Le Grand Moment

Tu as bien pris ton petit déjeuner ?

...

Tes nouvelles lunettes sont propres ?

...

Tu as fais ton échauffement et ton étirement ?

...

Le silence de Mazao atteste de sa concentration. Ni l'interrogatoire choyant (ou étouffant) de Keiko ni le brouhaha de la foule ne sauraient perturbé sa placidité. Il s'avance dans le long couloir. Devant lui une lumière blanche et aveuglante perce l'obscurité du tunnel. A chaque pas l'écho grondant de la plèbe s'intensifie. Faire honneur à l'équipage qui l'a sauvé, voilà sa motivation. Il combattra jusqu'à épuisement s'il le faut. La fin du couloir est à quelques mètres. Derrière lui, une troupe de combattant se rapproche eux aussi de l'arène. Quelques têtes lui sont familières. Enfin, ses pieds franchissent la ligne jaune qui marque l'entrée dans l'arène. Le soleil éclate alors dans le ciel. Que le tournoi commence.

Tous étaient parqués dans une sorte de salle de chauffe, mêlant la diversité des artistes martiaux du monde. Des mecs tous plus étranges les uns que les autres, les femmes n’étant pas en reste. On sentait la testostérone à plein nez, des types qui se regardaient dans l’ovale d’une assiette et se régalant de leur propre masse musculaire. D’autres, au contraire, bien plus réservés, en intense communion avec … eux-mêmes. De tous les types de combattants, vraiment. Des mecs masqués, d’autres qui arboraient fièrement leurs insignes. Leurs uniformes de moines et autres adeptes du combat. Mais, bien entendu, aucun cipher pol. Personne du gouvernement. C’était logique, en soi, le rokushiki était l’art de combat ultime. C’était un condensé de ce que le monde avait de plus mortel à offrir.

Que dire du karaté aérien alors ? Directement inspiré, découlant de l’essence même du rokushiki. Propulsant la maîtrise du corps à celle de l’environnement direct. La voie arpentée par les plus fervents adeptes du rokushiki, diversifié dans cet art unique. Tellement unique qu’une seule personne au monde était connue pour l’avoir maîtrisée. Et elle était morte bien avant de transmettre ce savoir. Morte sur un coup de tête, sur un malentendu. Un véritable gâchis pour les combattants du globe, condamnés à ne jamais connaître la suprématie de cet art. À ne jamais savoir ce qu’était de mordre la poussière par le simple poing d’un aériste.

« Ah, vraiment, quelle plaie … » ricana un étrange type masqué dans l’assemblée.

Il était vêtu de doré, surplombé d’un casque de métal, apparemment antique, bardé de symboles ésotériques. Enfin, un accoutrement comme un autre. Une longue cape pendait le long de son dos, rattachée par un cordon qui ceignait ses épaules. La tunique, près du corps, ressemblait aux tissus des agents de terrain, à la fois souple et résistant, difficile à déchirer ou même ôter. Elle se terminait par un col roulé dernier cri. Noir comme l’espoir. Puis venait une ceinture apparemment souple, surplombant un ensemble de tissus qui voletaient, parachevant des collants tout aussi noirs. Des collants de super-héros, comme ceux portés par Man-mouette, l’antagoniste mal connu de Mouetteman du tome 534 dans sa version d’hiver 1237, alinéa b. Des bottes en cuir, tombaient ensuite, révélant d’étranges mocassins qu’on aurait juré de cuir, mais peints dans un jaune criard. Une sorte de cache misère.

À la base du casque, on pouvait apercevoir une tignasse noire, mal coupée … avec quelques étranges reflets blonds et des traces de suie à la base du cou. Ainsi qu’une moustache postiche qui n’arrêtait pas de tomber de sous le casque, qui semblait être la seule protection viable de ce costume. Tout comme authentique. Un expert archéologue aurait peut-être reconnue le véritable masque du temple du mâle élémentaire. Relique inutile parmi les savoirs inutiles. Mais très pratique pour cacher un visage. Surtout le visage d’un anti-héros.

Le regard de cet étrange personnage était rivé vers un type à la tignasse verte et à la clope au bec. Qui s’avance du noir vers la lumière. Il ne choisit pas d’être dans les premiers à faire face à la lumière, observant cet homme qu’il semblait … suivre. Il arriva donc dans la lumière quelques instants après tout le monde. Et une vague de puissance l’envahit alors qu’il contemplait la foule et se prenait la vague d’applaudissements de plein fouet. Il accusa le coup, faillit repartir en arrière se tapir dans les ombres. Il grinça des dents, chercha machinalement quelque chose dans une poche qu’il n’avait pas. Il tâta quelque chose de rectangulaire, caché contre sa peau et soupira. Il était prêt à tout, même à ça. Allez, y croire rendrait les choses réelles.

« Allez, allez. On y est. Et puis c’est pour la mission, hein. »

Il avait raison : y croire rendait la chose réelle. Il n’était absolument pas là pour se faire plaisir. Il était là dans son bon droit, pour sa mission. Il sentit la vague d’adrénaline monter, il sentit cette gloire qui scintillait à bout de bras. Cette obole populaire qui l’attendait. N’était-ce pas ce à quoi il aspirait au travers de ses histoires, de ses romans ? L’amour, la gloire et la beauté. Mais surtout … la baston.

« Oui. J’aime me battre. » fit Jack, en avançant vers le ring.

Et ça ne faisait que commencer …

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