L'attaque des corbeaux

Le soleil venait de se lever sur la charmante île de Baterilla et les habitants de la ville l'avaient imités. Les premières lueurs rougeâtres donnaient un aspect flamboyant aux diverses rues qui traversaient la ville tel des vaisseaux sanguins irriguant le centre-ville, véritable coeur de celle-ci, de gens venu des quatre coins de ce vaste monde. Baterilla, elle-même, semblait s'éveiller tandis que les fêtards de la veille croisaient les travailleurs du jour dans un parfait roulement. Ainsi les bars de nuit fermaient quand ceux de jours ouvraient, les jeunes allaient se coucher tandis que leurs parents se levaient. Et c'est du haut de l'un des toits qui surplombait la ville qu'un homme à la tignasse grise assistait à ce magnifique spectacle.

Un journal dans la main, le Den Den Déchaîné, il semblait être préoccupé par les nouvelles qui lui parvenaient. Dans son autre main, il tenait un croissant fraichement acheté. La mine déconfite, il posa le journal près de lui, son visage s'était décomposé à mesure que sa lecture avançait. Tout d'un coup il recracha la bouchée du croissant qu'il mâchait depuis quelques secondes et s'écria :

- Arggg, je savais que j'aurai dû prendre un pain au chocolat.

Après avoir jeté la viennoiserie, il reprit la lecture de son journal. Son fameux sourire lui revint aussitôt. C'était mal connaître le jeune homme que de penser que les nouvelles du monde allaient l'abattre. En effet pour lui tous les malheurs que pouvait subir les peuples avaient leurs solutions, après tout c'est pour cela qu'il avait rejoint la Marine. Il faisait confiance en l'homme et en sa volonté de justice. Nulle épreuve ne pourrait avoir raison de l'espoir. La volonté d'un homme est sa plus grande arme.

Et sa vision du monde n'avait pas changé depuis qu'il portait l'uniforme bleu et blanc. C'était toujours le même garçon insouciant, prêt à se dresser face aux grands de ce monde. Depuis qu'il avait reçu le grade de commandant, il avait aussi gardé le même rêve, celui de rendre le monde meilleur. Ainsi il avait participé à l'arrestation de pirates lors de missions des plus périlleuses qu'il soit. Les pirates en quête de pouvoir qui les rendraient libres, il les détestait. Lui n'était pas du tout de cet avis, il haïssait le pouvoir et n'y voyait qu'une entrave à la liberté. Il rendait fou ceux qui le possedaient autant que ceux qui étaient à sa recherche. Seul le gouvernement mondial était un dirigeant nécessaire à l'équilibre de cette terre, le reste des personnes le recherchant était un ennemi de la liberté et un ennemi du peuple. Voilà comment il voyait le monde et il comptait bien le rendre meilleur en s'occupant de ces ennemies.

D'ailleurs ce monde avait déjà commencé à changer et bientôt les repercussions d'un évènement allaient se faire sentir sur le reste du globe. Baterilla allait d'ailleurs être le théâtre d'un évènement qui bouleverserait la face de celui-ci.

Mais pour l'instant ceci n'inquiétait guère Kazu Watanabe, commandant de la Marine, qui était descendu du toit où il se trouvait à la recherche d'une activité pour sa journée. Il était sur l'île depuis quelques semaines déjà et les blessures de sa dernière mission avaient complètement disparu. Ainsi il avait pu reprendre l'entraînement et il se sentait plus en forme que jamais. Cette ville lui plaisait énormément, alors chaque jour il se baladait dans ses rues à la recherche d'un nouvel endroit à découvrir mais son sens de l'orientation était tellement déplorable qu'il se retrouvait souvent aux mêmes endroits, sans s'en rendre compte. Alors qu'il passait devant une boutique de vêtement dans laquelle il avait acheté un nouveau pantalon la veille, il se dit que ce coin de la ville était vraiment sympa et qu'il aurait aimé le découvrir plus tôt.

Enfin son périple à pied le fit arriver aux portes de la ville. Devant lui d'immenses collines s'élevaient vers le ciel, Kazu avait pris l'habitude de monter en haut de celles-ci lors de son entraînement. La pente parfois vertigineuse rendait l'ascension éprouvante mais une fois en haut, le souffle coupé par l'effort, vous retrouviez le sourire en un rien de temps. La vue sur la région, où forêts, collines et champs s'entremêlaient dans le plus beau des ballets, vous coupez de nouveau le souffle.

En quête d'aventure, Kazu entreprit l'ascension du mont. La forêt recouvrait celui-ci et il n'était pas rare d'y trouver des animaux sauvages. Une fois, le gris était tombé nez à nez avec un groupe de singe qui lui avait donné du fil à retordre. Il espérait ne pas les recroiser aujourd'hui. Pour se repérer il suivait sans cesse le chemin le plus escarpé, ainsi il ne cessait de monter et il finissait toujours à arriver au sommet.

Après de longues minutes de marche il était arrivé tout en haut.

Kazu s'était arrêté quelques minutes afin de profiter de la vue imprenable qu'il avait du haut de la colline. De cette hauteur, il pouvait voir sur plusieurs kilomètres les paysages magnifiques que l'île avait à offrir. Au loin, l'horizon était marqué par le contraste entre le vert des champs au sol et le bleu du ciel. Ce tableau qu'offrait la nature était une juste récompense de l'effort que le gris avait fourni lors de l'ascension de ce mont. Ici il pouvait respirer, loin de la ville qui offrait bien d'autres avantages mais qui ne permettait pas de se retrouver seul pour réfléchir, bien que Kazu n'était pas du genre à le faire bien souvent. En bas, dans la vallée qui s'étendait à perte de vue, les seuls signes de vie étaient les quelques bâtisses des agriculteurs qui travaillaient dans leurs champs. La solitude de ces gens, comparé aux tumultes de la ville touristique, était criantes mais, au sommet de ce mont, il se sentait libre.

Enfin Kazu avait repris son souffle et après avoir mangé la colation qu'il avait apportée pour son entraînement, se prépara à redescendre la colline afin de la forêt de s'exercer à l'utilisation de son fruit du démon. Il était toujours motivé à progresser et il savait mieux que quiconque que cela passait par un entraînement acharné. Le jeune marine se connaissait bien, ses qualités aussi bien que ses défauts, et donc il savait qu'en mission son sens de l'analyse n'était pas son point fort. Les gens lui avaient assez répété au cours de sa vie. Alors il misait tout sur son talent au combat. Une fois prêt pour le retour, il regarda une dernière fois le paysage en contre-bas quand il entendit un bruit provenant de la forêt.

Les feuilles des arbres s'agitaient alors qu'aucun vent ne soufflait. Quelque chose se passait, sûrement des animaux sauvages qui mettait la pagaille. Kazu pensa tout de suite au groupe de singes avec lequel il avait eu un combat lors de ses premiers jours à Baterilla, pourtant le bruit qui s'était fait entendre avait tout l'air d'un cri d'oiseau. De dizaines de cris d'oiseaux pour être plus précis. Et ceux-ci se faisait de plus en plus proche. C'est alors que de la forêt, des dizaines de corbeaux surgirent. Leur couleur noire les rendaient menaçant dans le ciel d'un bleu parfait, sans même l'ombre d'un nuage. Levant les yeux vers eux, Kazu fut d'abord surpris de voir que cette agitation venait de simple oiseaux.

Il avançait dans les cieux, droit devant, formant un V que l'oiseau de tête dirigeait. Celui-ci changea de direction pour foncer droit sur le Marine, sentant sûrement qu'il n'avait rien à faire là et qu'il était une menace pour le groupe. Le gris ne comprit pas tout de suite qu'il était attaqué et l'animal à la pointe de ce V vint lui enfoncer son bec dans le bras. La force du coup était impressionnante pour la taille de l'oiseau et la douleur arracha un cri au gris. Avec son bec, l'assaillant avait pincé la chair du pauvre marine. Ce dernier, déséquilibré par l'attaque, tomba à la renverse de l'autre côté de la colline et dévala la pente sur le dos.

Il réussit à stopper sa chute au bout de quelques secondes. Son dos avait frotté le sol et les pierres présentes sur celui-ci lui avait entaillé la peau. Se relevant avec peine, il suffit à Kazu d'un coup d'oeil pour apercevoir que les oiseaux ne comptaient pas le laisser en paix. En effet, ils fonçaient en piqué droit sur lui. Alors sans réfléchir une seconde, le gris prit ses jambes à son cou et descendit la colline à une vitesse impressionnante pour se retrouver dans la vallée. En quelques minutes, il était passé du sommet de la colline aux champs de blé de Baterilla. Mais sa course ne s'arrêta pas là car les oiseaux, eux, ne semblaient pas se fatiguer. Alors il partit en direction de la première maison qu'il aperçut, criant à l'aide :

- Au secours, je me fais attaquer par des pigeons !

Kazu était arrivé à pleine balle dans l'un des champs d'un fermier du coin. Mais ce champ était des plus bizarres, en effet un épouvantail recouvert d'une substance liquide trônait en plein milieu tandis que des disques de métal qui ne paraissait pas être utile en agriculture étaient disséminés un peu partout. Mais le plus bizarre c'était la femme aux cheveux blancs qui se trouvait aussi là. Dès qu'elle avait aperçu le jeune marine, elle s'était mise entre lui et les oiseaux, le sauvant ainsi de leur attaque. Ensuite, elle leur avait jeté des graines.

Les oiseaux à la tête du groupe s'étaient posés et s'approchaient maintenant de la nourriture déposée au sol. L'un des oiseaux effleura l'une des graines du bec, puis il l'avala. Plusieurs de ses congénères l'avaient imité mais chacun d'entre eux tomba raide quelques secondes plus tard. Ils avaient sûrement étaient empoisonnés par la jeune femme qui avait préparé son coup, sa réaction montrait qu'elle s'attendait à voir arriver ces oiseaux et les pièges qu'elle avait déposés dans le champ en était une preuve suffisante. Celle-ci s'approcha de Kazu et lui dit :

- Il s'en ai fallut de peu ! Heureusement que vous êtes arrivé ici avant que cela ne devienne trop grave.

Elle avait raison, elle avait belle et bien sauvé le jeune homme. Celui-ci dévisagea son héros, ne comprenant pas la situation dans laquelle il était. Les yeux rivés sur les oiseaux inconscients, couché par terre, il demanda à la demoiselle :

- Merci, tu m'as sauvé. Mais tu es sûr d'avoir vérifié la date de peremption de ces graines ? Ces oiseaux n'ont pas l'air dans leur assiette.

Et voilà, une nouvelle fois le gris avait fait preuve d'un sens de l'observation inégalable. Seul un idiot n'aurait pas compris que ces graines étaient empoisonnées. De plus il avait tutoyé sa sauveuse, après tout il était du genre à s'attacher très vite aux gens et il ne connaissait guère les principes de politesse, même les plus basiques.

Mais ces deux drôles de personnages n'allaient pas pouvoir échanger bien plus longtemps. En effet, devant la perte de connaissance des oiseaux au sol, ceux qui étaient restés dans le ciel commençait à piailler de colère. Eux, contrairement à Kazu, avaient compris la situation et ils n'allaient pas rester sans rien faire. Les corbeaux passaient à l'action, au-dessus des deux jeunes gens aux cheveux d'argent ils volaient en cercle, préparant leur vengeance.

La jeune femme avait sûrement disposé tout plein de piège pour venir à bout de ces taches noires dans le ciel, mais Kazu ne savait que faire. De toute façon il n'avait pas le temps de réfléchir, déjà la moitié des corbeaux fonçaient droit sur lui. Leur bec en avant, ils descendaient en piqué sur leur cible mais celle-ci n'allait pas rester sans rien faire.

NORO WALL

Au-dessus de sa tête, Kazu créa un rayon protecteur pour ralentir ces assaillants. La plupart se prirent l'attaque du marine et restèrent immobile dans les airs mais certains avaient été plus rapide que le gris. Trois des oiseaux l'avait ainsi atteint, leur bec tranchant comme une lame de rasoir et piquant comme une épine était venue tailler en pièce la chair de son bras avec lequel il s'était protégé. Ignorant la douleur, dans un réflexe de survie, le gris frappa les bêtes de son autre bras mais l'une d'elle tenait fermement sa peau. Un autre coup vient à bout de la pauvre bête qui finit au sol, comme ces deux amis.

Kazu leva de nouveau les yeux pour apercevoir les oiseaux ralentis dans le ciel. De là où il était il n'arriverait pas à les atteindre, mais il n'était pas seul dans l'affaire. Il se retourna alors vers la chasseuse de corbeaux pour lui exposer son plan :

- Je te fais la courte échelle et tu t'occupes de ces pigeons ? dit-il en se mettant en position.

La femme aux cheveux blancs avait sauté par-dessus Kazu et c'était envolé dans les airs. La-haut, quelques oiseaux l'attendaient, immobilisés par le pouvoir du marine. Ce dernier espérait qu'elle saurait mettre hors d'état de nuire les volatiles.

Mais il eut à peine le temps de voir ce qui était arrivé à sa nouvelle partenaire perdu dans le ciel, qu'il devait s'occuper de l'autre moitié du groupe de corbeaux. Il avait complètement oublié le reste de cette troupe volante et ils en avaient profité pour préparer une nouvelle attaque. Ils s'étaient positionnés en cercle juste au-dessus du gris et avaient piqués tous en même temps sur leur cible. L'attaque était rapide et précise, Kazu n'allait pas pouvoir tous les esquiver. C'était alors pour lui l'occasion rêvée de tester l'une de ses nouvelles techniques. Malheureusement, il ne la maîtrisait pas encore à la perfection, alors il dut se contenter de la base de l'attaque. Ainsi elle était bien moins puissante et efficace mais face à ces maudits corbeaux cela devrait faire l'affaire.

Le pied gauche planté dans le sol, il tourna autour de celui-ci en positionnant son autre jambe en hauteur. Ainsi la rotation autour de sa jambe d'appui lui permis de venir frapper les corbeaux avec celle qui était en hauteur. Ayant réussi à prendre assez de vitesse pour faire un tour complet sur lui-même, il parvient donc à toucher chacun des oiseaux qui venaient sur lui. Ils s'envolèrent un peu plus loin, inconscient suite à l'attaque qui s'étaient pris de plein fouet.

Kazu, debout au milieu du champ, reposa sa jambe droite par terre. Quelle drôle de journée, s'il avait su en se réveillant ce matin qu'il serait poursuivi puis attaqué par ces oiseaux fous il serait sûrement resté dans son lit. Il se rappela alors qu'il avait laissé sa sauveuse dans le ciel, il la chercha alors du regard afin de savoir si elle s'était chargée des fauteurs de troubles restants.