Oiseau de Paix

Vous ne voulez pas passer par l'habituelle case des descriptions ? Alors optez pour ce questionnaire !



Taille : 5,40 mètres
Poids : 428 kilos
Cheveux : Longs et Blonds
Yeux : Bleus
Tatouages:
- La lettre X sur l'épaule droite
- La lettre M sur l'épaule gauche
- Un soleil géant dans le dos
- Le chiffre romain XII dans la nuque




Dans la pénombre d'une vieille bâtisse, aux murs crépis et à l'odeur rance, un géant s'avance, faisant face à un miroir aussi grand que lui. Derrière celui-ci, un petit vieillard tient avec tremblement une paire de ciseaux, des yeux grands ouverts sur la tenue de celui qui se dresse face à lui.

- Holombo, kael dahuro, Octavio.

Il est satisfait. D'un rouge étincelant, le plus vif qui soit, sa combinaison compresse son corps, sculptant à merveille chaque parcelle de sa musculature. En son centre, un grand X blanc traverse, symbolisant au premier coup d'oeil les croyances du prophète. X pour Xylor, une tenue pour le représenter de tous temps.

- Kasheen joha de yundur ?

Pourquoi cette matière collante ? Facilité de combat, aisance de déplacement, représentation ''à nu'' du corps divin. Le petit homme explique avec ses mots, discret mais audible. Il lui demande de tendre les bras, glissant sur ses mains gigantesques deux gants blancs, venant finaliser cette tenue, semblable à celle d'un héros. Oui, c'est cela que Octavio, grand tailleur de Prescelta, désirait démontrer. Le prophète de Mirko, habillé de sang et de lumière, est le héros dont le monde a besoin.



- Pourquoi te lèves-tu le matin, jeune prophète ?

Affalé au fond de son canapé crasseux, Angelo DeRose fixe de son regard argenté celui qui est devenu son apprenti depuis peu. Cette question, il la pose tous les matins. Et, comme tous les matins, le géant blond s'avance de deux pas, plongeant son regard azur dans celui de son maître.

- C'est la foi qui anime mon cœur chaque jour que Xylor nous offre. Chaque pas que je fais, chaque mouvement, chaque pensée est dirigée vers la lumière éternelle et vers celui qui est devenu mon père, Mirko. Rien au monde ne saurait me détourner de ma foi, malgré les tentations et les vices qui s'offrent à moi chaque jour.

Sa voix ne vacille pas, ses yeux sont vibrants, vivants d'une flamme que le commun des mortels ne pourrait comprendre. De tout son être, Vittorio Pace est prophète et n'a besoin de rien d'autre. La motivation est affaire du commun des mortels. La foi est l'apanage du peuple roi, car elle est bien plus difficile à conserver.

- Je serais le guide de ce nouveau monde. Un monde purgé de sa souffrance, débarrassé de son vice, de ses erreurs et de ses choix destructeurs. Je suis le poing des Dieux et, lorsque j'aurais réuni une nouvelle génération de prophètes, rien ni personne ne sera capable de se mettre en travers de mon chemin. Je rendrais ce monde bon. Un monde qui, enfin, saura faire honneur à Xylor.



'' Chaque homme mérite d'être apprécié et jugé à sa plus haute valeur.'' - Précepte troisième de la parole de Mirko l'Amical.

Il est en l'esclavage quelque chose d'immonde, d’inacceptable. Il est du rôle d'un gouvernement digne de ce nom de mettre fin à ces pratiques. Pas de les encourager. Des hommes, des femmes, sont séparés de leurs familles partout dans ce monde et vendus comme des animaux à des hommes puissants, capables de donner des ordres à la marine elle-même. Un ramassis d'idiots, engagés un soir de beuverie au hasard d'un bar miteux, servant avec fidélité et cécité une institution malade. Une institution qui pourrit le monde et rend les hommes suspicieux de tout, apeurés par cette puissance qui les plongent dans une fausse liberté. Il est du devoir d'un prophète de rappeler au monde sa véritable nature et de lui rendre son droit le plus fondamental, bafoué par quelques personnes clamant un droit divin.

Aucune divinité, pas même Jogard le Cruel, ne saurait approuver ces pratiques.



'' Chaque homme mérite d'être libre, de ses actes comme de ses mots'' – Précepte sixième de la parole de Mirko l'Amical.

Douce utopie d'une liberté perdue, il n'est pourtant rien en la piraterie qui ne diffère des autres castes. Dirigés par les plus forts d'entre eux, régis par la loi de la jungle, ils ne représentent qu'une autre catégorie d'esclave, dans leurs idéologies. Vittorio n'a jamais déclaré être un pirate, c'est le monde vicié qui voit ses actes de foi comme des actes criminels. Voilà la seule liberté qu'on vous offre dans ce monde, une liberté rythmée par les chasses à l'homme et les primes qu'on colle sur les visages de ceux qui divergent du commun des mortels.

Et le commun des mortels ne vaut plus rien.



'' Les hommes sains d'esprit doivent être protégés et les fous exilés.'' - Précepte quinzième de la parole de Mirko l'Amical.

Si ce n'est quelques rumeurs vagabondes, parlant d'une révolution en cours, d'un groupe anarchique cherchant à s'emparer du pouvoir, vraisemblablement mené par un mystérieux individu qu'on nomme le Duc; Vittorio n'a aucune idée de ce que peuvent bien revendiquer les Francs-Marins, aussi mystérieux qu'inutiles, du moins jusqu'à maintenant.

Introduction Histoire:

Alors que les mots du grand prêtre s'envolaient dans les airs et qu'il s'écartait peu à peu, un jeune enfant d'une dizaine d'années s'avança. Face à lui un simple autel de marbre blanc, habillé de quelques rayons de soleil timides et orné d'un objet étrange. Un fruit aux allures étranges, parsemé d'écailles en forme d'ailes. La main de cet enfant, aux dimensions monstrueuses, se saisit de l'aliment, le portant à ses lèvres sans hésiter une seule seconde de plus. Ses dents déchirèrent la chair et une odeur insupportable envahit sa bouche, au point de le faire tousser. Ses omoplates lui semblèrent exploser, l'agenouillant de douleur, le sang coulant sur ses côtes. Une scène déchirante de souffrance, ses larmes d'enfant s'écrasant sur le sol, et pourtant. Pourtant la foule se leva, acclamant, applaudissant, aboyant sur le garçon, sur ce qu'il représentait par delà sa douleur. Il releva la tête, ses joues mouillées d'une émotion sans pareille. Un grand sourire sur ses lèvres.

Non il ne pleurait pas de douleur. Il pleurait de joie.

Dans son dos, magnifiques, mystiques et magiques, s'élevaient deux grandes ailes blanches, symbole de Mirko, qui venait de marquer son nouveau prophète de son fer significatif. Un nouvel oiseau, enfant du fraternel, venait de naître. Une deuxième naissance en soi, bien loin des problèmes humains. Bien loin des humains, oui voilà une expression qui le définissait bien, et ce, depuis le jour de sa première naissance.

Vittorio est un géant, depuis toujours. Pas de ceux qui naissent sur Elbaf, de ceux qui font leur apparition parmi les humains, mystères de la génétique. De ces hommes qui culminent au dessus des autres, comme prédestinés à la gloire. C'est ainsi qu'il a grandi, craint par les enfants, rejeté par les adolescents, culminant même au dessus de la majorité des adultes. Mais quand on est le fils d'un chef, quand le futur d'une tribu entière dépend de soi, il n'est rien de tout cela qui puisse vous perturber. L'enfant était exceptionnel, se moquant bien des réactions des autres, regardant plus loin, pongé dans une ambiance bien différente des enfances normales.

Dès qu'il fut en âge de parler et de réfléchir, il fut envoyé au temple de Mirko, situé en plein centre de l'île, parmi des religieux exempts des lois des hommes. Là bas, il n'était plus l'enfant du chef, mais l'un de ceux qui étaient formés pour servir le dieu fraternel. Il n'avait que 3 ans, comme Nicodemo Falcone. Le seul ami qu'il ait eu la chance de connaître. Le fils d'un des plus fiers guerriers du village. Son seul concurrent, également. Tous deux se préparaient à la sélection. Chaque année, tous les enfants âgés de 10 ans étaient soumis à une épreuve permettant de déterminer qui aurait l'insigne honneur de répondre aux attentes de Xylor le Lumineux, père de tous les Dieux. Chaque année, depuis 850 ans, tous échouaient. Arl lui-même n'avait pas réussi à remplir les conditions divines.

Pendant 7 ans, les deux garçons s'entrainèrent ensemble, s'investissant corps et âme, plongeant peu à peu dans une croyance zélée et puissante. Ils développèrent une amitié forte, qui leur permettait de se dépasser un peu plus à chaque fois. Vittorio avait beau être beaucoup plus grand, Nicodemo le surpassait dans toutes les autres catégories de cet entraînement aussi bien spirituel que physique. Il faisait la fierté de son père et, lorsque leur année fut venue, tous les habitants voyaient en lui le futur élu de leur peuple. Ce jeune homme au visage d'ange, au physique trapu mais puissant, représentatif des hommes de cette tribu, faisait l'unanimité face à ce grand dadais blond au regard transperçant. Mais tout ne se passa pas comme prévu...


- QUOI ? POURQUOI LUI ? MON FILS EST LE MEILLEUR POURTANT !
- SILENCE !

La voix grave d'Octavio Noce, doyen de la tribu et grand prêtre de Mirko, s'éleva dans le temple, écrasant les protestations de Giacomo Falcone. Prostré, le visage au sol, dans une prière vaine, il tentait une dernière fois de faire changer d'avis les religieux. Ceux ci avaient choisi Vittorio comme l'enfant élu cette année. Leurs raisons restaient obscures et nul n'était en droit de leur demander quelconque explication. Derrière eux, se tenant fièrement debout, droit comme un I, le buste bombé et le regard intransigeant, se tenait le fils d'Arl. Il ne broncha pas quand les pleurs de l'homme s'adressèrent à lui, ni quand Nicodemo lança son regard plein d'espoir vers lui. Il s'était préparé à cette éventualité, et il l'acceptait. Il se contenta de descendre les marches à la demande d'Octavio, se plaçant devant le pauvre homme, dont les espoirs venaient d'être brisés. Bien trop mûr pour son âge, il culminait au dessus de l'homme à genoux, sans montrer une seule marque d'émotions.

- Il ne s'agit pas d'un jeu. Il n'y a pas de gagnants ou de perdants. Tel a été le choix de Mirko l'Amical... Oh. Un papillon !

Il n'avait pas été méchant, n'avait énoncé que des faits. Alors que l'enfant étourdi se mettait à chercher le papillon qui avait détourné son attention, un autre enfant, au regard noir et aux cheveux épais continuait de le regarder. Nicodemo venait de marquer ce jour dans sa mémoire et il n'oublierait jamais.

Ce même regard, Vittorio le percevait en ce moment même dans la foule. Alors que tout le monde acclamait celui qui venait de devenir le 11ème prophète de Mirko, celui ci avait cessé de célébrer. Son regard était fixe, planté dans celui de son ami, ou de celui qui fut son ami. Un regard qui n'oubliait pas, un regard qui en voulait à chaque parcelle de son âme. Le nouveau prophète s'attarda un instant, un léger sourire de déception traversant son visage, avant qu'il ne détourne le regard, afin de recevoir les nouveaux adoubements de son rang. Ce jour heureux marquait le début d'une longue, très longue histoire entre deux jeunes garçons avides de la même reconnaissance.






La vie d'un prophète n'était pas compatible avec celle d'un enfant et, cela, Vittorio l'avait vite compris. Alors qu'il arrivait sur ses 13 ans, sa vie était très différente d'avant. Oui il était né une deuxième fois, et cette deuxième vie avait quelques conséquences. Il était à la fois adulé et jalousé. Ce peuple qui n'avait pour volonté que de trouver un prophète afin de répandre la parole sacrée éprouvait ce sentiment douloureux. Nombreux étaient les hommes, les femmes, les adolescents ou les vieillards qui avaient échoué à cette sélection. Des bruits couraient selon lesquelles la main des dieux n'aurait rien à voir là dedans, que le garçon aurait juste eu de la chance. Beaucoup prétendaient avoir ressenti une pression, une aura différente émaner de ce fruit par rapport à ceux des années précédentes. Personne n'avait jamais entendu parler des fruits du démon et, depuis des années, ils se contentaient de ramasser des fruits ressemblants à ceux décrits par les légendes. Colorés, aux motifs particuliers. Mais jamais rien jusqu'à ce jour.

Mais nombreux aussi étaient ceux capables d'aimer et qui, dans une communion continuelle, chantaient les louanges de ce fils de chef, devenu élu des dieux. Ils constituaient les partisans de Vittorio, appréciant à quel point les moments qu'ils vivaient étaient légendaires et historiques. Ensembles, ils formaient les Aigles d'acier, les protecteurs du grand Aigle blanc. Une escouade armée qui accompagnait l'enfant dans tous ses déplacements, faisant offices de garde du corps, de partenaires d'entraînement, mais aussi d'amis avec qui discuter. Et c'est précisément avec ces amis là que notre prophète fit la première rencontre cruciale de sa vie.


- PIRATES EN APPROOOOOOOOCHE !

Le feu d'alerte fut allumé, la cloche sonnée à de multiples reprises, alors que, déjà, le jeune homme était parti de son poste de surveillance, rejoindre les autres hommes. Un bateau de grande taille, floqué d'un pavillon noir facilement reconnaissable, approchait des côtes. Précédant une trentaine d'hommes armés, Arl Pace se trouvait déjà sur la plage. Sur la colline juste à côté, profitant d'un autre point de vue, son fils et ses Aigles d'acier attendaient. Ils étaient tous des guerriers aguerris et n'attendaient qu'une chose. La coque de bois toucha la grève, avant de s'arrêter définitivement. Un court silence envahit alors la baie, avant qu'un bruit sourd ne vienne le briser. Pas comme un coup de canon, non, mais plutôt comme un lourd poids qui venait de rencontrer le sol.

Profitant de son fruit, Vittorio fonça vers ce qui avait provoqué le bruit, certain d'avoir vu un homme tomber depuis le pont de ce bateau qui, à mieux y regarder, était en piteux état. Voiles trouées, mâts décapé, proue en ruine, rien sur ce navire ne semblait intact. Et surtout pas cet homme, ou plutôt cette chose. Ce qui se trouvait devant le prophète, inconscient et mal en point, ressemblait plutôt à un ours au pelage rougeâtre, bien que ses bras paraissaient tout à fait humains. Une sorte d'hybride étrange, respirant avec difficultés, sa poitrine se soulevant à peine sous les doigts de l'élu.

- Touche pas … au capitaine … Bongo !!

L'homme qui venait de crier, étrangement vêtu de ce qui ressemblait à un costume de cochon, n'avait fait que quelques pas dans sa course, avant de s'écrouler lui aussi. D'autres hommes se précipitèrent, pas très certains de comprendre toute la situation. D'un seul coup, le jeune Pace déploya ses ailes, s'envolant imprudemment sur le pont de l'épave. À bord, de nombreux hommes, blessés ou simplement trop maigres pour espérer se lever, certain ne semblant même plus respirer.

- Salut toi ! T'es qui ? T'es vachement grand ! Pourquoi t'as des ailes ? Il est où Bongo ? J'veux le voir. T'as des gâteaux ? Plus personne me parle.

Le blondinet se retourna, découvrant avec stupéfaction un jeune enfant d'une dizaine d'années lui aussi, en parfaite santé. Alors, constatant l'état de maigreur et de déshydratation des autres pirates, il comprit. Ils s'étaient sacrifiés pour assurer la survie de cet enfant. Malgré tout ce que l'on pouvait entendre sur eux, ces pirates là avaient un grand cœur et une fidélité à toute épreuve. L'enfant ne comprenait pas vraiment la situation, semblant un peu plus lent que la moyenne. Sa démarche rapide et sautillante, son sourire figé, ses grands yeux noirs un peu vide, ses cheveux en bataille, tout porte à croire qu'il est parfaitement heureux.

- N'aies pas peur. Je suis là pour t'aider ! Puisse la lumière de Xylor porter mes mots, afin qu'ils soient entendus et que tes amis puissent être sauvés !

Alors le prophète, pour la première fois de sa vie, prit une décision. Par son statut, il pouvait décider par delà l'autorité de son père, mais ne l'avait jamais fait. Cette fois, alors que Arl ordonnait d'enterrer les corps et de brûler le bateau, le jeune garçon s'interposa, empêchant l'action d'avoir lieu. Pas un seul regard ne fut échangé avec son père, désemparé d'avoir été ainsi désavoué en public par un enfant de 13 ans. Mais lorsque les hommes virent l'enfant dans les bras de leur leader spirituel, plus personne n'osa protester, repensant à ce qu'ils auraient causé en brûlant ce bateau. Un drame évité...

Échoués par hasard, les pirates finirent par entrer dans le paysage de la tribu. Ils avaient tous récupéré de leur faim et de leur soif, reprenant des forces au jour le jour. Bongo, le capitaine de l'équipage du Pelage Écarlate, un nom qui faisait référence au pouvoir de son fruit, était un homme très sympathique, bon vivant et très bon conteur. Il passaient toutes ses nuits autour du feu, racontant ses périples, la façon dont il avait vaincu le terrible Colosse de l'île de Gruin, ou encore sa victoire sur l'armée des ratons-laveurs géants. Mais l'histoire qui était la plus touchante restait celle de sa rencontre avec Kongo, le petit garçon qu'il tenait tant à protéger. Un orphelin, trouvé seul sur un bateau de marchandises en flammes, sauvé par le capitaine et son équipage. Il l'avait renommé selon un patronyme typique de son île de naissance et l'aimait comme un fils.

C'est ainsi que Vittorio, le sauveur de ces gens, finit par se lier d'amitié avec eux tous, et particulièrement avec le plus jeune qui, malgré son retard mental apparent, était très attachant et très consciencieux lorsqu'il s'agissait d'apprendre à se battre. Avec Kongo, il apprit les bases des arts martiaux, tandis que Bongo lui montrait les rudiments de l'utilisation d'un fruit du démon, ou plutôt de l'utilisation de la transformation divine, comme l'adolescent l'appelait, perdu dans son ignorance. Quand au second de l'équipage, l'homme au costume de cochon, Ushita Kagasu de son vrai nom, il lui apprit les bases de la navigation, dont il avait fait sa spécialité. Grâce à ces trois hommes, le jeune Pace apprit peu à peu tout ce qu'il lui fallait savoir afin de commencer son périple.

Alors, quand au moment du départ, Bongo, dit ''Redline'', capitaine du Pelage Écarlate, lui proposa de monter à bord afin de découvrir le monde avec eux, le jeune homme n'eut qu'une faible hésitation, sous la forme d'un regard vers sa mère, son père, puis le doyen du village. Tous les trois fermèrent les yeux, opinant du chef silencieusement. Le choix était fait. Vittorio Pace, 11ème prophète de Mirko, commençait enfin sa mission...





2 ans passèrent de ce voyage extraordinaire. Kongo était un enfant adorablement attachant, dont Bongo avait su faire un assez bon sabreur en peu de temps. Tout le monde à bord se comportait avec les autres comme au sein d'une gigantesque famille. Ils étaient tous réfugiés, orphelins, délaissés, mutilés. Ils avaient tous été recueillis par cet homme au grand cœur, ou plutôt cet ours au grand cœur. Plus animal qu'humain, sa maitrise presque parfaite de la transformation divine lui permettait d'enseigner à son jeune disciple et prophète, de solides bases quand aux différentes possibilités de ce pouvoir unique. Il avait parlé à Vittorio des fruits du démon, lui avait expliqué pourquoi ce fruit lui avait donné ces pouvoirs et, malgré des apparences sereines et imperturbables, le jeune homme n'était pas indifférent à ces révélations sur le monde réel. Mais ce n'était que le début et la suite allait bouleverser plusieurs destins d'un seul coup.

Après plusieurs jours passés en mer, sans trouver de terre malgré tous les efforts de recherches aériennes de celui qu'on appelait désormais Peace et les talents de Ushita, l'équipage du Pelage Écarlate commençait très sérieusement à s'inquiéter. Se souvenant très bien du résultat la dernière fois que l'équipage avait fini par manquer de vivres, Vittorio tentait du mieux qu'il pouvait d'aider ce bateau à arriver à bon port. Ses heures de vol étaient limitées, mais, alors qu'il survolait passivement des immensités bleues s'étendant à perte de vue, son regard tomba sur quelque chose d'autre, de différent. Retournant à son point de départ, posé maladroitement sur le mât principal, il harrangua le capitaine.

- Reftal! Ulgur at e fortui, kash a reftal !
- Peace ! Tu es encore en train de parler dans ton dialecte, tête en l'air !
- Ah tu m'en vois désolé Bongo ! Je disais juste que j'avais vu une île minuscule avec une plage et une forêt !

Ni une, ni deux, le capitaine sonna le départ, les voiles furent levées, les âmes réchauffées, et tout le monde se mit en charge d'une tâche. Le prophète dans les airs, les guidant dans la bonne direction, des sourires étaient revenus sur tous les visages. Sans le savoir, il venait de réaliser ce que Mirko avait toujours voulu de ses prophètes. Apporter la paix dans le cœur des hommes. Mais vous savez ce qu'on dit de la paix. Elle n'est qu'un leurre éphémère, annonçant toujours une tempête bien plus grande. Et, alors que le bateau accostait doucement sur la grève, un sifflement aigü se fit entendre, frôlant l'oreille de l'homme-oiseau. Un cri de surprise plus tard, il se retourna, les yeux posés sur une chose qu'il n'arrivait pas à concevoir.

Kongo était là, son petit corps d'enfant reposant dans les bras de son père adoptif. Il ne souriait pas, ne souriait plus. Son visage avait perdu toute sa vitalité, toute cette joie qu'il donnait au monde semblait s'en être allée. Cette boule de chaleur qu'il était venait d'être étouffée. Alors, seulement, Vittorio posa les yeux sur la poitrine de son ami, de son frère. Transpercé de part en part par une lance d'acier, perforant le jeune sabreur en plein cœur. Il n'était plus de ce monde, et le regard d'effroi de la famille ne laissait planer aucun doute. Bongo, le grand ours rouge, d'un seul coup redevint l'humain. Celui que personne ne voyait jamais. Un grand homme roux, avec une barbe imposante, son visage rugueux parsemé de ce sang qu'il avait sauvé. Son regard n'existait plus. Anéanti par la situation, il était pareil aux autres. Une larme s'échappa de sous sa paupière, faisant son chemin jusqu'à tomber sur le front d'un fils endormi.

- Pleure Bongo. Pleure ton fils, notre frère à tous. Je vais faire ce pourquoi j'existe...

Les grandes ailes blanches s'élevèrent dans son dos, alors qu'il se retournait lentement, quelques mots de plus s'adressant à son capitaine, ses longs cheveux flottant dans le vent.

- Ramener la paix.

L'attaque venait de la plage, d'un homme, seul, qui déjà lançait une nouvelle fois une de ses armes mortelles. D'un geste rageur, Peace avait attrapé le projectile qui le visait, pliant entre ses mains ce qui n'était pour lui qu'un jouet. Mais son visage ne mentait pas, son expression de colère était réelle. L'adolescent distrait qu'il était quelques minutes auparavant avait disparu, noyé sous ces sentiments puissants. Ses yeux étaient embués de larmes, refusant de partir. C'est ainsi qu'il ne vit pas sur qui il passait sa rage. Il n'entendit aucunement les cris de l'homme qu'il massacrait. Il ne s'arrêta pas, brisant son corps pièce par pièce, dans le plus pur des actes. C'est alors que, au bord de la mort, un dernier râle s'échappa de ces lèvres assassines, parvenant aux oreilles du prophète.

- J'aurais dû être à ta place...

Ces yeux. Ce regard qui le fixait pendant quelques secondes, il ne l'avait jamais oublié. Là, sur la plage, dans une mare de sang, gisait un enfant qui avait fait de la vengeance son seul objectif. Qui s'était nourri de sa rancune et qui avait conduit ses mains à tuer la plus pure des formes de vie de cette terre. Là gisait Nicodemo Falcone, hérétique de la foi de Xylor, exilé de l'île de Prescelta, assassin et impur. Alors, seulement là, réalisant ce qui venait de se passer en l'espace de quelques instant, les genoux de Vittorio l'abandonnèrent, le faisant s'écrouler, front au sol, les larmes s'échappant enfin. Oui, la paix était revenue, mais elle n'avait rien de positive, c'était une paix dont personne ne voulait. Il eut préféré l'explosion de colère de tous, les cris, les pleurs. Mais rien. Il n'y avait que le silence, que cet insupportable silence rythmé par le va-et-vient incessant des vagues.

Quelques jours passèrent, l'enterrement de Kongo se révéla un véritable supplice. Rien n'aurait su consolé cet équipage, qui venait de perdre injustement celui pour qui chacun d'entre eux se serait sacrifié. Quelque chose était déchiré, quelque chose dans l'âme du prophète avait disparu. Assis sur un rocher d'une nuit sans étoiles, il ne faisait que penser, remettant en cause tout ce qu'il savait sur les hommes, profondément bon et s'aimant les uns les autres.

- Tu n'es décidément pas un homme comme les autres, jeune Pace...

Une main aux doigts fins et aux ongles acérés venaient de se poser sur son épaule, alors qu'une voix qu'il n'avait jamais entendue avait brisé le silence...





Une année avait passé depuis la mort de Kongo et cette nuit sans lune. Bongo avait choisi de reprendre la mer avec sa famille de toujours. Vittorio, en revanche, n'était pas remonté à bord. Il en avait voulu pendant un temps à ce grand ours, pour ne pas lui avoir dit à quel point les hommes étaient perdus et dangereux. Mais il n'avait pas refusé de repartir pour cela. Quelque chose d'autre, de plus profond, de plus grand le retenait ici. Il avait dit au revoir à sa deuxième famille qui, à jamais, resterait gravée dans son cœur. Il se devait d'avancer sur le chemin de la paix, sur le chemin de la libération.

- Pourquoi te lèves-tu le matin, jeune prophète ?

Tous les matins cette voix s'élevait dans la pénombre d'une petite hutte improvisée. Tous les matins la colombe donnait la même réponse. Tous les matins, Angelo DeRose sifflait entre ses dents pointues. Il était heureux, car son disciple avait parfaitement assimilé son entraînement, il l'avait transformé en la meilleure version de lui même possible. Oui, dès le début, le prêtre rebut avait le contrôle sur la situation...

Angelo DeRose connaissait Peace depuis des années. Il avait fait partie de ceux qui l'avaient choisi comme élu. En vérité, c'était même son changement de vote au dernier instant qui avait fait pencher la balance du bon côté. Ses raisons ? Le jeune Nicodemo Falcone était plus instable, plus colérique, plus idiot aussi. Il était manipulable. Pendant 4 longues années, il devint le confident de ce jeune homme frustré et désireux de se venger. Alors, quand le moment fut venu, Angelo alla souffler à l'oreille de Nicodemo qu'il fallait qu'il se démarque, qu'il devienne celui qu'il était censé être, en l'absence de son rival. Emmené par une âme maléfique et une rage incommensurable, le jeune enfant alluma, dans la nuit, un grand feu au niveau des provisions. Malheureusement, alors qu'il voulait se faire passer pour le héros en éteignant ce feu, il fut attrapé avant de pouvoir changer de rôle. Jugé et reconnu coupable, il n'eut aucun scrupule à emmener dans sa chute son commanditaire. Les deux hommes furent ainsi reniés et exilés de Prescelta.

Alors ils se mirent à la recherche de ceux qu'on appelait le Pelage Écarlate. Il les trouvèrent, les traquèrent avec la plus grande des discrétions. Puis vint le jour noir, ce fameux jour où le plateau de jeu fut renversé et où Angelo montra son véritable visage. Il avait jeté la lance, pour montrer la voie à Nicodemo. Il avait volontairement raté le prophète, touchant avec efficacité sa véritable cible. Puis il s'était caché, laissant la bête qu'était le jeune garçon à l'esprit vengeur se libérer de ses chaînes. Il avait été conditionné, écoutait à son mentor comme à un père. Et ce jour, l'ordre avait été clair.

- Bats toi. Jusqu'à ce que tout soit fini.

Peace avait gagné, il avait déchaîné sa fureur sur un garçon qui n'avait jamais eu une seule chance. Et dans les yeux d'Angelo, on ne pouvait alors lire que le bonheur. Il venait de ferrer sa proie, tout doucement...

Alors cette nuit, quand il se montra pour la première fois à Vittorio, il ne mentionna aucunement son histoire, prétendant avoir été torturé par le jeune Falcone afin d'assouvir sa vengeance. Il n'avait fait que mentir et rien en lui n'était vrai. Rien, sauf son nom et son titre. Il n'était qu'un petit prêtre de Mirko, aux idées bien différentes de celles de l'Amical. Mais il avait un talent, pour entrer dans le cerveau des autres et pour y semer ses graines.  Et c'est exactement ce qu'il avait fait avec Peace, en le convaincant de la faiblesse des hommes, de la cruauté du monde et du besoin pour les prophètes de purger une terre malade.

Une année, un entraînement fini et un seul objectif. Devenir le véritable oiseau de paix. S'illustrer. Agir en tant que prophète. Tout cela se trouvait au Royaume portuaire du Récif. C'était là que Angelo et Peace posèrent le pied, prêts à rendre le monde plus beau...






Le Royaume Portuaire du Récif était un endroit calme et un peu reculé de North Blue. Dirigé par un roi autoritaire mais bon et tolérant avec son peuple, c'était un pays où, somme toute il faisait bon vivre. Mais c'était sans compter à quel point la nature humaine est violente et cruelle. Car dans ce royaume où tout allait bien se déroulait en réalité un des plus gros trafic d'épices de North Blue. Les contrebandiers étaient légion et nombre d'entre eux n'étaient pas des enfants de choeur. Dans la ville basse, viols, agressions, violences, étaient des faits communs, que le roi préférait oublier, par peur de perdre une partie des rentes de la ville, qui survivait grâce à cela. Ainsi, sous le couvert d'un lieu paisible et amical, les fondations étaient complètement pourries. En ce jour de printemps 1417, une révolution se lançait en secret...


- Mais c'est qui eux ? Vas y ramène les tes potes Xylo et Marko là !
- Guhundar, jaskpen ragin !
- Mais qu'est-ce que tu rac...
- Meurs, hérétique impudent.

L'homme n'avait pas eu le temps de faire sortir sa phrase complète de sa gorge grasse que, déjà, son crâne s'était retrouvé encastré dans le mur contre lequel il essayait de finir son affaire. Au sol, une femme en pleurs, à moitié dénudée, n'osait plus bouger, en pouvait plus.

- N'ayez crainte. Xylor le Lumineux veille sur chacun des habitants de cette ville, courez l'annoncer.

Ainsi, durant 2 semaines, Peace parcourut la ville comme un justicier masqué sorti de nulle part, scandant le nom de Xylor à chaque personne sauvée. Peu à peu, les personnes intriguées furent de plus en plus nombreuses. Ils commençaient à croire en une force, en quelqu'un qui les protégeait. Mais ils croyaient en l'humain. Angelo fut le conseiller du prophète et le somma d'avancer. Une grande partie de la ville-basse le connaissait et il était temps de devenir un homme, de devenir cet élu dont le monde avait besoin.

- Mes amis, je suis Peace, émissaire de la paix, prophète de Mirko et serviteur de Xylor, le père de tous les di...

DONG. Fier comme un pape, le garçon avait tenté de faire une entrée théâtrale dans cette taverne clandestine qui accueillait aujourd'hui près de 100 intéressés. Il avait simplement oublié à quel point il était grand et à quel point les portes étaient bases. Un homme toujours aussi distrait en somme.

- Donc, je disais. J'ai été choisi par le divin pour devenir le prophète d'un de ses 12 enfants. Et je suis venu pour vous libérer en vous apportant la parole de celui qui m'a fait confiance. La lumière de Xylor est l'explication et la réponse à toutes les questions que vous vous posez sur votre passé, votre présent ou même votre futur. Laissez moi détailler un peu. Au commencement, il n'y avait que le néant...

Pendant plus de 3 heures, tous les jours, pendant 2 semaines de plus, il prêcha la bonne parole en petits comités, expliquant à chacun la vérité sur leur monde. Certaines personnes revenaient même plusieurs fois, comme une petite femme blonde, toujours vêtue d'une cape noire, visiblement pour cacher ses atours nobles. La voix de Xylor provoquait de plus en plus de murmures dans cette ville et, bien évidemment, il fallut que le roi l'apprenne. Lorsqu'il sut que quelqu'un était en train de rallier sa population à un autre dieu que lui-même, Bjorn Skorpen entreprit une grande chasse à l'homme. Ce fut sa première erreur.

Car dès lors, Peace incita les gens à prendre les armes, à lutter contre ces hérétiques qui entachaient la lumière. Les contrebandiers étaient chassés, les violeurs tués, les voleurs mis en déroute. C'était un véritable nettoyage qui avait lieu dans cette ville et plus les gens agissaient pour Xylor, plus ils en devenaient fanatiques. Jusqu'à l'instant fatidique où le roi entra dans une panique bleue et une colère noire. Voyant rouge, il décida de lancer un grand assaut. Ce fut sa deuxième erreur, qui se révèlerait être la dernière. Car la jeune femme qui portait une capuches aux réunions était bien une bourgeoise en camouflage. Il s'agissait même de Rikke Skorpen, fille du roi du Récif. Elle était l'une de plus ferventes supportrices de la foi et participait activement au combat.

Peace eut accès au plan d'attaque bien avant la réelle attaque. Alors, quand 200 soldats entrèrent dans la ville-basse pour tout démolir, ils ne trouvèrent personne. C'est alors que, en face d'eux, sur le toit le plus haut de la ville, un homme s'avançait. Écartant ses bras, marchant au rythme d'une musique qu'il n'avait pas, ses aile se mirent à pousser, provoquant un cri de surprise chez les soldats royaux.

- Allez-y mes amis. Mettez fin au règne des hérétiques sur cette ville !

6 semaines seulement étaient passées, mais Peace avait accompli un travail immense... Derrière lui, une armée de plus de 6000 habitants de tous genres venait de surgir, armés de tout ce qu'ils ava ient trouvé, de tout ce qu'il pouvait utiliser pour frapper et tuer. Dans un rugissement monstrueux, tous se jetèrent sur les soldats, depuis toutes les rues de ce dédale. Au bras du géant pacificateur, une femme venait de se lover, un sourire dérangé sur le visage. Elle avait abandonné son sourire angélique et sa tenue d'espion. Elle était rayonnante d'élégance et, si ce n'était pour son sourire dérangé, personne n'aurait jamais voulu lui faire de mal.

- Rendez-moi ma fille !

La voix grave et tremblotante du roi venait de s'élever dans leur dos. Il avait réussi à contourner le carnage pour monter jusque là, accompagné d'une dizaine de soldats. Peace était déjà en train de se préparer à en finir définitivement, quand un bras semblant minuscule l'arrêta. La femme descendit de son perchoir, s'approchant de son père lentement, avec le visage d'une femme en détresse. Pendant un court instant, Vittorio eut juré qu'elle venait de changer de camp à la vue de son géniteur. 3 bruits secs plus tards, une dizaine de cris, des corps qui s'envolent sous un coup surpuissant et le tableau avait changé à nouveau. Rikke venait de tuer son père hérétique, pour la gloire de Xylor. Non. Pour Peace.

Ainsi la guerre fut finie et la petite île du récif fut conquise et confiée à l'administration de croyants de confiance. Marchant toujours dans l'ombre du géant, Angelo se frottait les mains. Tout commençait à se mettre en place pour lui. Et dire que maintenant, alors que cette barque naviguait dans une direction inconnue encore, avec Peace et Rikke à bord, Angelo DeRose ne pensait qu'à une seule chose.

Que ce serait-il passé s'il n'avait jamais acheté et décidé d'accorder ce fruit à Vittorio Pace en ce jour de 1410 ? Que serait donc l'histoire sans ce petit coup de pouce du destin... ?