MISSION
Il était 14 heures passées sur son île natale, Coverley et le temps dehors semblait radieux. En effet, le vent marin qui s’engouffrait dans les rues de Grande Ville était une caresse fugace, mais exquise. Le soleil avait de son côté délaissé sa parure nuageuse pour se montrer nu devant tous. Installé dans un ciel azurin dégagé, il prodiguait donc à la population, ses rayons forts chaleureux. Sur une serviette blanche, allongée sur le ventre, Erika Volinski semblait comme beaucoup, apprécier le climat bénissant actuellement sa patrie. Elle en avait même profité pour dégrafer son strapless et permettre à son dos de bronzer progressivement. Le brunissement de son teint ne se ferait pas immédiatement. Aussi, elle s’octroya le droit de profiter d’une petite sieste. Les paupières lourdes, cachées par des lunettes de soleil, elle s’abandonna rapidement aux bras de Morphée. Seule, personne n’avait l’air de la déranger. Les bruits les plus insupportables n’atteignaient pas son oreille rêveuse et enchantée par la pause qu’elle s’était autorisée…
« Erika, c’est à toi ! » ordonna une voix militaire, n’attendant qu’une réponse positive… qu’il ne reçut guère, d’ailleurs. Les grésillements qu’il émit ensuite symbolisaient une rage et une perte de contrôle évidente.
« ERRRIKKA !!!!!! Confirme-moi ta position ! » haussa-t-il lourdement le ton.
La menace que laissait présager cet appel la déconnecta de ses songes délicieux. La jeune albinos avait plus ou moins compris de qui venait l’appel, mais une indescriptible flemme ralentissait l’ouverture de ses paupières. Encore plongée dans une certaine obscurité, Erika poussa des soupirs insatisfaits, puis chercha à tâtons un objet bien précis. Un DenDen mushi. Quelques longues secondes plus tard, elle le tenait enfin dans les mains et put poursuivre une conversation longtemps mise en pause.
« Ici, Erika ! Actuellement allongée sur le toit de la maison ‘’B-04’’ comme il était prévu plus tôt ! Je suis en attente de tes ordres ! » A travers le combiné, Erika avait le ton d’une petite impertinente, ravie d’avoir fait perdre du temps à son capitaine.
« Combien de fois t’ai-je demandé de me vouvoyer, sale ingrate… » râla un bon coup le gradé bien conscient de cette audace irréfléchie.
« Pas assez de fois, selon moi ! Demande-le plus gentiment et j’y réfléchirais, promis ! » enchaîna-t-elle aussitôt, toujours aussi provocatrice et toujours aussi insupportable.
« Mais si tu le souhaites, puisque tu es également mon mentor, je veux bien prendre mon air le plus mignon et t’appeler SENNNNNSEIIIIIIII... » poursuit-elle insolemment. Taquine, elle avait prononcé d’une voix toute suave, l’élogieux titre qu’on attribuait d’habitude à ceux lui ayant tout enseigné.
De l’autre côté du fil, elle pouvait imaginer les mimiques prévisibles de son mentor. Le poing serré contre le combiné, il rêvait certainement de la baffer sévèrement. Ses multiples souffles bovins l’avaient amené à cette conclusion. Finalement résigné à apprendre les bonnes manières à sa subordonnée, le fameux capitaine préféra s’attaquer à la raison de son interpellation.
« Revenons aux affaires, veux-tu ! Le ‘’Gros Poisson’’ arrive dans ton secteur ! Nos hommes l’ont attiré jusqu’à toi. Tu devrais pouvoir le voir de ta position ! » Les plaisanteries avaient fait place à une conversation des plus professionnelles. Il savait pertinemment que sa cadette avait vérifié la localisation actuelle du suspect. Dans son plus cinglant sérieux, il termina donc par un
« Tu sais ce qu’il te reste à faire ! » avant de raccrocher promptement.
Boulot ! Boulot ! Fini la bronzette ! Il était grand temps de bosser ! Encore allongée sur le toit plat d’une maisonnette urbaine, elle avait devant elle, son outil principal de travail. Son joujou préféré. Merveille de technologie artisanale, un fusil de précision posée sur des pieds n’attendait plus que sa dextérité pour être utilisée. Le strapless enfin agrafé, Erika glissa délicatement son corps jusqu’à pouvoir tenir l’arme de ses doigts méticuleux. Grâce à la lunette de son arme, elle reperçut rapidement en visuel la principale cible à abattre : Un pirate véreux ayant récemment accosté sur Coverley accompagné de quelques membres son équipage. Leurs récents débordements dans différentes tavernes de l’île étaient inqualifiables et avaient contraints la milice de l’île à intervenir. Et Erika en était un membre. Un des rares membres féminins d’ailleurs… à qui l’on avait ordonné de planter des balles dans la tête du chef des criminels.
Elle ne ressentait aucune pression vis-à-vis d’un échec ou d’un succès de la mission. Peut-être l’habitude qui parlait pour elle ! Formée très jeune aux arts de la gâchette et de l’implacable précision, elle avait développé ce sang-froid hors du commun lors du dernier geste. Aujourd’hui 20 ans, manipuler la gâchette était devenue une routine. Les rythmes de son cœur étaient donc d’une stabilité impressionnante. Son corps ne tremblait même pas face aux enjeux moraux de cette intimidante mission. Son esprit était simplement occupé à calculer. A tout calculer ! Distance qui la séparait de sa victime. Poids de l’arme. Puissance de feu supposée de l’arme. Direction du vent. Présence d’humidité… Dans sa caboche savante, un nombre incalculable de paramètres était pris en compte dans l’unique but d’ajuster efficacement le canon de son arme. Plusieurs secondes plus tard, elle resta immobile et au moment tant attendu de tirer, un étrange rictus excité se dessina sur sa face…
La balle était partie dans un éclat de poudre mesuré. Cohue générale ! Alerte à l’assassinat ! Incompréhension totale ! La surprise était de taille pour les concernés, mais il fallait déjà tourner la page. Aller de l’avant. La demoiselle albinos n’avait pas chômé, elle et envoya, malicieuse son rapport au capitaine.
« Le ‘’Gros Poisson’’ a été abattu ! Dois-je poursuivre l’assaut sur les autres membres de son équipage ? » La réponse de son supérieur fut immédiate et intransigeante
« Nos hommes s’occupent du reste ! Retourne à la Caserne ! ». La conversation était terminée. Tout comme sa énième mission d’assassinat.
DÉBRIEFING
Forte de son succès, Erika suivit les ordres de son supérieur, remballa son matos et battit en retraite. Après avoir créée une discorde dans les rangs ennemis grâce à une balle sournoise, la milice aurait l’avantage sur le reste de la bataille. Direction donc la Caserne, QG de la milice de Coverley. Pour ne pas avoir à descendre de sa position élevée et pour se faciliter la tâche, l’albinos sauta de toit en toit pour dessiner son chemin vers le QG. Vive dans ses appuis, agile dans ses enjambées et fluides dans ses courses, elle ressemblait à un félin aventureux. S’improvisant un parkour sur les toits de Grande Ville, elle semblait inarrêtable tant le bruit de ses pas était cotonneux.
En un clin d’œil, la demoiselle de cuir était arrivée à destination : La Caserne. Alors que les QG de la marine optaient pour une architecture verticale décollant vers les nuages, la milice de l’île avait préféré s’étendre en longueur sans s’encombrer d’étages. Chacun se faisait un avis sur la question et en tant qu’enfant de l’île, la structure de ce bâtiment ne la choqua pas particulièrement. Dans la cour qui menait au fameux bâtiment autoritaire, pas une âme ne semblait vivre. Il semblerait que le capitaine avait déployé tous ses effectifs pour éradiquer les derniers pirates restants. Stratégiquement parlant, ce choix était judicieux et elle ne pouvait qu’applaudir le leadership de son mentor. Quand on parlait du loup, justement…
« Ton impertinence te perdra un jour, Erika ! » brailla l’impatient mentor lorsqu’il aperçut son élève. Assis sur le palier de la porte, il finissait de déguster un cigare aux vapeurs étouffantes.
« Les Hommes les plus puissants sont aussi les plus audacieux, SEENNNNPAIIII » rétorqua-t-elle toujours aussi facétieuse en se rapprochant de lui.
« Franchement, tu mériterais une paire de claques, Erika… » soutint-il, constamment blasée par le comportement malicieux de son élève.
« Je préfère encore que tu m’appelles par mon prénom plutôt que par… ça ! » négocia-t-il dans son râlement.
« D’accord… Nolan… SENPAIIIIII !!!! » se contenta-t-elle, fière de concessions qu'elle cherchait à obtenir depuis ce matin.
Ils n’échangèrent rien d’autre jusqu’au bureau du capitaine. Le professionnel avait déjà repris sa place au détriment de l’humour. En attendant la bonne nouvelle des forces engagées dans la bataille face aux pirates, il eut lieu le débriefing de la mission. De maître à élève, l’échange était très instructif et sur chaque impression donnée par son élève, le mentor put apporter de sages conseils. Nolan de son nom complet, Nolan Rejkopvic était jadis un tireur d’élite reconnu à travers les océans. De son dire, son talent lui avait fait surmonter la dangereuse Grand Line. Il aurait même navigué dans le Nouveau Monde. Sa précision était telle qu’il était capable d’éliminer une cible placée à plusieurs centaines de mètres de sa position. Un pedigree élogieux donc, pour un homme désormais retraité et officiant comme capitaine de milice sur son île natale.
Son élève n’arrivait pas à le percevoir, mais derrière la face placide et dirigeante de son maître se cachait une certaine nostalgie…
Voilà dix ans qu’il était revenu sur son île natale. Voilà dix ans également qu’il avait accepté la demande folle de cette femme : l’ériger au rang de plus puissant tireur d’élite de cette Terre. Il aurait pu refuser. Il avait même refusé plus d’une fois, mais l’invraisemblable persévérance de cette gamine avait fait fléchir sa volonté. Et aujourd’hui, il semblait bien heureux de ce choix. Erika n’avait jamais fléchi face à son enseignement draconien, dépassant sans cesse les attentes qu’il avait placé en elle. Sur un plan militaire, elle n’avait rien à envier aux talentueux artilleurs des soldats de la marine affectée aux Blues. Elle avait de même, conscience que tireur était un rôle ingrat. Un rôle où la renommée se résumait aux miettes de pains laissées par les détenteurs de fruits du démon, par les sabreurs et autres artistes martiaux.
Néanmoins, sa psychologie méritait de mûrir encore un peu. La pression et l’excitation améliorait ses prises de décisions, mais les standbys ainsi que le désintérêt pour quelque chose la dispersaient un peu trop. Sans compter que son attirance pour l'argent pourrait la mener sur de mauvaises routes. Il regrettait ces quelques défauts, car il savait ô combien la lucidité militaire de cette jeune femme pouvait être impressionnante. Et quand on parle de regrets, le mentor ne pouvait passer à côté de son impertinence légendaire… une impertinence qui lui attirait et qui lui attirerait un nombre pas croyable de problèmes. Pour gommer la sale manie d’Erika, il s’était pourtant démené… sans succès malheureusement. Il était des miracles que même Dieu ne pourrait accomplir et il craignait que cette malice ne reste une caractéristique emblématique du personnage qu’était et sera Erika Volinski.
Exprimant un soupir que ne sut expliquer son élève, le vieil homme décrocha l’escargophone dès qu’il l’entendit sonner :
« Les pirates ont été complètement exterminés ! La menace a été éliminé, Capitaine ! » confia sérieusement un milicien à l’autre bout du combiné.
« Beau boulot ! Capturez les survivants et nettoyez-moi tout ce grabuge ! Je veux que Grande Ville brille à votre retour » répondit sérieusement le chef.
« Bien Capitaine ! » rétorqua le soldat se disant tristement qu’il ne rentrera pas chez lui avant un bon moment.
L’alerte du jour semblait définitivement réglée et terminée. Alors que le satisfaction du mentor était mesurée, celle de son élève fut plus expressive. Erika avait en effet accompagné sa joie d’un câlin à son mentor… qui la repoussa aussitôt. Erika et les protocoles, ça faisait deux !
CUISINE
19 heures passées. Son service à la milice locale était donc terminé pour aujourd’hui. Alors que d’autres commenceraient à peine les patrouillages nocturnes, Erika avait la chance de pouvoir rentrer chez elle. Habitant à une quinzaine de minutes du QG à pied, elle eut tout le temps de constater l’enchantement des villageois savourant la suppression dudit pirate et de ses acolytes. Pour le moment, les commerces peinaient encore à rouvrir, mais elle avait foi en son village. Très bientôt, Grande Ville retrouverait sa véritable gaieté et les dégâts collatéraux occasionnés par les criminels seraient complètement réparés. L’espoir qu’affichait la population était un phare dans son noble désir de protéger l’île qui l’avait vu naître.
Déçue de ne pouvoir faire de lèche-vitrine en cette fin d’après-midi, Erika rentra chez elle plus vite que prévue. Après les quinze minutes de marche prévues, elle s’arrêta donc devant un restaurant modeste où il était écrit ‘’Au festoir‘’. Si son corps devait prendre le dessus sur sa raison, elle se serait immédiatement effondrée sur le palier pour piquer un petit somme. Malheureusement, elle ne pouvait se permettre un tel luxe. Même sortie du boulot, elle avait à faire ! Elle poussa donc la porte d’entrée d’une main ferme. Sous les grelottements de clochettes portières, elle fut aussitôt accueillie par une voix familière :
« Déjà de retour ? Tu es avance ! Alors... comment a été la journée, Rika ? » questionna une âme paternelle.
« Rien de spécial, tu sais ! Traquer des méchants, rédiger de l'administratif, etc... Au moins, je suis à l’heure pour le service… papa » répliqua-t-elle fanfaronne, tout en retirant sa veste de milicienne. Ces mots ? Elle les avait inlassablement répétée à son père lorsqu'elle rentrait du boulot en avance.
Si son travail à la milice était fini pour la journée, il ne faisait que commencer ici dans la taverne. Elle s’était de ce fait, rendue en cuisines pour enfiler les vêtements de la cuisinière type, à savoir, une toque et un tablier blancs. Ce soir, comme chaque soir depuis dix ans, elle serait cuisinière aux côtés de son père et ravirait les papilles de ses clients. Et si au début, ces plats ne méritaient pas d’être servie à des clochards, force est de constater qu’elle s’était nettement améliorée. A mesure qu’elle cuisina, ses qualités de marmiton devenaient de plus en plus évidentes. Du chaud, du froid, du sucré, du salé, de l’épicé… elle avait la créativité des chefs les plus brillants. Il lui manquait simplement des compétences plus affinées, une autonomie à gagner ainsi qu'une certaine régularité pour mettre en pratique sa folie. D'après son père, son talent pour la cuisine était indéniable. Si elle le souhaitait, la jeune albinos pourrait envisager sans problème une reconversion future dans les fourneaux.
Pour l’heure, il n’y avait pas à parler de mercato culinaire ni même de futur lointain ! Erika était heureuse d’être à Coverley et de concocter de succulents plats à l'aide de son père. Pour le moment, son rôle de cuisinière lambda la contentait pleinement. Les différents retours qu’ils recevaient des clients étaient très souvent positifs et l’encourager à poursuivre dans cette voie de création et de festoiement. Encore aujourd’hui, les consommateurs venus en nombre avaient été conquis par la carte du jour. Beaucoup avaient demandé du rab, qu’ils n’eurent qu’en payant un généreux supplément… De quoi gonfler les recettes de chacune de leurs soirées !
ENTRAINEMENT
A 6 heures du matin, après une nuit des plus courte, il fallait déjà se lever pour Erika. Depuis maintenant dix ans, elle avait pour habitude de s’entraîner avant de commencer son service à la milice. Le soleil n’ayant même pas montré le bout de son nez, elle commença à trottiner de sa maison pour se mettre en jambes progressivement. A petits pas, elle traversait une Grande Ville dormant à poings fermés et assombrie par l’absence de rayons solaires. Sur son chemin, elle n’oublia pas de faire une pause devant une unique boutique de son choix pour y reluquer les bonnes affaires. Les habits tendances. Les nouvelles chaussures. Les ustensiles de cuisines intéressants… Ses pupilles se mettaient à rêver d’une richesse qu’elle n’avait pas. Peut-être l’aurait-elle un jour ! Elle n’arrêtait pas de s’en convaincre. D’ailleurs, l’albinos mentirait en affirmant que chacune de ses foulées sportives n’étaient pas motivées par le désir de gagner beaucoup d’argents.
Sur ces rêves matérialistes, Erika s’était envolée hors de la ville et plus précisément, au nord vers le bois bordant la milice. Autour de cette nature calme en marge de la civilisation, elle suivait chaque jour le programme strict que lui avait imposé son maître Nolan. Nullement tatillonne, nullement prétentieuse, elle enchainait pompes, gainage, étirement, sans jamais rechigner une seule seconde. Pendant les entraînements et plus généralement lorsque son seul compagnon était la solitude, la jeune tireuse perdait les traits présomptueux qui la caractérisaient tant. Sans être terrorisant pour autant, son visage se vêtait d’une couche beaucoup plus sérieuse. Comme le lui avait enseigné son maître, chaque session se devait d’être faite rigoureusement pour observer les bénéfices qu’ils lui apporteront à l’avenir.
Après une bonne demi-heure d’exercice physique, il était temps pour elle de passer à une série d’exercices plus spécifiques. Les exercices de tir. A contrario du vélo, l’adresse et la précision se devaient d’être entretenue. Un pistolet basique attaché à la ceinture, elle sortit d’un sac une douzaine de boites de conserves qu’elle disposa à plusieurs endroits respectifs. Le principe de l’exercice était tout simplement de toucher chaque boite ferraillée en respectant le pattern suivant :
« Dégainer, tirer, ranger, dégainer, tirer, ranger, dégainer, ... » répéta-t-elle à haute voix comme moyen mnémotechnique avant de s'atteler à la tâche désirée.
La brise matinale traversa sa zone d’entraînement sans perturber la placidité de la tireuse. Infiniment concentrée, ses yeux retenaient l’emplacement exact des boites autour d’elle. Par terre, sur la branche d’un arbre, caché dans un buisson, … les situations à traiter étaient toutes différentes et les angles de tirs également. L’environnement analysée, elle ferma les yeux et décompta les trois chiffres fatidiques dans sa tête… 1, 2 et 3 ! Prise d’une pulsion endiablée, Erika empoigna immédiatement son arme et répéta le fameux pattern pour tenter de toucher toutes les boites ferraillées posées autour d’elle…
« Ce n’est toujours pas bon... » grimaça-t-elle à la fin de l’exercice.
Son efficacité au tir n’était pas de 100%. Plusieurs boites de conserves n’avaient même pas sursauté devant son tir. Rageant ! Il lui restait encore beaucoup de travail avant de pouvoir se considérer réellement comme une tireuse aguerrie. Pour autant, il n’y avait aucune raison de se laisse abattre. Son maître n’avait jamais cessé de dire que les échecs étaient bien plus instructifs que les succès. Et si, sur le terrain, un tireur n’avait pas le droit à l’erreur, ce n’était guère le cas à l’entraînement. Pendant plus de deux heures donc, l’albinos s’adonna au même exercice approchant parfois la perfection sans jamais la toucher.
RÊVE
Les rayons du 8 heures et demi ne tardèrent pas à émerger. Allongée par terre, le front perlant de sueur, Erika était exténuée par son manque de réussite. Sur son visage se lisait une insatisfaction claire, mais motivante. Cette ardente envie de ‘’rectifier le tir’’ ne serait que bénéfique pour sa future progression… Mais pour le moment, elle n’eut d’autre choix que d’arrêter sa séance d’entraînement. Dans environ une demi-heure, elle devait pointer à la milice et commencer son service. Aucun retard n’était permis là-bas sans une explication exceptionnelle ! Pour les retardataires paresseux, il était prévu des punitions par milliers. Des épluchages de patates, des gainages interminables, des poiriers sans fins, des sempiternels lavages de carreaux et j’en passe ! Tout était fait pour faire amèrement regretter l’existence d’une paresse chez l’humain lambda.
Le soupir exaspéré, l’albinos se convainquit de quitter les lieux, ne voulant subir par laxisme, le courroux de son sensei. Telle une tornade increvable, l’albinos récupéra son matériel et courut à l’opposé de la milice pour se rendre dans une destination lui tenant particulièrement à cœur : le cimetière de l’île. Devant l’entrée de cette nouvelle zone, son faciès s’adoucit et devint plus solennel. En l’honneur des gens reposant ici, elle ne pouvait se permettre de jouer l’ahurie ou la prétentieuse. Dès qu’elle eut emprunté l’entrée de la zone, Erika enchaina donc les pas flegmatiques au milieu de plaines tombales. Son silence était une marque de respect pour tous ceux reposant ici. Ils étaient tous des natifs de Coverley. Des amoureux de Coverley… y compris la personne qu’elle venait voir aujourd’hui :
« Bonjour maman ! » s’adressa-t-elle à une tombe isolée de toutes. Elle s’était arrêtée devant cette dernière, les lèvres montrant un sourire timide, mais joyeux.
« Ça faisait longtemps ! » ajouta-t-elle en s’asseyant devant cette dernière.
Elle sortit alors de son sac, une fleur à la rougeur notable et la déposa au milieu de sa plaque commémorative où il était écrit ‘’A celle qui a toujours su allier malice et délice’’. Un titre élogieux dans un sens. Néanmoins, il lui avait laissé croire que sa mère était une adepte aux taquineries… un peu comme Erika en fait. Ce constat avait toujours pour don de la faire largement sourire. Envahie par cette joie, elle en profita d’ailleurs pour préciser humainement :
« Je t’ai apporté tes fleurs préférées : des fleurs de Ceibo »Selon son père, il s’agissait de ses fleurs préférées. En plus de la présence de sa fille, la défunte mère ne pouvait apprécier de meilleurs cadeaux que leur lueur rougeâtre. Très sincèrement, la jeune albinos s’était toujours demandé pourquoi celle lui ayant donné naissance appréciant cette fleur surnommée ‘’crête de coq’’. Son père lui aussi semblait en ignorer la raison… ou du moins, il ne paraissait jamais très bavard dès qu’il s’agissait des goûts de sa femme : Le cliché type de l’homme dans un couple… probablement !
« Cela va faire dix ans maintenant que Coverley a subi cette grosse attaque pirate ! Dix ans ! Mais comme tu peux le voir, nous nous en sommes gloablement remis ! Papa a reconstruit sa taverne et les affaires marchent plutôt bien d’ailleurs… » La joie exagérée, quelques frissons la parcoururent. Ressasser ce passé traumatisant ne l’enchantait guère. Elle estimait toutefois important de faire à sa mère un compte-rendu de leur situation aujourd’hui.
« Quant à mon entraînement de tireuse, il a l’air de porter ses fruits chaque jour ! Maître Nolan surveille chaque jour mes performances… C’est un homme sévère, mais bon ! » En tête restait l’échec de son exercice quotidien, mais il était tabou d’inquiéter les morts avec les problèmes des vivants. Par conséquent, Erika réhaussa jovialement son monologue
« Comme tu peux le voir, je suis forte maintenant ! Plus jamais, je ne laisserais Coverley être le théâtre d’un spectacle sanglant ! Maintenant, j’ai la force de défendre ma patrie et je la défendrais jusqu'au bout ! » communiqua-t-elle fanfaronne.
8h50. Elle n’avait déjà plus le temps. Lorsqu’elle restait avec sa mère pour discuter, l’albinos ne voyait jamais le temps passer. Si possible, la jeune demoiselle adorerait lui raconter chaque seconde de son existence, mais les minutes se voulaient constamment cruelles avec elle… Et les adieux étaient souvent déchirants. Pas de larmes certes, mais des âmes lourdes de sentiments qui ne se reverraient pas avant un mois au minimum. Debout, elle s’inclina avec le plus grand respect devant la modeste sépulture de sa mère et lui adressa encore quelques mots chaleureux, preuve de l’amour fou qu’elle lui portait :
« J’aurais tellement aimé te connaître Maman ! Te montrer la femme forte que je suis devenue aujourd’hui ! Partager des journées en ta compagnie… » Elle baissa légèrement la tête pour surmonter cet amont soudain de tristesse. Puis la releva pour se montrer plus forte que jamais.
Ne jamais avoir connu sa mère ne devait pas la plomber. Ne pas avoir de souvenir de son visage ne devait non plus être un frein dans l’amour qu’elle lui portait. En revanche, il fallait qu’elle arrête de se questionner sur le prénom de sa mère. Si ce dernier était bel et bien incrusté sur la pierre sa tombe, il était impossible pour elle d’y ressentir une quelconque force maternelle. Jamais elle n’avait su l’expliquer ! Son père ne cessait de lui indiquer que sa mère s’appelait ainsi, mais une partie au plus profond d’elle réfutait constamment le nom donnée…
Probablement, une absence maternelle qui la rendait folle, petit à petit… voilà tout !
« Je suis triste de te laisser maintenant, maman ! mais je me dois d’y aller ou le capitaine risque de me passer un savon… » termina-t-elle.
« A plus tard » acheva-t-elle cette conversation chamanique, visiblement pressée.
Même sous le coup d’une possible punition militaire, Nora marcha silencieusement pour sortir du cimetière. Une fois dehors, elle était cependant devenue une 200 chevaux, sillonnant les arbres à toutes berzingues…
MUTATION
Deux ans plus tard...« Vous devriez y repenser, sensei… » déclara suppliante l’albinos alors plongée dans la pénombre de la nuit.
« Tu me vouvoies maintenant ? » rétorqua le capitaine d’une voix effrayante. Le poing serré, il s’approcha de son élève et l’attaqua de vive voix
« Un guerrier sans fierté est un guerrier mort, Erika ! On dirait que je t’ai mal entraîné… » regretta-t-il amère, sans épargner une seconde, celle à qui il avait tout appris.
« Tu laisses tes choix guidés par des incompétents ! Est-ce là, la liberté auquel tu veux aspirer ? » insista-t-il toujours incisif pour accabler son élève.
« Je… » bredouilla-t-elle incapable de freiner la frénésie vocale de son maître.
« Tu me déçois beaucoup, Erika… » l’acheva-t-elle verbalement en disparaissant dans la nuit.
…
Au petit matin, Erika s’était rendue à la Caserne, le cœur empli d’une tristesse remarquée. En effet, aujourd’hui était son dernier jour à la Caserne. Beaucoup d’émotions l’envahirent lorsqu’elle récupéra les dernières affaires encore présentes dans son casier. Elle avait du mal à se dire que demain ce bâtiment de guerriers ferait office d’entrepôt pour les ‘’nouveaux miliciens’’. Malgré tout, elle se devait de l’accepter. Le maire de l’île en avait décidé ainsi et elle n’était nullement en droit de contredire ses décisions. Ni même le capitaine d’ailleurs... Le futur de la milice n’était pas entre ses mains. De quoi pouvait-elle s’en vouloir ? D’être faible ? De ne pas avoir pu gérer les récents assauts pirates correctement ? Au fond, Erika aimerait bien savoir la raison pour laquelle ce contrat avait vu le jour maintenant…
Les termes de ce contrat dictaient à la fois son renvoi et le futur qui se dessinait pour elle : En échange d’une protection totale de l’île et de ses habitants, l’actuelle milice sera dissoute et une base de la marine sera installée à la place. Le commandement militaire et judiciaire sera assuré par la marine. De plus, tous les membres de la milice se verront adressés une nouvelle affection qu’ils se devront d’honorer… Un moyen d’étouffer toute potentielle révolte ! De cette manière, les miliciens n’avaient aucunement leur mot à dire. Pour tout vous dire, ils n’avaient même pas été conviés à ces négociations, maintenant terminées. De quoi abîmer la fierté de pas de miliciens destitués de leur travail…
« Adieu, Caserne de Grand Ville ! » soufflota-t-elle, nostalgique.
Et elle s’en alla, un carton à la main, ne se retournant pas. Il y avait de l’émotion. Quelques larmes. Mais en tant que guerrière, elle chercha à les contrôler. A paraître forte, qu’importe la situation. A présent commencerait sa nouvelle carrière de soldat de la marine. En fin de compte, elle s’y était résolue. La paye étant bonne, elle estima finalement que ce travail serait une bonne opportunité. Elle découvrirait un nouvel environnement loin de l’île et ferait la connaissance avec de nouvelles personnes. Sachant en plus que son île natale serait protégée par de véritables professionnels de la bataille, elle se dit qu’elle n’avait pas à craindre pour la sécurité des villageois et de son père. Ce que la milice avait maladroitement fait, la marine le fera proprement…
Si l’albinos s’était finalement résignée à porter le costume de la marine, d’autres n’imaginèrent même pas un instant l’enfiler. Notamment son maître pour qui, la milice représentait tout ! Après être rentré d’un long voyage à travers les mers, il avait récupéré le flambeau de son prédécesseur pour faire perdurer la tradition milicienne sur son île natale. De ce fait, il eut du mal à accepter cette injuste décision. Question de fierté ! Comment pourrait-il regarder ses ancêtres dans les yeux après la dissolution de la milice ? Protéger autre chose que son pays n’avait aucun intérêt pour lui... Et il était fermement accroché à cette idée. Même son élève n’avait pas réussi à le raisonner. Elle n’avait pas trouvé les mots pour le convaincre de servir la marine. Pire, leurs relations s’étaient sensiblement dégradées. Depuis cette fameuse nuit où elle avait cherché à le persuader, sans succès, ils ne s’étaient plus du tout vus. En quittant définitivement Coverley, ce fut d’ailleurs son plus gros regret…
ENVOL
Quitter son père, sa mère, son île, n’avait été une chose facile, mais il fallait voir le bon côté des choses ! Elle apprendrait beaucoup plus en une journée à la marine qu’en dix années sur son île natale. Surtout que sur son nouveau papier d’affectation, il était indiqué le nom d’un régiment de la marine plutôt populaire. Apparemment, ils ne recrutaient que des soldats aux potentiels indéniables, susceptibles d’occuper un jour, des postes élevées dans la hiérarchie marinière. Erika n’avait nullement la prétention de s’ériger jusqu’à des grades stratosphériques, mais les perspectives monétaires qui pouvaient s’offrir à elles étaient alléchantes. Le privilège d’intégrer les rangs de cette légion militaire était donc important. Elle avait la ferme intention de montrer à sa compagnie de quel bois, elle pouvait se chauffer.
Arrivée là-bas comme une campagnarde découvrant la civilisation, elle commença naturellement à l’échelon le plus bas du régiment : fantassin. Et par ses efforts constants à l’entraînement et son étincelant talent pour l’artillerie, elle suscita très rapidement l’intérêt de ses supérieurs. Selon les hautes instances, elle avait un profil extrêmement plaisant : un effrayant sang-froid dans le tir, une persévérance louable, une intelligence de jeu notable et une gestion des distances des plus correctes. Contrairement aux artilleurs classiques dont la longévité était pathétique, elle semblait avoir les qualités nécessaires pour survivre sur la durée. Tout ce dont elle avait besoin était d’exercices sur mesure, qui poliraient son talent… Et la marine semblait prête à les lui donner !
Un pont d’or s’ouvrait vers elle. Son futur s’annonçait glorieux et elle semblait prête à l’empoigner brutalement… Seulement, quelque chose l’empêcha d’emprunter ce chemin pavé de richesses. Une annonce toute bête ! Alors en période de réflexion, à la suite des diverses propositions que lui avaient faites son supérieur, elle avait fait l’amère découverte des actes de son maître dans les journaux. Enrôlé de force dans la marine, il s’était finalement rebellé et avait fait part à sa manière de son mécontentement… Plusieurs soldats de la marine tués. Un QG de la marine complètement détruit. Il était actuellement en fuite et selon l’article qu’elle lisait, tout portait à croire qu’il avait pris la direction de Grand Line pour échapper aux traces de la marine… Une prime coquette venait même de voir le jour.
« Maître… » soupira-t-elle douloureusement, hantée par de vieux souvenirs.
Que cherchait-il à prouver par de tels actes ? Il était en train de se mettre le monde à dos ! Cet abruti de maître ! En choisissant le camp de la marine, Erika n’avait absolument aucune chance de le sauver, qu’importe les promotions qui lui avaient été récemment proposées… Et puis, vu la froideur avec laquelle ils s’étaient quittés sur Coverley, accepterait-il d’être aidé par sa décevante élève ? Jamais l’albinos ne parut aussi hésitante. Une chose semblait sûre, le désir de revoir son maître n’avait jamais été aussi suffocant. Devait-elle chercher une ascension rapide dans l’échelon de la marine pour espérer le revoir ? Sachant qu’elle serait amenée à l’éliminer dès qu’ils se reverraient… Ce choix lui paraissait insensée.
Erika portait beaucoup d’affection pour maître Nolan. Le tuer dans un avenir proche ou lointain était impensable. Cependant, elle se sentait calcinée par l’envie de le revoir. Pour s’excuser de l’avoir tant déçu… Il n’y avait pas mille moyens de le revoir rapidement, sans avoir à le tuer. Devenir un criminel, tout comme il l’était devenu pour faire valoir sa liberté de pensée ! En restant dans la marine, elle ne semblait pouvoir éviter ce traumatisant dénouement. Faire une croix sur un salaire confortable lui fit mal au cœur, mais elle s’était fermement déterminée à le faire… Dans une nuit silencieuse où la garde était relâchée, l’albinos ex-fantassin de la marine s’envola sans prévenir pour aborder le blason des gens qu’elle avait maintes fois tué de ses balles précises. Pour le retrouver. Son maître adoré.
Son aventure de pirate avait commencé.
Mr. Y (Le meilleur bro de Mr. X)
C'est où pour faire des suggestions ? Sinon, c'est un forum sympa et prometteur que voilà !