Carefreeness is the new Freedom - en cours

De prime abord, Slim semble avoir un physique assez androgyne. Sa silhouette fine et sa longue chevelure blonde ne sont pas là pour arranger les choses. Bien qu'il ait un corps robuste et bien bâti, il a le genre de gabarit assez fin et élancé, aux membres longs et souples. Il pourrait presque se toucher l'arrière du crâne avec le talon ! Cette morphologie, d'abord héréditaire, fut également travaillée : depuis sa tendre enfance, il crapahute de partout comme un vrai petit singe. Pas étonnant qu'il soit si agile !

Mais comment parler de Slim sans évoquer son allure si atypique ? Vous n'aurez pas besoin de l'observer bien longtemps pour vous douter qu'il s'agit d'une personne étrange. Entre des vêtements aux coupes loufoques et des couleurs plus vives que la faune et la flore marine, on hésite entre ridicule et goût avant-gardiste... Une chose est certaine, c'est qu'il aime son style et qu'il est fier de son apparence. Très sûr de lui, il est assez extravagant et prend des poses qui, admettons-le, dépassent parfois les bornes.

S'il s'attire les moqueries des passants, il dégage cependant une certaine aura d'intimidation. Son visage fin et beau lui vaut les louanges de ces-dames, et son regard pénétrant ne laisse pas les hommes de marbre. Ses pommettes saillantes et ses lèvres pulpeuses sont mal accueillies par les yeux à la recherche de virilité mais font généralement fureur auprès de la gente féminine. Qu'on soit sous le charme ou non, ses yeux à la fois malins et assurés sont perturbants. Tout cela est agrémenté de mimiques qui lui sont bien propres, contrastant avec le peu de crédit qu'on lui aurait accordé à la première impression. Comme quoi, les apparences sont parfois trompeuses.

Pour en revenir à son style vestimentaire, Slim revêt généralement un simple maillot blanc, typique d'un homme des mers. Il porte par-dessus une veste bleue, parfois sans enfiler les manches, préférant la laisser virevolter au gré du vent à la manière d'une cape. Il porte sur la tête et aux poignets un turban et des bracelets en tissu, du même bleu que sa veste : ceux-ci sont ornés d'étoiles brodées en rose. Son turban est décoré d'un fer-à-cheval en or. Son pantalon est tout simplement large et souple, très fin, aux mêmes motifs que les bracelets et le reste de l'accoutrement. Pour terminer sur une touche de classe, il se chausse de soulier en cuir qui paraissent toujours neuves malgré les moult péripéties par lesquelles elles sont passées.

Pour faire simple, Slim est du genre à ne pas se prendre la tête. Il passe la majeure partie de son temps à glander et flâner, et semble éperdument dans la Lune. C'est quelqu'un de très intelligent, de très fiable, capable du meilleur comme du pire... Mais c'est surtout dans le pire qu'il est le meilleur ! Malgré son grand nombre de qualités, Slim a tendance à trop en faire qu'à sa tête. C'est le genre de gars borné qui ne sait réprimer ses envies profondes. Celles-ci deviennent pour lui des obsessions et l'asservissent au point de le rendre parfois dingue. Dans quelle situation n'est-il pas capable de se foutre pour un simple caprice ?

Il doit cette insouciance à son encombrante excentricité. Bien qu'il soit doué pour comprendre les autres, il ne se préoccupe que rarement du sort d'autres individus. Cette fâcheuse tendance à tout ramener à lui ne date pas d'hier. Seulement, lorsqu'il a une idée qui lui trotte dans la caboche, il devient impossible de la lui retirer. Pour rien au monde il n'abandonnerait un objectif sous prétexte qu'un danger ou un gros risque pourrait l'en empêcher. Par pur esprit de contradiction, il aurait même l'insolence de faire exprès ce contre quoi on l'avait mis en garde juste pour faire ch*er...

Comme cela fut déjà dit, Slim n'est pas du genre à se prendre la tête. Il ne se voit tellement pas charbonner comme un forcené toute sa vie ! L'idée lui a peut-être traversé l'esprit dans sa plus tendre enfance, quand il n'avait pas encore réalisé à quel point la vie était rude. Bien trop peu scrupuleux pour s'en prévenir, il n'hésite pas à voler, racketter, ou même escroquer si cela peut servir ses intérêts. Il n'a cependant pas un fond assez mauvais pour vouloir la violence gratuite. Il préfère un vol discret et sans histoire qu'un pillage avec destruction massive. Par contre, il a un léger penchant colérique, et n'apprécie pas trop qu'on lui cherche les noises. Il adore distribuer des salades de phalanges quand il en a l'occasion : lui qui a la flemme de faire du sport, c'est là l'occasion de se dérouiller, à défaut de s'en prendre une.

Somme toute, nous avons là un jeune homme en pleine confiance, ne se préoccupant pas du tout de l'avis d'autrui et doué d'une volonté de fer. Il n'est pas surprenant d'apprendre qu'il n'a pas beaucoup de proches : il n'y a d'ailleurs que sa mère qui se fasse du souci pour lui, le reste de la planète lui étant principalement neutre voire hostile. Ainsi, il vogue entre un désir refoulé de reconnaissance de la part du monde et un détachement désespéré nourri de naïveté et d'une certaine soif d'aventure.

Nous sommes au Royaume de Bliss. Île largement fréquentée par les pirates, son climat est chaud et la nature y est encore très sauvage. Elle est recouverte de forêts et plaines où l'Homme se regroupe en petits villages, profitant de la faune et de la flore abondantes pour survivre. Les côtes sont donc peu occupées par les populations locales, et le gouvernement mondial n'étant pas très présent, elles sont possédées par des pirates qui y règnent au plus grand dam du roi de l'île qui, impuissant, se voit contraint de laisser les pirates y faire leur oeuvre en échange de la sécurité de ses citoyens. Telle est donc la vie sur cette île tropicale, où les habitants aspirent à une vie tranquille tant qu'ils ne se mêlent pas des affaires criminelles ayant lieu à côté de chez eux. Le danger les rôde tout de même : les animaux sont très puissants sur cette île, et bien que l'Homme soit au sommet de la chaîne alimentaire, une personne isolée reste vulnérable dans les bois. Il est donc coutume de rester cloîtré au sein des murs protecteurs de chaque village, laissant le loisir d'explorer les lieux aux hommes les plus robustes, généralement chargés de chasser. Mais il était un petit garçon qui ne semblait pas réaliser à quel point la forêt pouvait être dangereuse.

Nommé Slim, il était né d'une femme abandonnée par son mari. Une jeune dame très aimante, n'ayant plus que son fils au monde. Son fils était la prunelle de ses yeux. Elle le bichonnait au point de lui céder tous ses caprices, le protéger de tous les dangers. Il n'était pas surprenant qu'il devienne très borné et insouciant. Il passait ses journées à courir dans le village afin de semer la zizanie, criant à tout bout de champ qu'il deviendrait un pirate légendaire. Tous les jours, des voisins le ramenaient chez lui par la peau du cou, en rapportant toutes ses conneries à sa mère, qui faisait mine d'être en colère devant les autres pour finalement passer l'éponge en rentrant. Lucy Marshall était une maman vraiment compatissante. Il héritait bien de l'insouciance de sa mère ! Elle l'adorait décidément un peu trop. Assez pour ne pas se rendre compte que cela pouvait mettre Slim en danger. Et cela dès le jour où, âgé de sept ans, Slim se mit en tête l'idée de parcourir la forêt. Je ne vous apprendrais sûrement rien en vous disant qu'essayer de lui faire oublier cela était mission impossible. La sortie du village était généralement surveillée et il était impossible qu'un enfant puisse s'évader ainsi. Pourtant un jour...

- Tu as flairé quelque chose, Malakaï ?

Un homme de grande carrure marchait dans les bois. Un fusil dans le dos, il avançait assurément, suivant simplement son gros chien de chasse. Celui-ci s'était arrêté soudainement, se pointant dans une direction précise, une patte levée, prêt à déguerpir. Le maître vint alors dans le dos de son chien, plissant les yeux afin d'apercevoir le gibier. Un sourire satisfait étira ses lèvres. En silence, il retira le fusil qu'il portait en bandoulière et le pointa sur ce qui s'apparentait à un sanglier géant. Il amena l'arme à hauteur de ses yeux, quand tout à coup...

- YA-TTAH !!!!

Le sanglier se retourna subitement vers le chasseur, l'ayant repéré. Au même moment, un enfant sortit de nulle part, retombant pile sur le sanglier, afin de lui administrer un violent kick en pleine face. Cependant, l'animal plaça son énorme groin devant le pied du gamin, qui rebondit simplement dessus avant d'être renversé sur plusieurs mètres. Après une glissade incontrôlée, il se releva, à proximité maintenant du chasseur. Celui-ci semblait tout à coup très irrité...

- Bordel de merde ! Mais qu'est-ce que fout un gamin ici ? Eh, merdeux ! Tu viens de me faire rater ma prise là ! Il m'a repéré par ta faute ! Quand j'en aurais fini avec ce gibier, j'te fais ta fête !

Ni une, ni deux, il fit volte-face en direction du porc géant. Il mesurait facilement deux mètres de haut, et son groin, si gros et rebondi, remplaçait ses défenses inexistantes et n'avait rien à leur envier. Il envoya son chien à l'assaut, pointant de nouveau son arme sur le sanglier. Le chien se rua sur son ennemi, mais fut lui aussi repoussé par son énorme groin comme s'il avait sauté sur un trampoline. L'animal sauvage fonçait désormais droit sur le chasseur, qui tira une balle sur l'une de ses pattes afin de le déséquilibrer. Le sanglier, en pleine course, s'affala sur le menton, dévoilant le sommet de son crâne qui n'était plus protégé par la grosseur de son groin. Le chasseur effectua alors un grand saut, tenant son fusil par le bout du canon. Il frappa en usant de sa retombée afin d'améliorer sa puissance, frappant à l'aide de la cross de son fusil, composé d'une lourde partie en métal massif. Le choc fut violent et le fracas crispant. Le sanglier perdit connaissance, s'il ne fut pas mort sur le coup. Se relevant fièrement, le chien revint aux pieds de son maître, lequel fit désormais face à Slim. Une main derrière la tête, un sourire béa aux lèvres, Slim espérait ne pas prendre trop cher. Il ne vit même pas venir la tarte que le chasseur lui mit tant celle-ci fut rapide. Il décolla néanmoins du sol et eut une énorme trace durant plusieurs jours.

Après ce périple, Slim fut ramené au village. Il fut sévèrement réprimandé par les habitants, et fut contraint à des travaux forcés. Au-delà de ça, il était très surveillé du fait qu'on connaissait son penchant pour l'exploration. Le chasseur, quant à lui, voyait tout de même un bon potentiel en lui, pensant qu'il pourrait faire un bon chasseur plus tard. Il se reconnaissait tout simplement en Slim : lui aussi, plus jeune, il souhaitait tant devenir un grand chasseur comme son père, qu'il était sorti seul hors du village pour chasser comme un bonhomme. L'insouciance des enfants pouvaient parfois les mener à leur perte, et il était bien placé pour le savoir ! C'était donc épris d'un sentiment presque paternel que Jerry, de son prénom, vint à nouveau à la rencontre de Slim.


Le soleil était à son zénith. L'air était humide, la température à son paroxysme. La place du marché venait d'être abandonnée par les différents marchands qui avaient vendu tous leurs stocks, et la plupart vendant de la viande ou du poisson, ils laissaient derrière eux un lieu aux odeurs nauséabondes, les conditions météorologiques n'aidant pas à éviter les pires effluves de venir caresser ses canaux olfactifs. Slim était justement en train de nettoyer cette place, le coeur bien accroché - ayant surtout vomi trois fois en une heure. C'était la punition pour ne pas avoir suivi les règles, qui stipulaient que les enfants ne pouvait se rendre seuls dans les zones à risque. Encore moins pour gêner les professionnels au travail. La mine boudeuse, il frottait le sol, quand tout à coup, Jerry apparut devant lui. Surpris, il fit mine de ne pas l'apercevoir, mais celui-ci vint à sa rencontre le premier.

- J'espère qu'avec tout ça, tu prendras le temps de méditer sur tes conneries !

Le chasseur laissa un petit blanc s'installer. Slim le voyait venir, il allait lui rabâcher le même blabla que les autres adultes : il est irresponsable, il ne pense qu'à sa pomme, il ne sert à rien... Roulant les yeux au ciel, il continua de frotter le sol comme si de rien n'était.

- Ça, c'est ce que je devrais dire, mais au fond, c'que j'fais de la morale et l'éthique moi...

Slim arqua alors un sourcil. Où voulait-il en venir ?

- Tu sais, quand j'avais à peu près ton âge, j'ai fait exactement la même connerie. Ce serait déplacé de ma part de te faire la morale. Cependant, je veux quand même que tu prennes conscience des conséquences que tes actes peuvent avoir. Alors, surtout, ne recommence plus,
et à tes quinze ans, si tu t'en montres digne, je te prendrai comme apprenti. Ainsi, tu pourras sortir du village librement afin de devenir chasseur. Qu'en dis-tu ?

Slim ne répondit pas tout de suite. Etait-il en train de rêver ? Ou l'odeur l'avait-elle rendu malade au point d'avoir des hallucinations ? Ne sachant quoi répondre, il resta silencieux et indifférent. Et puis... Pourquoi lui parlait-il de sortir du village ? Il était vrai que très peu d'enfants avaient le loisir de sortir de l'enceinte des murs, encore moins seuls. Plus que déconseillé, c'était même interdit par les adultes. De quoi accroître chez Slim cette envie irrépressible de s'évader, avec son pur esprit de contradiction... Jerry avait également ressenti ce besoin de liberté plus jeune et voulait offrir cette chance à un gamin qu'il appréciait sans trop savoir pourquoi. Quant à Slim, il n'avait inconsciemment pas la même ambition. Son besoin de liberté lui donnait envie de traverser monts et marées de par le monde.

- Quoi ? Devenir chasseur ? Mais je veux être pirate moi !

BING ! En homme autoritaire, Jerry mit une calotte au jeunot en pestant, avant de se racler la gorge et reprendre la parole.

- Quel genre d'idiot crie haut et fort qu'il veut devenir pirate ?! Grandis un peu, Slim. Tu n'es pas obligé d'accepter, mais tu dois apprendre à discerner ce qui est bon pour toi. Alors je compte sur toi ! Et d'ici là... Travaille bien ! Héhé !

Il mit la main sur la tête du blondinet et l'ébouriffa en riant de bon coeur, puis s'en alla.

Durant les années qui suivirent, Slim enchaîna boulettes sur boulettes. Mais si les habitants du village en avaient tous assez de lui, il ne ressortit néanmoins jamais du village tout seul. Tous attendaient ce fameux jour où il deviendrait l'apprenti de Jerry, ce brave homme très réputé au village. Ils furent tous surpris d'apprendre qu'un homme de cette envergure s'était engagé auprès d'un minable comme Slim, et certains pensaient même que c'était simplement une invention de sa part - sachant qu'il passait ses journées à gueuler qu'il deviendrait son apprenti et qu'il sortirait du village régulièrement avec un air ahuri. Mais qu'est-ce qu'ils espéraient enfin être tranquille, lorsqu'il passera ses journées hors de ces murs. Et puis, avec un homme tel que Jerry, il finira sûrement par marcher sur le droit chemin. Ce jour tant appréhendé arriva donc...

Dès les premiers jours, les craintes de Jerry furent confirmées : Slim était toujours un mauvais garnement ! Bien qu'il ait grandi, il ne se préoccupait pas des règles de sécurité, du métier de chasseur non plus d'ailleurs : il souhaitait simplement faire le con dans les bois. Quelle plaie ! Mais s'il n'était ni bon traqueur, ni bon dépeceur, il était tout de même fiable durant les face à face avec les bestiaux. Comme guidé par un instinct carnivore, il faisait face à ses proies avec une façon de faire bien à lui. Plus qu'un duel, c'était une véritable oppression qu'il imposait à ses cibles. Certaines semblaient même perdre leur envie de se débattre, comme si elles s'abandonnaient à lui. Cet attribut lui était bien pratique, et Jerry faisait en sorte de lui apprendre à l'exploiter au mieux. Mais très vite, Slim fut embêté par le métier de chasseur : la traque était une tâche ingrate nécessitant à la fois discrétion et d'être consciencieux. Deux points faibles chez lui... Et le dépeçage ainsi que toute main-d'oeuvre suivant la chasse lui était d'autant plus désagréable.

Pour faire simple, il n'aimait qu'une seule chose : la castagne ! Faire face à un animal sauvage, et le soumettre à sa volonté, par simple caprice, voilà tout ce qui l'intéressait dans la chasse. Sa passion pour cette discipline n'était inconsciemment qu'une excuse afin de sortir de ces murs l'emprisonnant à moitié. Et plus le temps passait, et plus il devenait fort, capable de faire face à de plus en plus grandes bêtes, et de plus en plus nombreuses. Poussé par cette nouvelle lubie, il se mit alors à botter le cul d'espèces animales auxquelles il était interdit de toucher. C'était notamment le cas d'une tribu de bovidés humanoïdes, ressemblant de loin à des minotaures. La loi interdisait la chasse de cette espèce, et celle-ci, très hargneuse et belliqueuse, avait accepté de ne pas piller les villages humains s'ils n'étaient plus pris pour cible en tant que gibier. Ce pacte était de rigueur depuis des dizaines d'années, et aucun camp ne vint trahir ce traité. Du moins, jusqu'à ce que Slim ne débarque dans le game...


Comme toujours, à la recherche de nouvelles sensations, Slim déambulait à travers la forêt. Ce jour là, il était accompagné d'autres apprentis chasseurs, et ils eurent la mauvaise surprise de tomber sur l'un de ces bovidés en train de s'affairer à l'ombre d'un arbre, certainement avec l'une de ses congénères. D'abord écœurés, les jeunots furent ensuite amusés, et décidèrent de leur jouer un tour. Ils se rapprochèrent donc discrètement avant de se jeter sur eux, leur lançant des bâtons et des pierres. Surpris, les bovidés stoppèrent leurs ébats et firent face à leurs agresseurs. Les gamins pensaient simplement foutre la honte aux tourtereaux, les forçant à rentrer chez eux en ayant bien pourri leur journée au passage. Mais ce à quoi ils ne s'attendaient pas, c'était de tomber sur le fils du chef de la tribu. Celui-ci pouvait tout de même faire retomber leur petit jeu jusqu'aux oreilles des autorités de Bliss. Les apprentis prirent tous leurs jambes à leurs cous, sauf Slim. Pas dégonflé, il continuait de se moquer ouvertement de l'homme-bête, qui tirait d'ailleurs une tronche de killer. Il se craqua le cou et se dirigea droit vers Slim, plongeant son regard vitreux dans celui du gamin du haut de ses trois mètres. C'est alors qu'une voix retentit depuis le dos du fils du chef.

- Jyû-sama, ils ont découvert votre petit secret...

À vrai dire, les gamins n'avaient pas remarqué avant d'entendre la voix de la partenaire de ce fameux Jyû. Il s'agissait justement d'un mâle ! Le fils du chef des minotaures était... ?! Il semblerait que oui... ! Peu enchanté à l'idée que cette nouvelle puisse s'ébruiter, il semblait décidé à éliminer tous les témoins... Il se frottait les sabots, puis en décocha un droit sur Slim, l'envoyant valser sur plusieurs mètres. Effrayés, ses collègues s'enfuirent chercher de l'aide en direction du village. Ils ne purent donc pas voir ce qu'il se passa ensuite. Et ils étaient loin de se douter de ce qui allait arriver ! Car si Slim avait été repoussé, il n'avait pas subi énormément de dégâts. Il s'était même réceptionné au sol avec une certaine facilité, et était reparti à l'assaut illico. Il courait en direction du taure qui, impatient, s'élança également sur lui. Il décocha une droite plongeante dès que Slim fut à sa portée. Mais celui-ci était vif, et s'y attendait parfaitement. Rapidement, il effectua un bond afin de passer au-dessus de son adversaire, l'empoignant par les cornes tant qu'il était dans les airs, les pieds vers le ciel et la tête en bas. Puis, en redescendant, il profita de son élan ainsi que de sa grande force afin de soulever l'homme-bête avant de le projeter à mesure qu'il atterrissait. Celui-ci fut alors lancé à très grande vitesse contre un arbre, pliant à moitié le tronc avec fracas. Il s'écroula au sol, affaibli, tandis que l'autre taure vint l'aider à se relever. Le fils du chef tirait une sale tronche et lançait un regard noir à Slim. Il n'était pas prêt de l'oublier...

- HUMAIN ! T'ES FINI ! FAIS TES PRIÈRES !

Il chargea de nouveau, sans succès. Il essaya quelques fois de plus, puis, voyant l'écart de force, il s'en alla en jurant de prendre sa revanche. Amusé, Slim haussa les épaules et prit le chemin du retour. En cours de route, il croisa ses anciens collègues, accompagnés d'hommes armés, partis à sa recherche. Ils se faisaient un sang d'encre pour lui ! Quelle ne fut pas leur surprise lorsqu'ils apprirent qu'il leur avait mis une raclée... D'abord, ils ne le crurent pas. Mais en le voyant vivant sain et sauf devant eux, ils finirent pas l'accepter. Mais l'heure était désormais grave : ils allaient revenir pour se venger ! De retour au village, le doyen et quelques personnes respectées telles que Jerry se rassemblèrent pour débattre autour de la punition à appliquer pour avoir créé un tel incident diplomatique. Le débat dura plusieurs heures, et sur la place publique, le résultat fut rendu par les autorités.

Le doyen et ses consultants étaient alignés sur une estrade. Un Den-Den-Mushi équipé d'un mégaphone permettait à celui qui s'avançait sur la scène d'être entendu de tous. L'un des consultants prit la parole.

- Après délibération, nous en sommes convenus que madame Lucy Marshall ainsi que monsieur Slim Marshall ont 24h pour quitter ces lieux, sous peine d'expulsion par la force. Le village déclinant toute responsabilité des actes ayant eu lieu, nous ne souhaitons pas qu'un conflit retombe sur l'ensemble du village et que nous soyons dévastés par ces bêtes ignobles.

Les dents et les poings serrés, Jerry était solennel et immobile. Il s'avança alors, fixant Lucy droit dans les yeux.

- Je suis désolé Mme Marshall, j'ai fait tout ce que j'ai pu pour éviter d'en arriver là...

- Mais que racontez-vous !, enchaîna le doyen. Par sa faute, les autorités du Royaume vont nous accabler pour cet acte que nous n'avons pas commis ! Si nous les congédions, nous déclinons cette responsabilité. Ce petit impertinent ne nous a toujours causé que du tort, il est grand temps qu'il déguerpisse ! Nous n'allons pas payer pour ce petit ingret. La vie n'en sera que plus paisible dans notre petit bourg !

- Monsieur le doyen !, rétorqua Jerry. Mme Marshall est une dame très aimante et respectueuse. Son fils, bien que difficile à contenir, n'en est pas moins un jeune homme prometteur. Il me rappelle moi par le passé. Ne le jugez pas sur des erreurs de jeunesse !

- Silence ! La décision est prise et irrévocable.

[...]

Le débat semblait sans fin. Slim lui, n'en avait rien à foutre. Tout ce qu'il retenait, c'était que sa mère avait des ennuis à cause de lui. De lui, mais aussi de ces foutus taures. Gouverné à la fois par la haine et la colère, envers et contre tous, il s'en alla sans se soucier de la suite de la discussion. Il partit hors du village, sans que personne ne l'en empêche cette fois-ci. Il partit durant toute la nuit, laissant sa mère seule pour préparer leurs affaires avant le grand départ. Jerry passa la soirée avec elle afin de l'aider. Ils s'inquiétaient tout de même de ce qu'il pouvait bien être en train de faire. Le lendemain matin, aux aurores, un énorme bruit retentit au centre du village. Un gigantesque marteau était encastré là où l'estrade était placée la veille, et un taure, au moins deux fois plus gros que celui qu'il avait vaincu, était affalé au sol sur le dos. Intrigués, des villageois s'amassèrent autour pour voir de quoi il s'agissait. Ils aperçurent alors Slim, assis en tailleur les bras croisés sur le poitrail d'un gigantesque homme-bête, orné de bijoux et d'or : il était totalement KO, voire dans un piteux état. Le doyen du village n'en revenait pas.

- Le... Le chef de la tribu des taures !

Bouche-bée de voir que sa pire crainte avait été mis hors d'état de nuire, il ne semblait pas savoir quoi dire, tandis que la foule acclama Slim dans des cris de joie et de soulagement. Que s'était-il passé ? Après avoir quitté le village la veille lors du conseil voué à décider du sort de la famille Marshall, il était parti à la recherche de la tribu des taures. Il passa la nuit dans la forêt, reprenant la route dès le lendemain. C'est ainsi qu'il rencontra le père de celui qu'il avait vaincu quelques heures plus tôt.


Ce qu'il se passa la veille...

La traque. Tout un art me direz vous ! Depuis que Jerry l'a pris sous son aile, Slim a traqué jour et nuit toutes sortes de bestioles. Qu'elles volent, rampent, ou galopent, les très nombreuses espèces qui composent la riche faune du pays y sont à peu près toutes passées. Si certaines étaient difficiles à pister, ce n'était -heureusement pour Slim- pas du tout le cas des taures. Chaque individu pesant plusieurs centaines de kilos et se déplaçant tous en tribu, il était difficile pour eux de vivre sans être repéré. Mais leur survie ne dépendait pas de leur faculté à se cacher mais de leur capacité à se battre. Ils n'auraient aucun mal à abattre un gigantesque fauve sans arme, rien qu'à la force des bras et à l'aide de leurs cornes. Alors imaginez quand ils sont armés... Ils ne sont pas spécialement doués au combat, mais leur sauvagerie et leur puissance les rendent tout de même extrêmement dangereux. Slim eut vite fait de trouver des traces en partant du lieu où il avait affronté le fils du chef de la tribu des taures. Il les remonta jusqu'à atteindre une plaine, où une sorte de campement primitif avait été disposé. Les taures étaient un peuple nomade qui habitait là où l'herbe était la plus tendre... La nuit tombait, quelques torches éclairaient les lieux et quelques passants apparaissaient par-ci par-là. Le jeune chasseur approcha avec toute la discrétion dont il savait faire preuve, motivé cette fois-ci à faire les choses correctement. Il n'avait que faire des conséquences de ses actes sauf lorsque celles-ci retombaient sur son entourage et là, la tribu des taures risquait de s'attaquer à son village pour le retrouver lui. Il devait donc régler ça lui-même.

Lorsqu'il infiltra le campement, il prit une des torches disposées lorsque personne ne le voyait et mit une à une le feu à ces espèces de cases dans lesquelles les hommes-bêtes vivaient. Rapidement, un grand incendie s'éprit des lieux, obligeant les occupants à se disperser tout autour de la plaine dans la panique. Bien planqué, Slim cherchait celui qui ressemblait de près ou de loin à un mâle dominant. Il aperçut un taure faisant presque le double des autres, étant deux fois plus large, qui détruisait toutes les structures à l'aide d'un gigantesque marteau pesant plus d'une centaine de kilos. A mesure qu'il frappait, les flammes s'éteignaient grâce au souffle de l'impact de chacune de ses attaques. Sa puissance était réellement surprenante pour Slim, qui n'avait jamais vu une telle créature. Abasourdi, il le fixait sans se soucier de ce qui l'entourait. La plupart des taures s'étaient éparpillés à plusieurs centaines de mètres, et il allait avoir le temps de dégommer ce bon vieux chef. Mais contre toute attente, quelque chose le souleva par le col depuis l'arrière. C'est là qu'il réalisa qu'il n'était pas tout seul.

- Te revoilà, humain. À nous deux p'tite tête !

- Woaw ! Mollo mi-molette !

Gesticulant vainement dans tous les sens afin de se libérer, Slim comprit qu'il était dans une situation délicate. Il parvint néanmoins à se hisser hors de sa veste, ce qui lui permit de regagner le sol. Il enchaîna sans plus attendre avec un grand bond en direction de l'énorme ventre du taure, le fils du chef lui-même. Il lui administra ensuite un puissant coup de coude, le pliant en deux. Il sauta ensuite droit en l'air, tendant le talon droit vers le ciel avant de le faire retomber à la manière d'un grand marteau. Il frappa l'arrière du crâne de son adversaire qui s'écroula au sol avec fracas, perdant totalement connaissance.

Il fit alors face au chef du village qui avait assisté à la scène sans ne rien pouvoir y faire. Il venait tout juste de terminer d'éteindre l'incendie, et fixait désormais Slim avec un regard plein de haine. Il avait compris d'où venaient les flammes. Slim quant à lui, déambulait en cassant la démarche pour faire le cake. Quelque chose lui disait que son opposant n'avait aucune estime pour lui. Il se devait de lui apprendre le respect.

- C'est toi l'big boss ? J'suis venu te flanquer une rouste !

- GROAAAAAAR ! J'vais t'apprendre à t'attaquer aux taaaaures ! J'vais t'écraser et orner ma case de ton crâne !

- Je crois qu'on s'est pas bien compris ! La seule chose qui va finir écraser ici, c'est ta tête de bovidé !

S'en suivit d'une joute sans pitié. L'homme-bête était vif malgré son énorme masse et son corps très large. Il faisait également preuve d'une puissance inouïe lui permettant de soulever son gigantesque marteau avec lequel il pouvait massacrer Slim en un seul coup. Mais celui-ci était doué d'une agilité et d'une réactivité poussée à son extrême. Chassant à mains-nues dans la forêt, il apprit à se battre au corps à corps d'une manière incongrue. Il savait lire les mouvements les plus imprévisibles, s'évader d'attaques ne laissant pratiquement aucune échappatoire et attaquer avec une rapidité et une précision digne de celle d'un prédateur tel que les serpents ou les félins. C'est ainsi qu'il parvint à esquiver les différentes frappes du chef des taures, qui agitait son marteau avec une facilité déconcertante, comme s'il était en plastique. La moindre erreur lui aurait été fatale. Mais il ne prenait aucun risque : il restait à distance, analysant son adversaire. Ses timings, ses mouvements, tout passait au scanner. Il vit soudain une ouverture.

Lors d'un coup porté, l'énorme masse tombait du ciel depuis la gauche de Slim, et visait à le faucher aux genoux. Jamais il ne pourrait marcher à nouveau s'il se prenait le coup. Heureusement, il avait anticipé ce dernier geste, après avoir analysé quelques instants les combos qu'il évitait depuis le début. Cette fois-ci, plutôt que de reculer ou de s'évader par le côté, il effectua un très vif bond sur place, plaquant les cuisses contre le ventre afin d'élever ses jambes au maximum. L'arme s'écrasa alors au sol en créant un creux dans la terre meuble suite à l'impact. Slim atterrit alors avec souplesse sur l'énorme masse de l'arme, armant le poing droit bien en arrière. C'est sans perdre de temps qu'il se propulsa d'un second bond droit en direction du visage de son adversaire, lui administrant le plus fulgurant des uppercuts que possible de son poing qu'il avait armé précédemment. Le taure fut alors propulsé en arrière sur quelques mètres en lâchant son marteau au passage, sonné. Slim retomba à proximité et l'empoigna alors fermement.

- "À NOUS DEUX, P'TITE TÊTE !!!"

Le taure reprenait peu à peu ses esprits et releva la tête. Il vit alors Slim dans les airs, son propre marteau dans ses mains, prêt à retomber sur lui pour l'achever. Ce fut la dernière chose qu'il vit avant de perdre connaissance. Le marteau retomba alors créant un creux dans le sol suite à l'impact juste à côté de la tête de son adversaire, lui brisant une corne au passage.


Voici donc comment cette énorme bête avait atterrit au milieu de la place du village. La foule fut paniquée à son réveil, mais elle fut également surprise : le taure aperçut Slim et se prosterna devant lui. Il était coutume pour eux de se battre pour le pouvoir et de régler toute forme de conflit par une bagarre. Suite à cette grosse défaite, il ne pouvait que s'incliner devant son nouveau chef. En gagnant, Slim avait obtenu un grand respect, plus grand qu'il ne l'aurait jamais imaginé de la part d'un peuple humanoïde qu'il ne connaissait guère. Mais grâce à cela, il évitait - par chance - les représailles, restituant le titre de chef à l'ancien, n'étant point intéressé. Par contre, sa mère n'était plus obligé de déménager et pouvait continuer sa petite vie tranquille. Tout ce que Slim souhaitait.

Tout est bien qui finit bien, comme dirait l'autre. Il restait néanmoins un dernier point que le blondinet voulait régler. Il n'était pas du genre rancunier, mais il n'avait pas aimé l'hostilité du doyen du village lors du conseil de discipline auquel il avait eu le droit. À tous les coups, c'était à cause de lui qu'il avait dû traverser tout ça. C'était donc en toute légitimité qu'il saccagea la maison du doyen avant de quitter le village, sans oublier de rendre visite à sa mère et Jerry, qui passaient étrangement beaucoup de temps ensemble... Après des au revoir émouvants, mais sans leur avouer la dernière bêtise qu'il avait faite avant de partir, il prit donc la mer, guidé par un instinct lui insufflant l'idée de devenir un grand pirate depuis sa plus tendre enfance, prêt à affronter tous les dangers.


Nous sommes désormais en 1417. Cela fait quatre ans que Slim a levé l'ancre pour la première fois. Embarqué sur un vieux rafiot qu'il acheta en pensant faire une bonne affaire - il était encore très crédule à cette époque, celle-ci prit l'eau à peine quelques heures après son départ. Il finit donc à la flotte, à la merci des monstres marins. Fort heureusement pour lui, un bateau de pêche passait par là : un vieux monsieur était à la barre, et celui-ci repêcha Slim pour son plus grand bonheur. Ce jour, qui failli être son dernier, scella son destin.

Le cap étant fixé sur l'île la plus proche, ils profitèrent du temps de croisière pour faire plus amples connaissances. Slim ne tarda pas à se vanter de vouloir devenir pirate, ce à quoi Sharp ria de bon coeur. Un gamin à peine foutu de tenir la barre, devenir pirate ? La bonne blague ! Il n'avait jamais entendu pareille connerie. À ces moqueries, Slim s'énerva bien entendu, et Sharp le poussa à bout expressément jusqu'à ce qu'il n'en vienne aux mains. C'est là que, après avoir presque perdu la vie, il prit la plus humiliante de ses défaites. Aucun de ses coups n'avait fait mouche, et il fut hors combat en seulement trois coups. Surplombé, il dût reconnaître qu'il n'était qu'un petit poisson dans ce si grand océan. Il naquit alors entre les deux hommes une relation de maître à élève. Sharp se révéla être un ancien pirate, et avait encore de beaux restes. Après avoir parcouru les mers dans les rangs d'un gros équipage, il prit sa retraite en tant que pêcheur, ayant bien trop vieilli pour être reconnu par les anciens avis de recherche. Les quelques chasseurs assez âgés pour avoir entendu parler de lui à son âge d'or n'étant généralement pas de sa trempe ou retiré depuis belle lurette, il pouvait profiter de sa fin de vie en toute tranquillité.

Indomptable, Slim était pourtant captivé par les enseignements de son nouveau maître. Celui-ci ne tentait pas de l'empêcher de devenir pirate parce qu'il trouvait cela mal, mais parce qu'il ne l'en croyait tout simplement pas capable. Frustré, Slim chercha coûte que coûte d'obtenir sa reconnaissance. C'était dans cette optique qu'il s'entraîna sans relâche, apprenant à se battre avec un style lui étant propre, maniant tant les armes à feu que certaines armes blanches, ou encore les canons et plus ou moins les rudiments d'une bataille navale. Porté par ses ambitions, il finit par mettre la main sur un fruit du démon et apprit à l'exploiter grâce à l'expérience de Sharp, qui avait eu le loisir d'en voir de près plus d'une fois.

Aujourd'hui, le blondinet est devenu un homme, et s'il n'a toujours pas vaincu ce vieux débris qui lui sert de père spirituel, il compte le surpasser en ayant une prime plus grosse que la sienne. Ce jour-là, il le retrouvera et le défiera en duel.