Hechizado Malavista

Vous ne voulez pas passer par l'habituelle case des descriptions ? Alors optez pour ce questionnaire !



Taille : 1m 60 courbé.
Poids : 80 kg
Cheveux : Brun et gras.
Yeux : Noir et globuleux.

Hechizado. Cela voulait dire « ensorcelé ». n'importe quelle parcelle de son corps traduisait l'influence maléfique qui l'avait touché à son enfance. Sa carcasse lourde et boiteuse se traînait des ruelles malfamées en porche insalubre. Jamais vite, tout au mieux trottinant pour tenter de gagner quelques secondes ô combien précieuse. À chaque fois, cela le faisait transpirer des quantités astronomiques de sueur sur tout son corps. Il n'était pas fait pour l'effort physique. Il n'était pas fait pour beaucoup de choses en réalité.

Difforme dès sa naissance, il n'avait fait que grandir de travers et n'avait jamais repris l'apparence commune d'un être humain. La chose qu'il était avait une image plus que disgracieuse que renvoyait chaque bout de verre faisant office de miroir. Ses longs cheveux bruns et gras entouraient un visage ovale où un large front prenait la majeure partie. Pourtant, ce n'était pas et élément que le commun passant remarquait au premier regard. Non. C’était ces yeux trop grands. Trop ouvert. Trop... dérangeant. Des pupilles noires qui semblaient vouloir dévorer le monde, prendre chaque détail pour les graver dans le cerveau d'un monstre. Lui.

Le fait qu'un de ces yeux regardait toujours légèrement sur la droite n'aidait pas à réconforter les étrangers. Plus ceux-ci gardaient leurs regards sur le Malavista et plus, le dégout montait dans leurs gorges. Le nez aquilin qui sortait de ce visage comme pour couper l'air devant lui ne semblait être là que pour cacher le rictus qui lui servait de sourire. Ne pouvait jamais vraiment fermer ses lèvres, Hechizado avait régulièrement de la bave qui semblait vouloir fuir son propriétaire.

Dans une autre vie, il aurait pu être un grand homme. Peut-être pas parmi les plus beaux mais fort et solide. Peut-être aurait-il été un fermier ou un soldat? À la place, son mètre quatre-vingt se transformait en une créature courbée d'un mètre soixante. Sa bosse trônait sur lui-même comme la marque que le diable l'a reconnu comme l'un de ses enfants. Les bras du pirate semblent deux fois trop longs à cause de cette posture courbée. Ils sont l'un des rares attributs qu'il apprécie chez lui. Ses bras sont forts et moins déformés que le reste. En tout cas si c'était sans ses ongles trop longs et mal entretenu par la vie de sauvageon qui est la sienne.

Ses jambes auraient pu être similaires. Elle n'était pas atrophié ou déformé à la naissance. La vie dans les bidonvilles a pris soin de régler ce petit détail. Son corps noueux était rarement laissé à la vue des gens. Seul sa tête et ses mains semblaient à l'air libre. Le strict minimum pour survivre dans un monde sauvage et cruel.



Hechizado se promène la plupart du temps dans des vêtements trop grands. Sa large robe est faite principalement de deux couleurs, le rouge bordeaux et le noir. Des nuances sobres, qui n’attirent que peu l'attention. Le reste de son corps le fait assez. Cela lui permet de cacher qui il est aux yeux des étrangers. De limiter leurs colères et leurs rages quand ils posent leurs yeux sur quelque chose différent et en même temps si proche d'eux-mêmes. La robe du pirate est en réalité composée de trois parties. La première, la robe à proprement parler descend de la taille et s'étale sur le sol sans jamais laisser les pieds du Malavista apparaître quand il marche.  Une ceinture tient cette dernière en place tandis qu'elle est recouverte d'une large veste. Les mains du bossu se perdent dans des manches trop grandes, n'en sortant que lorsqu'elles ont une utilité.

Enfin, une capuche en pétale entoure le cou et les épaules du jeune homme. La plupart du temps, celle-ci n'est pas placée sur le visage de ce dernier. De par la structure de son corps, Hechizado a la tête totalement recouverte lorsqu'il la met mais perd la majeure partie de son champ de vision. Cette capuche contient le plus de couleur dans tout l'attirail vestimentaire. La forme en pétale évoque évidemment les plantes et par-là, quelque chose de pur et naturel. Quelque chose que l'ensorcelé ne peut s’empêcher d’espérer pour son propre compte.



Que veut un bossu lorsque son regard se perd dans l'horizon? Être normal. Être accepté. Mais quand ce n'est pas possible, que faire? Hechizado ne se fait aucune illusion sur son existence. Il sait que sa route sera toujours encombré. Que pour vivre, il devra prendre des chemins que les autres délaissent par peur, dégoût ou morale. C'est comme ça qu'il a survécu jusqu'à maintenant. Telle est sa vie et sera toujours le cas. Non, lorsque ses yeux suivent le va-et-vient des vagues, il ne pense pas à cette société qui l'a rejeté dès son plus jeune âge. Il pense aux merveilles du monde qu'il n'a pas connu. Ils pensent aux surprises qui l'attendent sur la prochaine île.

Plus il voyage et plus il se rend compte qu'il ne connaît rien. Il a l'impression de vivre au bord d'un gouffre sans fond. Aussi vite qu'il puisse tomber, il semble ne jamais atteindre le fond. Il adore ce vertige. Quand il y pense, assit sur une plage, il ne peut s’empêcher de rire. Il en est presque effrayé de comprendre à quel point il y a de choses au-delà de chaque île. La société l'a blessé encore et encore pour ce qu'il est. Il a maudit son destin de l’avoir brisé avant même qu'il ne commence à vivre. Pourtant, son destin s'ouvre chaque jour sur l'horizon. Il est une sirène qui l'appel toujours plus loin. Qui le pousse encore et encore à se dépasser. À continuer. Tous les dangers qui peuvent s'y trouver valent chaque seconde d’émerveillement qu'il aura ressenti en chemin.

Si en chemin il trouve des personnes partageant ses envies d'ailleurs alors, le voyage n'en sera que plus doux. Comme un rêve lors d'une fraîche nuit d'été, il se réveillera dans une douce euphorie, il le sait. Il a beau avoir fait un trait sur l'acceptation de la société, il ne peut empêcher l'espoir de parcourir son esprit. Peut-être que lui, le bossu, pourra un jour créer sa propre société sur un navire. Reformer le monde autour d'un feu de camp. Mélanger peine et joies à côté d'autres déchets. D'autres monstres. D'autres laissé de côté qui n'attendent qu'une chose : Vivre ensemble.

Avec cet espoir, se mélange la peur. Peut-être la plus grande qu'il n'est jamais ressenti. Celle de se mettre à nu, de présenter son âme et d'être le plus vulnérable possible que pour être blessé. Il sait que pour survivre, il a dû changer, s'adapter. Désormais, il est loin des valeurs partagées à travers le monde. Son ventre grogne de douleur à la moindre vision de choses pouvant être dévoré. Certains ne supportent pas la viande, d'autres n'aiment pas les plantes. La majorité s'accorde sur le fait de ne pas manger les leurs. Hechizado sait qu'ils se privent de certains mets parmi les plus délicieux qui existent.  Peut-être que des assoiffés de sang accepteraient de la chair d'homme-poisson mais celle d'être humain? Jamais. Pourtant, bien cuisiné, cela croustille sur la langue. C'est si bon que la pirate bave à cette simple pensée. Plus que tout, son met préféré rester la douceur des enfants. Le tabou rend l’expérience d'autant plus savoureuse.

Mais qui un jour, acceptera ça? Même parmi les pirates? S'il devait considérer certaines personnes comme des amis et ne pas partager ses goûts culinaires si particulier... cela briserait le cœur de l'ensorcelé. Qu'il garde cela pour lui pendant des semaines, des mois voire des années ne provoque que la rage dans son âme. Est-ce que cela vaut le coup de se lier à des gens que pour ce résultat? Les chances d'être totalement acceptées sont infimes. Peut-être aussi que le simple fait de tenter sa chance aura le mérite de faire battre son cœur comme jamais. S'il n'essaie pas, il ne saura jamais s'il peut être totalement libre ou toujours un prisonnier de son corps, de son âme et de ses vices.

S'il trouve chaussure à son pied, la joie qui le comblera sera incommensurable. Ensemble, ils pourront réellement prendre la mer pour chasser le monde entier. Ils pourront goûter à des oiseaux géants, des hommes aux longues jambes, des sirènes ou encore des hommes-poissons. Tout ce qui nage et tout ce qui marche seront des proies à leurs yeux. Tout particulièrement ceux vivants au bout du monde. Tout là-bas, au-delà des mers et des terres. Par-delà les merveilles et les surprises. Ceux qui vivent au fond de l’abîme de l'inconnu.

Alors enfin, Hechizado pourra terminer sa chute et atteindre le sol. Là, il sera heureux.



Toute société a besoin d'avoir une force militaire pour garder ses occupants en ligne, non? Quand cette dernière attaque ses citoyens, qui est réellement fautif? Qui est maléfique ceux représentant la loi, l'ordre? Ceux qui ont décidé de briser les lois? L'État n'est-il pas censé être tenu à de plus grandes valeurs que les simples rebelles?
Le gouvernement mondial est l'état des états. Les rois des rois dans un semblant de démocratie et de pluralité. Son bras armé frappe tous ceux qui souhaite s'en dégager. Ce gouvernement est-il vraiment utile? Chaque royaume n'a pas la possibilité de se protéger contre leurs ennemis mais qu'ont-ils perdu en échange? Pour un peu plus de sécurité, ils ont vendu leurs libertés. Qu'ils le sachent ou non.

Il n'a pas plus de légitimité que le loubard qui terrorise quelques rues d'une ville oubliée. Si on enlève sa marine, est-ce que les peuples du monde continueront de l'applaudir?  Hechizado ne le voit pas comme quelque chose de mauvais pour autant. Il n'est simplement que la manifestation des envies de la majorité. Il n'est pas facile de le voir pour ce qu'il est réellement. Il vaut parfois mieux vivre dans un fantasme, un espoir que dans la cruelle vérité. Le gouvernement mondial n'est qu'une chose créée par ceux qui se font emprisonner. Ni mal, ni bon. Il peut passer d'un extrême à un autre en fonction de ce qu'il souhaite appliquer. Pour le bossu, rien de plus normal. C'est tout simplement l'ordre des choses. La fameuse « loi de la jungle ».

Il devrait être son ennemi. En tant que pirate, Hechizado fait partie de ses victimes favorites, c'est la vie que le Malavista a choisie. En réalité, il ne l'est pas. Tout au plus un élément supplémentaire sur son chemin. Un obstacle comme tant d’autres que le bossu doit surpasser. Peut-être que son voyage lui fera changer d'avis.  Il n'est pas contre. Il serait même ouvert à la possibilité. Il ne pense pas que cela soit le cas toutefois. Il ne faisait pas partie des gens que les rois des rois aident avant même d'être un pirate. Le gouvernement mondial est un immeuble qui a toujours placé son ombre sur l'ensorcelé. Jusqu'à maintenant il l’empêchait de sentir la chaleur du soleil. Il n'attendra plus que l'immeuble se déplace de lui-même. Il ira chercher sa place par lui-même en dépit de celui-ci.





Pirate. Voilà un mot horrible. Une insulte pour la plupart des gens. Pas pour Hechizado. Pas pour ceux qui voyagent sous le pavillon noir. Ce sont les chiens de la mer. Les déchets, barbares, sauvages. Toutes les raclures que la société n'a pas voulues ou qui n'ont pas voulu d'elle. Pour le bossu, il y a quelque chose de brave et d'une grande beauté dans cette existence. La volonté de vivre au-delà des règles, sans la protection des règles des civilisations. C'est un marché passé avec le monde entier. Un voeux de réussir seul, par ses propres qualités et ses défauts. Tout le monde les voit comme le pire du pire qui existe dans ce monde. Pourtant... pourtant ils sont peut-être les personnes les plus justes. Ceux qui ne se cachent pas derrière des masques et acceptent le mieux qui ils sont réellement.

Peu importe l'histoire et la personnalité de chacun. Tous sont fidèles à leurs propres valeurs et les portes jusqu'à leurs morts. Que celles-ci viennent des mains d'un autre pirate, à cause d'un nœud coulant ou dans les tréfonds des océans. Pour Le Malavista, se revendiquer comme pirate est une promesse pour survivre. Il s’affirme comme il est, tout ce qu'il est. Il n'est plus « le bossu », « la chose » ou « l'ensorcelé ». Il est Echizado Malavista. Homme parmi les hommes.
Le reste du monde et les éléments sont des ennemis. La mer qui le libère des êtres humains est également la plus grande menace qui est placée sur son existence. Alors, il joue sa vie avec sa fierté. Il crie aux orages et insultes les cieux. Il défie le monde entier de lui renier son droit de vivre. Il est un pirate.



Hachizado regarde les francs-marin de loin. Toutes leurs petites manigances, les ombres et rumeurs qui les entourent le font rire. Ils attisent sa curiosité mais leur volonté de rester flou aux yeux du monde le dérange. Il a l'impression qu'ils sont des milliers de petites fourmis travaillant dans la nuit, à l’abri des fracas du monde. À l’abri des vrais défis et des vrais plaisirs que cette planète a à offrir. Tels des moines en ermitage, ils lui donnent l'impression qu'ils ont choisi la fuite plutôt que confronter ce qui les dérange. Il ne pourrait pas avoir plus tort mais évidemment, il ne peut le savoir. Il n'est pas adepte de tous ces codes, ces tours de passe-passe et autres pose qu'il juge similaire à un magicien des rues. Ils se font passer pour les défenseurs du peuple comme le magicien fait croire à ses pouvoirs. En réalité, ils ne sont que des hommes jouant avec le feu pour se faire plus grands qu'ils le sont.

Il a entendu parler de quelques-uns de leurs exploits et exploits est bien le mot. Des coups d'éclat  qui dissimulent une entreprise vaine. Les civils acceptent la sécurité que leur fournit le gouvernement mondial. Peu importe que ce dernier fasse des cachotteries ou des actes immoraux. Il est déjà trop tard. Ceux qui ne sont pas d'accord, sont jugés criminels. Les autres acceptent volontiers leurs sorts. De fait, qui leurs porteraient attention s'ils n’avaient pas réalisé ces actions ayant fait le tour du monde? Tout le monde n'est pas capable d'éliminer trois corsaires par exemple. En cela, ils ont gagné son respect. Une organisation capable de tuer des monstres qui terrorisent tout le reste de la piraterie n'est pas rien. En tout cas, elle possède des éléments d'une force encore plus gigantesque que les Shishibukai.

De fait. Si les rumeurs sont vraies, leurs intentions sont plus qu'honorables. Malheureusement, il les voit comme encore plus naïves. Imaginons qu'ils réussissent à renverser le gouvernement mondial. Que se passe-t-il après? Pour avoir été rejeté toute sa vie, il ne sait que trop bien que la majeure partie des gens n'aiment pas ce qui est différent. Avec le temps, ils vont vouloir s'en défendre, voir l'éradiquer avant qu'ils ne les attaquent. Éliminer un bossu avant qu'il en grandisse et laisse traîner sa bave dans les rues blanches de la cité par exemple. Certains vont peut-être être d'accord. Des alliances vont se nouer pour triompher. En grandissant, elles vont former un réseau qui recouvre la planète. Il l'a vu dans les bidonvilles où il la grandit. Il l'a vu sur d'autres îles. Les Francs-marins auront renversé le gouvernement mondial que pour voir son petit-fils revenir sur le trône.

Chapitre 1 :

Des petits yeux s'ouvrent pour regarder le monde qui l'entoure. Deux pupilles noires et innocentes qui se posent sur un visage peiné. Alors que cela devrait être le plus beau moment de la vie des parents de l'enfant, le paradis s'est transformé en enfer. Le bébé qui s'appelait encore John Standman à cette époque est né tout tordu, déformé dès la naissance. Son père, Ted, n'a jamais accepté ce résultat comme acceptable. Bien que cela lui brise le cœur, il ne pouvait poser les yeux sur son fils. Quelques jours plus tard, il venait le déposer au cœur de la nuit devant les portes de l'orphelinat de la Sainte-Charité.

L'île de Fish-Stormer n'était pas l'une des plus grandes de South Blue mais sa population atteignait des chiffres impressionnants.  Avant-tout connue pour son grand marché aux oiseaux, elle attirait chaque jour des dizaines de personnes en soif de richesse. Tout le monde ne pouvait pas réussir malheureusement et des bidonvilles se sont vite matérialisé autour de la cité principale. La police y faisait régulièrement des descentes pour tenter d'y contrôler la criminalité. L'afflux constant avait donné bien vite des allures d'entreprises vaines à tout ceci. Les enfants en haillons couraient dans les rues, volant tout ce qu'il pouvait pour survivre. Par défaut, la maire Sarah Musqué  construit un grand bâtiment loin du centre-ville qui ferait office de cache-misère. Pendant des dizaines d'années, l’édifice fit son travail, acceptant tous ceux qu'on mettait devant sa porte tant qu'ils n'étaient pas majeurs.

En cinq ans, John Standman était devenu Echizado Malavista.  La sœur Catherine qui l'avait recueilli et nommé Ensorcelé, était devenu Mère Catherine, la directrice de l'orphelinat. Elle gardait une affection particulière pour ce garçon partit du mauvais pied dans la vie. Elle ne pouvait s’empêcher de garder ses distances cependant. « Le diable l'a touché à la naissance » disaient la plupart des sœurs. Elle avait beau les réprimander à chaque fois, elle ne pouvait s’empêcher d'être d'accord. Un mélange de superstition et de rejet pur et simplement pour cet enfant à la bouche qui ne pouvait jamais complètement se refermer..

Le bossu l'adorait. Elle était à peu près la seule qui le traitait bien. Les nonnes étaient corrects mais ne faisaient que le strict nécessaire. Les restes des enfants étaient cruels dans la franchise sans posture qu'est la leur. Les dictons que « la vérité sort par la bouche des enfants » et que « seule la vérité blesse » n'avaient jamais été aussi vrai. Ne restait donc que Mère Catherine. Le futur pirate ne pouvait voir les petits gestes d’hésitations ou la distance qu'elle mettait en eux deux. Il ne voyait que celle qui s'occupait de lui quand les autres ne le faisaient pas.

Il tomba d'encore plus haut quand elle le surprit à toucher le cadavre du chien de l'orphelinat. L'animal était vieux et malade depuis longtemps. Tout le monde s'attendait à ce qu'il ferme les yeux pour la dernière fois. L'ensorcelé l'avait vu se cacher derrière un buisson pour ne pas en ressortir comme à son habitude. Notant là quelque chose de nouveau, il alla voir ce qu'il s'était passé. Face à la créature roulée en boule et immobile, il tenta d'abord de la réveiller. Quand il comprit qu'elle ne le ferait plus jamais, il la tapota du doigt. Il sentait qu'il y avait là quelque chose d'encore plus différent. Un instinct primaire lui disait que tout avait changé. Il ne pouvait arrêter de toucher, de malaxer cet être qui était là et en même temps, qui avait déjà disparu.

Le cri d'effroi qui retentit derrière son dos le fit tellement sursauté qu'il perdit son équilibre et tomba sur le côté.  Mère Catherine criait de tous ses poumons et le regardait avec des yeux si écarquillés qu'il pouvait voir les veines parcourir les orbites. En quelques pas, elle arriva à hauteur de l’orphelin pour lui assener une gifle qui anéantit ses efforts pour se relever. Il retomba lourdement sur le sol, tout un côté de son visage endolori.  Déboussolé, l'enfant ne comprenait pas ce qui se passait. Il arrivait à peine à comprendre qu'on l'avait frappé. Des larmes se mirent à couler sur ses joues et passèrent sur ses lèvres, son corps ayant compris avant son esprit. Le goût du sel entra dans sa bouche tandis que la directrice perdait totalement son sang-froid et le battait désormais de toute sa force.



Chapitre 2 :


Des yeux s'ouvrent pour regarder la ruelle qui l'entoure. Deux organes crasseux qui s'agitent pour repérer d'où viennent les couinements du rongeur. L'enfant de sept ans vit depuis deux ans dans les taudis de Fish-Stormer. Sa maison consiste en un porche métallique et son lit d'un carton sur le sol. Comme tous les soirs, il s'est endormi avec la faim au ventre alors le son d'un rat non loin l'a fait se réveiller immédiatement. Avant même de totalement y penser, ses yeux se sont ouvert pour tenter de trouver la source de nourriture. Sa main droite a suivi le même instinct, se dirigeant presque par elle-même. Lorsqu'elle s'est refermé sur l'animal, elle n'a pas perdu de temps et l'a amené à la bouche déjà ouverte du garçon.

Pour Hechizado, il s'agit d'un festin de roi. Son quotidien est bien moins délicieux. Nul n'a le temps de prendre soin d'un gamin, encore moins d'une chose comme lui. Depuis qu'on l'a jeté de l’orphelinat, il a souvent manqué de mourir de faim. Il ne sait toujours pas pourquoi, Mère Catherine s'en est prise à lui. Il a bien essayé de s'expliquer, personne ne l'a écouté. Pire, on a lui a jeté pierre et bâtons pour le forcer à se taire. Il en garde encore quelques traces sur le corps mais c'est surtout son âme qui a le plus souffert. En quelques minutes, on l'avait jeté au-delà du territoire de Sainte-Charité en lui criant de jamais revenir. Il était resté plusieurs jours à la grille avant de finalement partir pour trouver quelqu'un qui lui donnerait à manger.

« Sale Monstre », « Fils du diable » ou encore «La Chose». Ses pas l'ont vite fait fuir du centre-ville tandis qu'une pluie d'injure tombait sur ses épaules.  Si ce n'était pour un marchand qui lui avait jeté des pommes périmées pour le faire fuir, il n'y serait probablement même jamais arrivé. Il a alors fini son trajet dans les taudis. Il s'agissait peut-être de l'endroit le plus dangereux de l'île mais au moins ici, on se moquait de sa présence. La plupart de ses habitants avaient d'autres objectifs plus urgents que faire fuir un objet brisé comme lui. Le Malavista ne manqua pas de se faire attaquer mais  après quelques tabassages, la plupart des gens avaient compris qu'il n'avait ni de quoi se défendre, ni rien de valeur à donner.

L'enfant passa d'un quartier malfamé à un autre en quête de nourriture. Lorsqu'il atteint celui des malades et des mourants, il fit demi-tour, se contentant de quelques pousses d'herbes et de rats maigrichons pendant plusieurs années. Il tint autant que possible mais face à un corps qui grandissait chaque jour et demandait de plus en plus de subsistances, le futur pirate fut obligé de retourner dans la pire zone des taudis. Il n'y avait plus que des futurs cadavres et des personnes squelettiques mais aucun d'entre eux ne pouvait résister au bossu. En s'excusant, il vola d'abord des vêtements déchirés. Il portait plusieurs couches pour gagner un tout petit peu de chaleur. Après quelque temps, il arrêta d'être désolé et prit simplement ce qui l’intéressait.

En se mettant à vivre parmi ceux que tout le monde évitait, il gagna un semblant de sécurité. L'enfant qu'il était toujours s'amusait à se nommer « Le roi en haillon » ce qui sonnait plus comme « Rayayon » vu sa bouche déformée. Il tomba souvent malade vu la population l'entourant mais il avait moins connu la misère que les autres et après des mauvais moments à passer, il finissait par s'en remettre. Son plus grand ennemi restait cependant la faim qui ne le quittait jamais. Lors d'une semaine terrible, il se mit à vomir de la bile, faute d'avoir toujours rien dans son estomac. Son « voisin » ne résista pas à cette énième épidémie et mourut dans une quinte de toux horrible.  Hechizado quant à lui avait des larmes dans les yeux alors qu'il venait encore de vomir et l'esprit embrumé dans la faim et la fièvre. Son voisin disparu alors comme un âtre humain qui venait de mourir et se transforma lentement en une possibilité de se mettre quelque chose sur la dent.

Tandis qu'il mâchouillait un bras, le gamin ne se rendit pas compte de ce qu'il faisait. Tout ce qui comptait était de taire la bête qui grondait continuellement en lui. Tout au plus posât-il sa main sur le visage du défunt pour ne pas voir son visage. Il vomit ce qu'il venait d'avaler dans l'heure qui suivit alors que la réalité se reformait. Le lendemain pourtant,, faute de mieux, il recommençait.


Chapitre 3 :


Des grands yeux s'ouvrent et se ferment frénétiquement sur une victime. Les pupilles ensanglantés sont remplis de rage. Hechizado crie à s'en briser les cordes vocales tandis que ses mains continuent d’agripper  la tête de sa cible et de la frapper avec force sur le sol.  Il ne se s’arrête que car son souffle lui manque et se laisse tomber au côté du tout nouveau cadavre. Le petit garçon a évolué en adolescent au corps tout aussi tordu. Ces bras se sont par contre particulièrement musclé comme l'a appris le mort à ses dépens. Respirant bruyamment, le bossu tend la main pour agripper le fruit pourri qui traîne sur le sol. Il a été à moitié écrasé pendant la lutte entre les deux clochards.  Le futur pirate vit toujours dans le quartier le plus mis à l'écart des taudis. Il prend parfois son courage à deux mains et va dans les autres pour tenter d'améliorer son quotidien.

Il vise les faibles et les jeunes pour voler leur maigre pitance. Souvent que pour mieux se faire attaquer à son tour. Il s'est fait briser le pied un an auparavant l’empêchant désormais de courir correctement. Son corps porte la trace de nombreuses coupures qu'il s’est faite au cours des cinq années passés. Il n'a que douze ans et portant il a l'impression d'avoir déjà vécu cent vies. Chaque jour, sur chaque action, il pèse le pour et le contre. À chaque fois il joue sa vie au détriment de celles des autres. À un certain point, il est revenu tellement blessé d'une de ses escapades qu'il a failli mourir en revenant « chez lui ». Un malade y a vu l'occasion parfaite pour tenter de récupérer le peu d'affaire que possédait le Malavista. Avec ces quatre couches de vêtements troués, il passe pour un riche bourgeois dans le quartier des mourants.

Aujourd’hui, il a vu ce garçon atrophié tenter de se cacher dans la pénombre de la matinée. Le soleil se levait à peine et la plupart des habitants des taudis dormaient encore. C'était l'heure préférée d'Hechizado pour chasser. Quand il avait vu sa cible, il savait qu'il pourrait manger à sa faim pendant plusieurs jours. Il avait pris tout son temps pour déplacer son corps difficile. Lorsque sa victime remarqua sa présence, il était trop tard. La main de l'adolescent avait surgi pour l’attraper le cou. C'est là qu'il vit le fruit pourri tomber par terre et éclater en plusieurs morceaux. Le cannibale ne vit pas de moisissure à la faible lumière du jour mais l'odeur qui s'en dégagea était infecte. Cela restait tout de même un fruit et il n'en avait plus mangé depuis au moins deux ans. Il lâcha alors l'enfant pour se jeter dessus. Le rocher qu'il reçut sur la tempe lui lança un éclair de douleur le faisant tomber lourdement par terre.

Quand il reprit ses esprits, le bossu était la fois torturé par la faim et la souffrance. Son monde n'était plus qu'ombre et nuances de rouges. Il jeta alors les pieds de son agresseur pour le faire tomber au sol. Remontant sur lui comme un serpent, il l’immobilisait et l'écrasait en même temps. Ses deux mains se placèrent alors de chaque côté de la tête du gamin et il se mit à soulever cette dernière que pour mieux la rabattre sur le sol boueux. Il ne remarqua même pas qu'il se mit à crier de rage tandis qu'il accélérait le rythme des chocs. L'enfant tenta de se sortir de l'empoigne et n'y arrivant pas, il se mit à griffer le visage de son assaillant.  Cela ne fit que pousser Hechizado à le frapper encore plus vite et plus fort. La bave de l'ensorcelé se mélangea à son sang et tomba sur la pauvre cible de sa violence jusqu'à ce qu'il s'en écarte, le souffle court.

Le Malavista dévora les morceaux à côté du cadavre enfantin. Il ramassa de la boue avec les morceaux sans s'en offusquer, tout au plaisir de son repas. Le fruit avait un goût horrible mais cela restait toujours mieux que la chair humaine ou que les quelques rats de passage. S'il n'avait mangé ceux-là, ce n'était que parce qu'il n'avait pas eu le choix. Alors qu'il était encore assis par terre, il se mit à rire de son bonheur soudain. Il ne savait pas à quel point. Le Pero Pero no mi changeait déjà son organisme de l’intérieur.




Chapitre 4 :


Des yeux globuleux sont écarquillés manquant aucun détail des pavés devant eux. Un regard à moitié fou déversant de nombreuses larmes tandis qu'un rire maladif résonne en écho. L'ensorcelé est en train de se faire tabasser par plusieurs adultes dans une impasse des bidonvilles. Sa réputation d'ignominie a dépassé celle de son quartier et ses expéditions dans des locations plus riches se terminent toujours ainsi. Un coup de pied dessine un arc de cercle qui vient se loger dans le nez d'Hechizado déclenchant une gerbe de sang. Le monde n'est plus que douleur et blessure depuis plusieurs minutes déjà et pourtant, le bossu rit. Son rire caquetant n'amène que plus de coups de la part de ses agresseurs. Une telle haine à son égard devrait lui rappeler toutes les blessures qui ont fouetté son âme durant son enfance mais il n'en est rien. Plus exactement, elles sont éclipsées par l'orgasme de pouvoir goûter le sucre qui se répand dans sa bouche.

Une fois de plus, les assaillants l'ont laissé à quelques coups de la mort. Peut-être que s'il n'était pas habitué à une vie si dure, il serait décédé à l'heure qu'il est. Son corps a appris à souffrir il y a bien longtemps. Tels des os brisés qui deviennent plus solides, il est capable d'endurer ces « punitions » de simple loubards. Parfois cela se joue d'un rien comme cette fois-ci. Il respire difficilement. Un dernier coup de pied est venu écraser sa gorge pour l'empêcher d'exprimer sa joie. Allongé sur le côté sur les pavés froids, l'adolescent de quinze ans peut voir son souffle se matérialiser en fumée blanche dans l'air. Il y a quelque chose de beau, de poétique. Lentement sa main se lève pour traverser les volutes intangibles. Alors qu'elles sont dispersés et disparaissent, un sourire triste s'affiche sur le visage tuméfié de la victime.

Une nouvelle larme qui coule sur ses joues est recueillie par sa langue. Ses yeux se ferment d'extase tandis qu'une explosion sucrée intervient dans ses papilles. Il y a plus d'un an, tandis qu'il devait se battre pour survivre comme souvent, il avait été gravement blessé et laissé pour mort dans une ruelle. Il ne pouvait pas respirer et paniquait totalement à l'idée de mourir dans ce lieu crasseux. Lorsqu'il finit par aspirer de l'air avec sa bouche, il eut l'impression de prendre un coup de poing à la tête. Le choc le laissa tremblant, incapable de comprendre ce qui se passait. Pour la première fois de sa vie, il goûtait quelque chose si bon, si sucré. Le fruit du démon qu'il avait ingéré des années plus tôt avait transformé ses larmes en bonbons liquide. Lui n'en savait rien et était tout à sa découverte appétissante. C'était magique, incroyable. Il devient vite accro.

Malheureusement pour lui, il ne pleurait plus si souvent qu'il l'aurait voulu. Le bossu commença alors à martyriser des enfants pour les forcer à verser des larmes. Son désenchantement face aux larmes salées de ses cibles le plongeait à chaque fois dans une rage qu'il enlevait la vie de ces derniers avec ses propres mains. À chaque fois, il ressortait de ces rencontres les haillons ensanglantés par ses actions. C'est à cette époque, alors qu'il commençait à prendre de moins en moins de précautions dans sa quête de cette nourriture exquise qu'on commença à le connaître. Pas juste cette chose horrible et déformée mais quelqu'un de dangereux. Personne n'avait une pensée pour ses enfants mais le nombre s’éleva si rapidement en quelques mois qu'il fallait faire quelque chose.

Ce sont ses régulières et terribles punitions qui ont permis au Malavista de comprendre qu'il était le seul capable de pleurer de manière sucrée. Il tenta bien de poser quelques questions aux adultes qu'il croisât mais ceux-ci ne répondirent que par la violence. Il avait beau lever les mains pour montrer qu'il venait en paix, cela ne suffisait pas. Avec le temps, il finit par détecter l'incompréhension chez ses voisins agresseurs. Alors, il prit ce qu'il pouvait prendre d'eux. La violence nécessaire pour lui faire pleurer toutes les larmes de son corps. Ce n'était pas particulièrement nourrissant mais c'était tellement bon qu'il ne pouvait s'en empêcher. Ses expéditions tendaient plus à aller chercher une réaction agressive chez les habitants du bidonville que réellement trouver à manger.




Chapitre 5 :



Des yeux fiers observent un enfant amenant une paire de dorades. L'envie fait briller les pupilles tandis que la main du bossu file pour attraper son dû. Le quartier des malades et des mourants n'est plus. Depuis de nombreux mois, la plupart des habitants des bidonvilles l'ont renommé « le quartier des enfants ». Le Malavista y trône presque à l'insu de tous. Sa capacité à pleurer des larmes de sucre a évolué avec le temps et même sa bave a désormais ses doux relents. S'il la garde assez longtemps dans sa bouche jamais vraiment fermée, elle durcit même en une vague boule de sirop. Régulièrement, il en distribue à tous les rejetés de moins de quinze ans. Pour une perle d'Hechizado, ils sont prêts à lui obéir. Le déchet qui devait se faire battre pour goûter ses propres larmes a évolué en un petit roi borgne au pays des aveugles.

Sa petite troupe, une dizaine d'enfants de tous âges sont ceux qui lui ramènent à manger désormais. Après un an à améliorer ses talents, la bave du futur pirate a imposé un goût sucré dans son palais. Lorsqu'il mange ses propres créations, il peut à peine sentir ce qu'il avale. Il préfère encore donner tout cela aux enfants pour assurer leurs loyautés tandis qu'ils lui ramènent de quoi subsister. Pour dépasser la faveur sucrée, le bossu s'est mis à rajouter tout et n'importe quoi à ses repas. Il s'amuse à essayer des choses quittes à passer une mauvaise heure par la suite. Cette herbe qui pousse entre les pavés de la ville, de la terre ou ce citron que ses ouailles ont pu dérober sur le marché, tout est possible. Celui qui n'a jamais appris à écrire ou lire avant d'être renvoyé de l'orphelinat c'est même mis à dessiner ses recettes. D'abord dans la terre puis sur des morceaux de parchemin ou de papier que sa troupe a pu lui ramener.

De temps en temps, il se garde le privilège de revenir à ses instincts les plus bas. Deux à trois fois par an, il prend un enfant par la main et « l'amène à l'orphelinat ». Les camarades du bambin ne revoient jamais celui qui part. Tous sons heureux pour lui. Une vie calme, sans risquer de mourir et pouvant manger à sa faim est quelque chose dont ils ont tous envie. Bien sûr, cela veut dire ne plus pouvoir goûter les bonbons d'Hechizado et c'est ce qui retient la plupart d'aller frapper directement à porte de la Sainte-Charité.

Le régime de la chose s'était amélioré mais il y avait plusieurs types de créatures sur lesquels il n'avait pas posé ses lèvres. Les poissons étaient de ceux-ci. Lorsque Merry Sansou lui en avait ramené, le Malavista s'était donc jeter dessus. Il avait tout dévoré, écaille et arrêtes comprit. Cette nourriture était très dure à voler. Le fait de les garder dans des environnements frais les rendait particulièrement glissants. Il valait mieux tenter de récupérer un autre bout de viande ou des aliments secs. Réussir l’exploit d'en ramener deux était impressionnant. Toutefois le jeune garçon avec ses cheveux bruns en broussaille ne les avait pas récupéré ainsi.


-Où ?

La voix croasseuse de l'estropié avait été accompagné du grognement d'un ventre qui voulait encore plus de ce met raffiné. L'enfant d'une dizaine d'années lui parla de la crique qu'il avait trouvée où plusieurs poissons s'étaient échoué. Il ne révéla pas qu'il avait pris sa part avant d'en ramener à son supérieur. Beaucoup le faisaient mais si c'était su, c'était risqué d'être exécuté des mains d'Hechizado sans plus d'avertissement. Les deux adolescents partirent donc la grotte à plus d'un kilomètre, le plus jeune promettant qu'il y avait d'autres poissons qu'il n'avait pu amener. Lorsque le futur pirate aperçu les cadavres flotter au gré des vaguelettes, il s'empressa de courir pour tout manger. Il sautilla de sa jambe valide plus qu'il ne courra réellement. Dans sa tête passèrent des centaines de combinaisons possibles pour ingurgiter la meilleure recette de poisson possible. Cela atteignit le point où il pénétra jusqu'aux genoux dans l'eau salée. Rigolant frénétiquement, il plaça les animaux dans ses poches, en faisant tomber la moitié en dehors. En quelques secondes son rire se transforma en un halètement difficile. Quasiment immobile, il n'arrivait plus à respirer. Il se sentait faible comme s'il n'avait rien mangé depuis une semaine. L'eau se rapprocha beaucoup trop vite tandis que sa tête n'était plus soutenue par les muscles de son cou. Son nez brisa la surface réfléchissante avant que tout son corps ne s'enfonce.

Les yeux globuleux du Malavista s'agrandirent encore plus en quête de repère. Il tenta de mettre ses mains au fond de l'eau pour en ressortir mais elles s'enfoncèrent dans quelques millimètres de sable sans pouvoir s'en déloger. Aucune force pour émerger de plusieurs dizaines de centimètres d'eau salée. Il n'avait jamais eu l'habitude de retenir son souffle. Il n'avait jamais vraiment mis les pieds dans la mer d'ailleurs. Depuis qu'il était dans les bas-fonds, il ne prenait plus la peine de se laver. Tout au plus la pluie faisait partir la crasse de ses cheveux gras. Il paniqua, un cri inarticulé tentant de s'échapper de sa gorge. À la place, des centaines de bulles s'enfuirent vers la surface tandis que l'eau prenait leur place. Le sel lui brûla la gorge, le faisant crier d'autant plus.

Il ne pouvait plus bouger. Il n'arrivait plus à respirer. Il n'était que dans quelques dizaines de centimètres d'eau et cela allait le tuer. Le monde autour de l'adolescent commença à s'assombrir le poussant à faire quelque chose. Tout ce qui était possible pour s'échapper. Plus il tentait malheureusement et plus il semblait s'enfoncer dans le sable. Il ne sentit pas les mains de Merry agripper son col et le tirer sur le rivage. Allongé sur le côté à cause de sa bosse, il se réveilla aux cris du garçon et à la sensation de l'eau remontant sa gorge pour en ressortir. L'estropié passa plusieurs minutes incapable de réellement saisir qu'il était sur la terre ferme. Les paroles de son compagnon n'étaient qu'un bruit de fond tandis que sa gorge le brûlait à chaque respiration. Le chemin du retour avec l'aide du gamin ne fut qu'un grand flou dans la mémoire du futur pirate. Tout ce qui restait en lui était la terreur qu'il avait ressentie sous l'eau. Intérieurement, il se jura de ne plus jamais remettre les pieds dans cet environnement atroce.



Chapitre 6 :



Des yeux d'une vingtaine d'années ne ratent aucun détail du spectacle non loin. Cachés dans l'ombre, ils observent le discours d'un marine. Hechizado n'a pas remis les pieds dans l'eau depuis sa terrible expérience, trois ans auparavant. Vivant toujours dans les bas-fonds de Fish Stormer Island, il n'est plus l'enfant esseulé de ses débuts. Il n'y a pas de chef dans les bidonvilles. Chaque baraque, chaque quartier a sa propre loi et tout peut changer d'un moment à un autre. En vivant autant d'années dans cet univers, il a toutefois gagné une certaine stature. Rares sont ceux qui tente de l'attaquer désormais. Tant que lui et ses camarades ne sortent pas de leur coin de l'île, on les tolère. Ce n'est pas le bonheur le plus total. Juste survivre grâce aux miettes qu'ils peuvent récupérer. À ses côtés, Merry a bien grandi. S'il y a une personne en qui le Malavista peut avoir confiance, c'est l'adolescent de treize ans. C'est quelqu'un de douer qui ne se laisse pas faire même par les adultes. Seul le bossu semble trouver grave à ses yeux. D'une certaine façon, il l'a éduqué depuis ses huit ans.

Les rumeurs de la venue d'un contingent de la marine pour une campagne de recrutement se sont enfin concrétisé. Avec précaution, les deux délaissés sont venu tendre l'oreille, curieux de l'effervescence. L'estropié est penché sur une branche qui lui sert de canne. Il est concentré sur les paroles de l'inconnu dans on grand manteau blanc. Un sourire torve est sur ses lèvres depuis plusieurs minutes déjà. Pour convaincre la populace à s'engager dans la marine, l'invité parle des merveilles qu'il a vues de par le monde. Lorsqu'il a dit revenir de la route de tous les périls, des rumeurs se sont élevés de la foule. Le bossu n'a pas saisi l'attrait de suite mais ses yeux brillent d’intérêt désormais. Il sent le poids de son livre de recettes dans son manteau en piteux état. Avec ce qu'il y a là-bas, il pourrait créer des plaisirs culinaires jamais atteints. Son ventre gronde de faim à l'idée.

Sauf qu'il y a de l'eau. Partout. Le sourire d'envie se transforme vite en grimace de colère. Toute sa vie Hechizado a été prisonnier d'un corps. Lorsqu'il a enfin quelque chose en plus que les autres, ce n'est que pour être emprisonné par les limites des bidonvilles puis de l'île elle-même. Ses yeux passent sur la foule et notent les étrangers à leurs vêtements. Il ne peut s’empêcher de leurs en vouloir. Ils viennent de l'autre côté, ils y ont survécu alors pourquoi pas lui? Pourquoi sa main tremble sur sa canne à la simple idée de retourner au bord de la mer. Une larme perle au coin de son œil. Elle sera sucrée comme toutes les autres. Ses doigts se recroquevillent sur le haut du bout de bois pour assurer leurs prises. Il serre tellement la main pour l’empêcher de trembler qu'il enfonce ses ongles dans l'objet.

Un flash de lumière le coupe cependant dans ses récriminations. L’espace d'un instant, le monde est recouverte d'une couleur orangée. La bouche du bossu s'ouvre de surprise tandis que le ciel bleu reprend ses droits. Sur l'estrade, le marine a le bras tendu et très fier parle des pouvoirs que tout le monde pour développer sur les mers. Le Malavista bafouille attirant l'attention de son compagnon. Le soldat lève le second bras et cette fois-ci, une lumière violette s'envole pour éclater dans le ciel. Lui aussi peut créer des choses comme l'estropié. Il a probablement mangé un fruit pourrit.

-Copieur !


La voix croasseuse du futur pirate s'est échappé de ses lèvres sans qu'il ne s'en rende compte. Son cerveau tourne à cent à l'heure tandis qu'il se rend compte qu'il n'est pas unique. Clairement cet homme l'a plagié ! De quel droit? Hechizado n'avait-il pas mérité sa capacité pour avoir autant souffert dans sa vie? De la fumée aurait pu sortir des oreilles du jeune homme. Fou de colère, il frappa le sol de sa canne et ordonna à Merry de rentrer. C'était inadmissible !

Le chemin du retour, lent et plein de détour pour croiser le moins de citoyens avant les bas-fonds, le bossu continua de râler au Sansou à ses côtés. Les paroles du marine l'avaient cependant toucher plus qu'il ne pouvait l'admettre. Il existait dans le monde des hommes-poissons. Une fusion d'homme et de poisson ! Il s'agissait presque de ses deux aliments préférés ! Comment cela avait-il pu exister dans la nature, il n'en avait aucune idée. Peut-être une petite danse qu'il fallait terminer en touchant l'index de son camarade avec son propre index. Rien qu'à l'idée d'une telle créature, l'homme à la canne se lécha les babines. Cette nuit-là, il se coucha heureux.