

Le ton sembla se calmer, ce qui rassura Calamity pour la suite des événements. Lorsque tous rangèrent leurs armes, elle poussa un soupir de soulagement mais une chose la menaçait encore : les menottes. Le capitaine Calagan avait été très claire avec elle, ceci dit, la jeune Coco cherchait encore comment elle allait se sortir de ce pétrin. Sous les aboiements de joie de Faith, Calamity se mit légèrement à sourire, si elle était bien d'accord à propos de quelque chose, c'était bien sur le fait qu'ils avaient tous été des gamins pleurnichards un peu trop superstitieux. Mais bon, comment leur en vouloir, après tout ce n'était pas tous les jours, et sûrement pas sur les Blues, que quiconque pouvait croiser un gros minet de plusieurs mètres avec des crocs plus grands qu'une tête humaine.

Cependant la blonde ne se réjouit pas davantage. Lorsque la cheffe ordonna à ses hommes d'emmener le robot dans ses propres quartiers, Calamity perdit un peu son sourire. Quant à elle, elle resta sur place. Qu'allait-elle encore subir ? Un interrogatoire des plus ennuyants probablement, cependant elle espérait tout de même réussir à faire ôter ces chaines qui la maintenait tranquille. C'était terriblement désagréable comme sensation, surtout pour une bête sauvage. Obligée de faire profil bas en attendant patiemment de saisir une opportunité. Elle pourrait lever le voile sur ses mensonges et dévoiler ne serait-ce que sa véritable identité, au risque que cela lui revienne à la gueule. Car si la plus jeune avait bien décelé quelque chose chez la Calagan c'était qu'elle n'aimait pas être menée en bateau.

Calamity faisait face à une Faith plus calme qu'auparavant, mais elle se doutait bien qu'au moindre faux-pas elle se retrouverait derrière des barreaux. A dire vrai, elle n'avait pas vraiment de réponse à sa question, rien ne pourrait prouver à l'agente de donner confiance à une inconnue, qui plus est avait enfreint un règlement, même si pour elle son crime était bien anodin. « Je n'ai aucun argument pour revendiquer votre confiance madame. Cependant je préférerais remettre une petite chose au clair, même si ça pourrait me porter défaut. » Elle se mit à soupirer et vint montrer davantage ses mains, mettant bien en évidence les menottes qu'elle avait aux poignets. « Quand vous vérifierez mon identité vous ne verrez pas Smith, mais Coco. Je n'ai pas souhaité le donner en premier, entourée de tous vos matelors pour la simple raison que si quelqu'un est capable de faire le rapprochement ma mère est une pirate liée à d'autres racailles bien plus célèbres. Ceci pouvant me nuire, et bien plus auprès d'agents de la marine, je ne souhaite pas faire les frais d'une quelconque manière du statut de ma génitrice. » Oui, elle tentait dès lors d'utiliser sa déglinguée de mère pour s'en sortir. Alors elle reprit sur un ton plus grave mais discret. « Or, les rumeurs que j'ai entendu sont véridiques : Il semble bien qu'elle soit sur West Blue. Ne me demandez pas pourquoi, je n'en ai pas la moindre idée. » La jeune Coco s'engloutissait dans son mensonge avec la plus véritable des convictions, comme si elle-même y croyait vraiment. « Je n'ai aucun lien avec cette femme, mais elle me doit beaucoup d'argent, c'est pour cela que je souhaite la débusquer, quoiqu'il est vrai que la mener derrière les barreaux m'aurait procuré une joie immense... » A présent la vile voleuse suggérait presque à Faith de s'embarquer dans une chasse à la capitaine pirate, espérant peut-être qu'elle serait de ces ambitieux qui veulent gravir les échelons. Quoiqu'il pouvait en être, Calamity misait sur la carte de la diversion, elle qui n'aimait pas en raconter sur elle, cette fois peut-être que ça pourrait lui sauver la mise.

Or, même avec toute cette histoire à dormir debout, elle était bien loin de s'être elle-même défendue. Elle ne pouvait décemment pas oublier les liens qui la rendaient vulnérables. Alors, elle tenta une nouvelle approche : « Vous pourriez vous dire que je raconte encore des bobards cependant je peux justifier tout ceci. Le robot qui est mon assistante, je peux la réactiver et elle vous déclinera mon identité. Elle vous dira même qu'elle est à mon service. En ce qui la concerne j'admets que je n'ai pas la moindre idée d'où elle provient, je l'ai seulement trouvée il y a un an dans une décharge. Et elle m'a suivie, ça aussi elle pourra vous le confirmer. » La jeune femme se recula un peu et se mit doucement à sourire d'un air amical à la capitaine du vaisseau. « En ce qui me concerne, du moins les crimes que j'ai commis, oui j'en suis navrée, plus que de m'être faite attraper. Est-il vraiment trop tard pour me racheter ? » Elle n'en pensait pas un mot, certes, mais elle voulait jouer sur l'insistance et peut-être que son interlocutrice finirait par la croire.

Visiblement la nouvelle méthode utilisée par la jeune Coco avait fonctionné à merveille, et même mieux encore. Qui l'eut cru ? La commandante avait tout gobé. Elle avait plongé tête la première dans les émois de la blondinette. Finalement, Calamity était satisfaite, et même lorsque l'agente lui fit la morale. Dans le fond Faith avait raison, elle démontrait une rare sagesse, mais ça aurait pu avoir un effet auprès d'une personne sensée et non une agrippée à ses pièces, pas auprès de la voleuse qu'était la vingtenaire. Calamity écoutait, hochant de temps à autre la tête mais maintenant toujours ce regard si perçant. Elle entendait à peine à moitié, les phrases terriblement moralisatrices entraient par une oreille et sortaient par l'autre. Et puis quoi encore ? La laisser s'en tirer alors que cette garce les avait dépouillé jusqu'au moindre sou ? Jamais ! Et puis son paternel étant six pieds sous terre, elle serait seule bénéficiaire de ces remboursement. Elle n'avait besoin de personnes pour récupérer ses biens, et certainement pas de la Marine qui aurait probablement voulu une part. Jamais !

Mais au-delà de ses pensées formulées par des blablabla intérieurs, la jeune fille semblait des plus investie. Lorsqu'elle se vit enlever les menottes par la capitaine, elle afficha un large sourire de soulagement et se massa doucement les poignets. Ce geste était une véritable chance pour la Coco qui, à présent, se sentait libre. Malgré les consignes du capitaine Calagan, pour lesquelles Calamity acquiesça simplement, elle se voyait déjà, à l'arrivée sur le sol d'Ohara, dérober deux ou trois choses, mais encore fallait-il savoir où et quoi. A l'annonce du temps de voyage restant, environ une journée et quelques heures, la civile se tiendrait à carreau comme il lui avait été demandé. Une gentille fille qui ferait le parquet du pont et qui aiderait à réparer la casse qu'elle avait provoqué un étage en dessous. Mais une fois le cargo amarré, les choses seraient tout autrement.


La sirène du navire retentit, signifiant la fin du calvaire pour Calamity. C'était peut-être exagéré lorsque l'on savait qu'elle avait eu à manger et tout autre privilège dont bénéficiaient les matelots. Elle n'avait pas été mise à l'écart et avait été bousculée à la même enseigne. L'air marin lui plaisait, c'était certain, mais elle le préférait largement lorsqu'elle n'avait pas à bouger aux quatre coins du bateau. Mais où étaient donc les transats pour se prélasser sous le soleil avec un bon cocktail sur le côté ? Et puis cette odeur de poiscaille frais qui alertait les narines de leur arrivée imminente au port d'Ohara.

C'était maintenant qu'il fallait bouger d'abord récupérer le robot dans la cabine du capitaine. Alors, quand le moutons commencèrent à enrouler les voiles pour permettre un rangement en bonne et due forme de leur cargo. Pendant ce temps, la petite tête blonde s'éclipsa dans la cale pour aller récupérer son sac à dos de voyage. Elle profita que tous soient à l'extérieur pour jeter des coups d’œil aux caissons gardés là, ceux ouverts et dont il ne fallait pas un pied de biche pour ôter le couvercle. Elle trouva dans le premier des carottes de première qualité, et dans un deuxième des tonnes de feuille de papier. Rien d'intéressant en sommes. Calamity passa sur la rangée d'à côté et plus elle comptait les seconde au sous-sol, plus elle se hâtait car elle avait encore un bien à aller chercher en haut. En passant la main dans l'une des caisses, elle sentit au touché un petit tas de pierres lisses. Intriguée, elle passa la tête par-dessus le bord pour découvrir des perles d'huîtres probablement récupérées sur le voyage. Lorsque ses crocs se dévoilèrent sur son visage, la blonde attrapa une première poignée, puis une seconde, avant de toute les mettre dans les poches intérieures de sa veste.

Elle remonta quatre à quatre les escaliers et, alors que tout l'équipage s'attelait à commencer le déchargement, la Coco fonça au niveau de la cabine, défonça la porte d'un grand coup d'épaule et choppa son automate sous son bras avant de sauter sur le rebord du navire, côté passerelle. « C'est avec toute ma sympathie que je vous remercie pour ce voyage capitaine Calagan ! » La jeune fille affichait un large sourire et faisait déjà signe de main. « Vous êtes une bien bonne personne madame Yihahahahaha! » Son rire atypique résonna sur le quai, laissant l'agent là avec l'interprétation qu'elle voudrait donner à cette situation. Une évasion ? Un départ ? Deux chemins qui s'étaient croisés pour se séparer ? Peu importe, elle ne s'attarderait pas ici plus longtemps, loin de la jeune Coco l'envie d'avoir de nouveaux problèmes avec la Marine.