Le temple du mâle élémentaire [solo]

La traversée de calm belt n’avait pas été de toute repos. Cette mer sans vent était infestée de monstres marins et l’équipage chargé de diriger Jack vers sa destination n’avait eu sa vie sauve que grâce à sa coquer, recouverte de granit marin. Il existait une infinité de navires rapides destinés à des longs courriers du genre, chargés de convoyer des officiels plus ou moins secrètement. On ne pouvait décemment pas faire appel à Davinxi pour ce genre d’affaires. Il était le genre à tout vendre au plus offrant, et la venue d’un cipher pol 9 à Ishiro se devait de rester secrète. Ce fut sans aucun doute pour cette raison qu’une fois après être passé par Calm Belt, le navire avait mis à disposition des éternal avant de s’engager sur la voie appropriée, en direction de l’île. Il y avait à faire sur place, et Jack n’avait pas vraiment eu le choix. Ses ordres étaient clairs, et c’était pourquoi il s’était retrouvé à taper dans des cailloux sur la plage d’une île luxuriante, ou plutôt un petit bout d’île, bien à part. À la limite entre calm belt et les mers des blues, afin de rapprocher le plus possible Jack de Reverse, là où il pourrait enfin emprunter le passage avec le navire qui l'attendait.

« Pas le droit de participer, hein ? Bon sang … et l’esprit d’initiative des Cipher Pol 9 ? »

Quelques minutes passèrent, et plusieurs cigarettes.

« Dernier endroit où on a eu trace du passage de Maxwell, et pas le droit de participer ?! »

Un sillon commença à se creuser sous ses pas, tandis qu’il tournait comme un lion en cage, se rongeant le frein de ne pas pouvoir participer au tournoi mondialement réputé d’Ishiro. Après les événements du christmas mirror tour, Jack en avait sérieusement pris pour son crade et pour ses compétences. Il s’était illustré, certes, mais n’avait pu gagner son combat. Il avait été mis à genoux par un elfe grossier et impudique. Pas plus tard que quelques heures après ce combat mémorable, il avait encore été repoussé par l’action explosive d’un pirate sanguinaire – dont il avait bien tourné l’affaire à son avantage. Et puis, à peine semaines jours de voyage plus tard … il avait dû faire face à une horde de monstres qui avaient failli emporter Hana avec eux, dans la mort. Tout ça pour dire qu’il avait besoin de se défouler à plein potentiel, de casser des têtes.

De bimbim, quoi. Il se frotta la tête.  Quel était donc ce terme incongru, d’où lui venait-il ? L’agent se racla la gorge et tira une nouvelle cigarette. Ce n’était pas le moment de se relâcher. Mais pourquoi associait-il le rouge à un tel terme ? Et une paire d’épées ? Bah. Sans importance. Il alluma sa cigarette et d’un geste de rage chassa un moustique qui eut l’audace de venir l’importuner. Le vent généré souleva du sable, qui s’engouffra vers l’intérieur des terres. Les marines chargés de l’escorter étaient encore à refaire le plein de vivres, ou à se prélasser. Ils n’étaient pas pressés : passer Calm Belt avait été l’épreuve la plus dure. Le calme, le manque de vent. Ce côté surnaturel obsédant … Ils étaient bien sots de penser que grand line serait plus reposante. Quoi que leur mission ne s’arrêtait qu’à la première île de la troisième voie … Ensuite pourraient-ils profiter des festivités de cette magnifique île thermale qu’était Ishiro. Des manches comme eux se moqueraient bien de ce fameux tournoi.

Jack soupira, encore une fois. Son regard s’était rivé sur l’intérieur des terres, là où le sable s’était engouffré. Comme appelé à par un effet mystique qui concentrait l’attention du héros sur ce point précis, lui révélant un passage dans la jungle, propice à mener à un temple perdu, cœur de cérémonies rituelles autour d’un artefact qui … et merde.

Me dites pas que c'était la suite de l'histoire ?


Boum. Boum.

Boum. Boum.

Les lianes enserraient les pierres du temple séculaire, tordant les affreuses statues de kirins qui ornaient l’entrée, bouchée par un arbre millénaire. La lumière peinait à traverser la frondaison de la jungle, baignant les lieux d’une clarté verdâtre, transformant chaque ombre en pendant morbide d’un temps passé. La nature était tout ce qui trônait ici, des gazouilles d’oiseaux aux rugissements de prédateurs. Par moment, des cris de souffrance résonnaient dans la forêt, témoin d’une lutte brutale pour la survie. Comme tout ce qui vivait sur Grand Line. Debout, au milieu de ce culte à la nature trônait un homme en trench-coat et mocassins cirés. Avec son costume, il semblait complètement hors de propos, comme une parodie de la cité s’invitant chez les sauvages. Il tira une cigarette de sa poche, se l’alluma. Le silence se fit. Feu et fumée n’était pas de bon augure dans une forêt.

Boum. Boum.

Il avait suivi la piste d’animaux venant se désaltérer dans une des fontaines cassées de ce temple abandonné, qui coulait le long d’un ruisseau que le temps avait creusé. Etrangement attiré par cet endroit, le cipher avait oublié le vaisseau et les hommes chargés de l’escorter sur Ishiro, sans même les prévenir. Il avait louvoyé parmi les branches, s’aidant de ses dons pour gagner le centre de l’île, autrefois dédié à il ne savait quoi. Clope au bec, il s’avança vers l’entrée, étudia les fenêtres et avisa l’une d’entre elle, brisée sur l’intérieur. Il y faisait sombre, et il y avait à peine la place pour lui de s’y faufiler. Il coinça la cigarette entre ses dents puis attrapa ses habits pour éviter de les salir. Il se glissa dans le passage, tentant de ne pas en toucher le bord. Ce qui ne fonctionna pas, et lui fit marmotter quelques jurons.

Boum. Boum.

Un escalier semblait se dessiner dans l’ombre, les torches ayant disparu depuis longtemps. Jack s’empara de son briquet, l’alluma. Chose étrange, il avisa quelques livres poussiéreux disposés çà et là. La trace d’un bureau, détruit par le temps. Un pot en verre, quelques parchemins dont l’encre s’était effacée depuis le temps. Il découvrit une lanterne à capote. Il s’en empara, la secoua. Toujours de l’huile. Quand la chance lui souriait, c’était souvent mauvais signe. Il souffla sur la lampe, tira sur l’amorce pour la faire tremper dans l’huile, devenue bien visqueuse avec le temps. Il attendit quelques secondes puis actionna de nouveau son briquet pour nourrir la mèche. La flamme, maigre, s’intensifia en quelques minutes, plongeant l’endroit dans une obscure clarté.

Boum. Boum.

De sa lumière, il put éclairer l’officine, découvrant les restes de notes, de schémas rendus illisibles par le temps. Il s’empara d’un livre, les pages tombèrent en poussière. Plus rien ne pouvait être consulté, compréhensible. Aurait-il trouvé l’histoire du siècle disparu ici qu’il aurait bien rit. Il approcha la lanterne, fouilla un peu partout. Rien d’exploitable. Mais pas de corps, pas de trace de vie, sinon une paillasse mangée par les insectes depuis bien longtemps. C’était étonnant de voir pareil étude dans un tel endroit. Peut-être que l’explorateur en herbe s’était fait bouffer par un prédateur. Qui pouvait savoir ?

Boum. Boum.

Jack finit cependant par mettre la main sur léger carnet de notes. La couverture en cuir était écornée, craquelée et presque illisible. Il fronça les sourcils, défit d’une main les liens qui tombèrent en morceaux. Il tira une nouvelle bouffée de sa cigarette. Il écarta les pans du libre, les pages se coupèrent à son contact, quand elles ne s’effritaient pas. Dommage. Il tourna l’objet dans tous le sens, avant d’apercevoir une étrange gravure sur la quatrième de couverture. Il l’approcha de la lanterne. Plissa les yeux.

Boum. Boum.

« 2.17.21.1.22 / 8.1 / 16.1.9.12.8.1 / 26.17 / 9.23.8.1 / 1.8.1.9.1.10.16.23.5.14.1., / 11.17 / 18.11.17.15 / 15.1.14.1.22 / 26.1.18.11.14.1.15 » lut-il, soupirant de dépit.

Boum. Boum.

Un code à l’évidence, il se gratta la tête, s’empara de son propre carnet. Pourquoi avoir besoin de coder quelque chose ? Pourquoi le graver dans du cuir ? Il espérait ne pas s’être trompé en recopiant, les un et les quatre étaient étrangement similaires. Sans compter l’état de décomposition du carnet de notes découvert. Il fit plusieurs tentatives sur son propre carnet, griffonna. Puis ricana pour lui-même avant de résoudre le code. Et bien, tout ça était étrangement décourageant. Jack soupira en rangeant son morceau de charbon et son carnet. Peut-être venait-il d’élucider ce qui était arrivé à l’explorateur … Qui aurait cru que cette expédition au hasard dans la forêt pouvait être vraiment intéressante ?

Boum. Boum.

Le Cipher soupira de nouveau. S’il n’avait pas entendu ces tambours, peut-être ne serait-il pas venu après tout … Mais qui disait tambour, disait civilisation … et dans ce coin paumé, c’était peut-être ce qu’il y avait de plus inquiétant.


Boum. Boum.

Le couloir s’arrêtait ici. Cul de sac. Il avait beau avoir parcouru le tunnel dans tous les sens, il n’y avait pas d’autre entrée ou sortie que par celle où il était passé. Tout n’était que poussière et toiles d’araignée. S’ajoutait à cela que sa lanterne commençait à faiblir.

Boum. Boum.

Mais le son venait d’en-dessous, il en avait la certitude. Il avait fait plusieurs allers retours pour déterminer l’endroit approximatif. Impossible d’en être sûr, le son semblait rebondir partout avant de parvenir à ses oreilles, mais il aurait juré que le son avait un certain rythme, obéissait à une cadence précise. Pour peu, il se serait laissé prendre au jeu, hochant de la tête en cadence. Mais ne pas pouvoir y accéder commençait à lui courir sur le système.

Boum. Boum.

De dépit, Jack tapa contre le mur. Il sentit, sous sa main, une pierre branler. Bouger. Ah tiens … Il appuya sur la pierre et les voisines. Evidemment. Avec le temps, l’érosion et les plantes, tout ça avait dû bien morfler. Il glissa ses doigts dans les fentes et gratta légèrement la terre pour déloger le bloc de pierre. Il réitéra l’opération jusqu’à dégager une sorte de passage d’homme, juste assez grand pour le laisser passer à quatre pattes. L’agent soupira, regarda les genoux de son pantalon. Il n’était plus à ça près. Il était un homme, un vrai.

Boum. Boum.

Boum. Boum.

Il dû bien ramper un quart d’heure dans ces conduits, son briquet à la main. La lanterne avait rendu l’âme peu de temps auparavant. Il Avait suivi le passage, qui s’élargissait par endroit et rétrécissait à d’autres. Un ancien passage secret, ou alors une voie comblée par le temps. Plus il avançait, plus il percevait de la chaleur. La bonne nouvelle, c’était qu’il descendait. Qu’il se rapprochait de ce son. Le battement était de plus en plus oppressant. Il y en avait même d’autres qui se mêlaient aux premiers, qui n’étaient pas perceptibles de prime abord.

Boum. Boum. Bim … Bim. Poum.

Puis, au bout d’un long moment, il aperçut comme une lumière au bout du tunnel. Quelque chose d’orange, de luisant et d’intriguant. Le son devenait de plus en plus fort, englobant tout le petit tunnel, résonnant à un rythme endiablé et auquel répondait des cris en chœur. Des milliers de pieds qui frappaient le sol, faisaient vibrer le monde. Jack ferma son briquet, se glissa jusqu’à l’ouverture et découvrit qu’il se trouvait en haut d’une immense caverne, où des feux brûlaient, où des gens dansaient. Où la lave brillait. Bon sang, où était-il tombé ?

Boum. Boum. Bim … Bim. Poum. Pam. Pam. Pum.

Il passa la tête dans le trou, éprouva la chaleur étouffante des braises. Les murs de la caverne étaient tapissés d’alcôves où des gens se trouvaient. Pas une seule source de lumière externe. Des bassins trônaient çà et là, semblait emplis de choses indiscernables. Il y avait une forte quantité de huttes de pierre, et au centre trônait une sorte de … trône. Il ne distinguait pas très bien, mais un quatuor de percussions entourait le siège de pierre. De facture sommaire, il ne pouvait voir qu’un éclat étincelant, sur la tête de celui qui l’occupait. Alors que tout le monde bougeait frénétiquement au rythme de la musique, l’homme au masque ne semblait pas goûter le spectacle. Il était là, regardait. Contemplait. Les enfants demeuraient contenus dans les alcôves, piaillant entre eux. Les adultes, eux, dansaient dans un état de transe absolue au sein de la foule, se mêlant les uns aux autres. Certains s’accouplaient, sans aucune gêne. Tandis que d’autres … Bref.

Boum. Boum. Bim … Bim. Poum. Pam. Pam. Pum.

Au-dessus des brasiers trônaient des pics de fer où de la viande était enfournée, tournant lentement au rythme des cuisiniers qui dansaient autour du festin. La plupart de ces gens étaient nus, ou peu s’en fallait. Il y avait un quelque chose d’étrange avec la viande que Jack n’aurait pu dire. L’odeur de la cuisson, de la graisse coulant sur le feu lui donnait faim mais … c’était bizarre. Avisant quelques prises, il se glissa hors de son accès, et parvint à gagner une des alcôves supérieures sans se faire voir. Pas d’enfants, parfait. Il y avait des sortes de voies tailles dans la pierre qui menaient aux alcôves. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas mangé, et la perspective de piquer un peu de viande aux hommes des cavernes lui allait bien. Ça, et le truc qui brillait sur la tête de leur chef. Jack avait toujours aimé les trucs qui brillaient. Et, en général, qui disait caverne, disait trésor.

Boum. Boum. Bim … Bim. Poum. Pam. Pam. Pum.

Il se cacha derrière une stalagmite et se rapprocha d’un des cuisiniers. Il sentait le rythme de la musique et des pas de danse faire vibrer le sol, et personne ne faisait attention à personne. Tous étaient comme … euphoriques. En transe, donc. Cela lui facilita l’infiltration. Ainsi, étonnamment habillé pour une telle chaleur, il gagna une des flaques de magma par-dessus laquelle trônait un barbecue et s’arrêta net. Il ravala un haut le cœur et commença à reculer lentement. Ok. C’était ça le truc bizarre. Un frisson couru dans son dos. En même temps, pour des types qui ne pouvaient pas sortir du coin, c’était logique. Il remarqua alors le sang, et ce qu’il avait pris pour des types en train de copuler. Des corps. Des corps humains.

Boum. Boum. Bim … Bim. Poum. Pam. Pam. Pum.

Il voulut repartir en arrière et se retourna pour aller se planquer de nouveau. Il se retrouva nez à nez avec un des enfants. Le gamin, à la peau blanche comme l’albâtre le regarda avec ses gros yeux vitreux. La morve coulait de son nez déformé et Jack n’aurait su dans quel œil le regarder. Son gros ventre traduisait bien des soucis de santé, tandis que ses pieds bots peinaient à le porter. L’enfant leva un bras malingre en direction de Jack, boita piteusement vers lui. Le Cipher lui fit signe de se calmer, mais le petit … la petite, marmonnait des choses inintelligibles dans son palais fendu. L’esprit n’avait pas été plus épargné par le corps.

« Shh, shh … » fit le Cipher, peu désireux de se faire cramer par les cannibales consanguins.

« HMLMLGUNUNNNUUOIONNLMLM !! » hurla la chose, attirant l’attention d’un des ‘cuistots’.

« GLOUUUUUUBLIOIOIGOGGMMMLMMMNNNIOI !! » reprit l’adulte, un peu plus épargné.

Son cri, plus fort et perçant, se fit un chemin dans la foule qui arrêta soudain de copuler avec des cadavres. Enfin, de faire ses affaires de consanguins. La foule pivota d’un bloc, merde. Ça sentait le roussi … Jack tenta un signe de la main, avec un sourire aguicheur. Raté.

Les tambours tapaient. Que ce fut dans son crâne ou dehors, il n’aurait pu dire. Jack ouvrit les yeux, surpris d’y voir comme au travers d’un tamis. Il avait quelque chose de lourd sur la tête, et une grosse bosse à l’arrière du crâne. Il avait froid. Il tenta de se lever, avisa qu’il était assis et attaché. Bon. De mieux en mieux. Il soupira, fronça les sourcils. Il y voyait à travers deux fentes, mais tout était comme noir autour. Et il y avait une odeur de décomposition ambiante. Il éternua, ce qui lui fit l’effet d’avoir toussé dans un chaudron. Mais il avait quoi sur la tête ? Il avait l’impression de se trouver dans un des clubs échangistes de Baterilla, et ces souvenirs lui faisaient encore mal à l’ego. Il se rappela soudain où il était. Au fond d’une caverne, dans un temple oublié, avec des cannibales consanguins. Un frisson lui courut le long de l’échine. Pourquoi ça sonnait comme dans un vieux club de nuit ?

Jack tira sur ses liens, sans trop de résultats. Il grommela quelque chose que les tambours masquèrent. Il regarda autour de lui, toujours avec son étrange gangue sur la tête. Il la pencha sur le côté et avisa un étrange squelette, posé par terre. Complet, presque entier. Si ce n’était les hanches brisées. Il était encore relié par quelques ligaments et muscles racornis. Depuis quand ce truc était là. Soudain, Jack compris. Il était au milieu. Il était sur la scène, et le truc brillant … il l’avait sur le crâne ! Le squelette, ça devait être le type dont il avait trouvé le journal ! Merde, merde. Il tira plus fort sur ses liens. Ils allaient le bouffer, ou un truc du genre. Et ça, c’était pas du tout, du tout agréable. Il vit une espèce de vieux à côté de lui, bossu et aux poils longs comme ses bras. Complètement disproportionné, il avait des dents qui saillaient de sa bouche et un œil plus gros que l’autre. Une vraie bête de compétition. Et cette musique, bordel … assourdissante.

« Papi. Hey. Papi. Putain. PAPYYY. » hurla-t-il, avant que la créature ne sursaute et sautille de joie en l’apercevant.

Il dévala les marches bon gré malgré, criant des choses incohérentes. Jack regretta son choix d’avoir essayé de l’attirer pour le forcer à le détacher. Le vieux ne tarda pas pour revenir, entiché de quatre bonnes … choses. Les femmes étaient un peu déformées, de gros ventres et des bras trop grands, mais elles semblaient suffisamment épargnées pour marcher sans trébucher. La musique était oppressante, Jack en avait mal au crâne. La vieille chose montra Jack du doigt, puis les femmes de l’autre. Le Cipher se redressa sur son trône.

« Snusnu. » fit l’être obscène en montrant le ventre des choses.

Un frisson couru le long de l’échine du Cipher. Il baissa la tête, découvrit qu’il était nu. Pour ça qu’il avait froid. Putain. Non. Non. Non non non.

« Dégage, putain, dégage. Non, t’approche pas ! Vire de là toi !! » rugit l’agent, à mesure que les femelles s’approchaient.

Il se tortilla, tenta de se dégager. Les liens étaient trop serrés. Non. Hors de question. Il commença à faire vibrer ses doigts libres et d’un claquement de doigts, il fit jaillir une bille d’air de son index tendu. La bille perfora l’œil du vieillard, ce qui ne sembla pas perturber le regard bovin des femmes. C’était certainement le meilleur pool génétique du coin, mais il était hors de question que les aventures de Jack s’achèvent ici ! Le Cipher commença à frapper l’air du pied et se propulsa en arrière. La pierre grinça et les liens furent les premiers à lâcher. La décharge d’air engendrée envoya tambours et consanguins à terre. La musique s’arrêta sur un trône vide, un Jack qui courait les fesses à l’air, vêtu d’un masque de métal et … d’une multitude d’être difformes qui hurlaient leur haine.

Jack courait nu, sautant par-dessus les têtes. Certains des sauvages avaient sorti des piques et des lances, tentant de courir après leur nouveau pool génétique. Le Cipher tentait de survivre malgré tout, esquivant la lave en fusion, les cailloux et les femmes en furie. Il n’osait imaginer le sort qu’avait vécu le précédent détenteur de ce casque. Surtout vu le calibre des femmes ici. Même à la franc-marinerie c’était mieux : pour dire ! Les hommes n’étaient en reste. Des hommes-poissons auraient largement donné le change. L’agent esquiva une dernière salve, avant de se faire entailler la cuisse. La douleur, le sang et la peur finirent par avoir raison de sa résistance. Il attrapa le premier qui passa à portée et lui planta son index dans le crâne. Le type glissa par terre, agité de soubresauts. Même leur cerveau avait une texture bizarre … beurk.

« Stop ! Le premier qui s’approche, je le bute ! » hurla-t-il, avec peu d’espoir de se faire entendre.

Evidemment, ils ne le comprirent pas, et il fallut cinq nouveaux cadavres pour qu’il se fasse un peu respecter. Les corps se firent traîner en arrière, pour fournir le garde-manger. Ecoeurant. Jack pointait tout le monde de son index ensanglanté. Il cherchait partout une sortie, mais plus que tout, ses affaires. Il avait … besoin de respirer. Il avait besoin d’une clope, il fallait qu’il s’allume une clope. Ou qu’il se réveille, qu’il sorte de là. Il fallait s’allumer une cigarette avec le … avec le … Oh non. Pas … encore. Il chancela. Non, non non non. Non ! Pas le briquet ! Pas encore … pas encore une fois ! Il s’éleva d’un geppou, survola la foule qui avançait vers lui.

« Où il est ? Où il est ? Où est mon … »

Ce fut là qu’il le vit. Qu’il vit le baluchon. Qu’il vit la lave. Qu’il vit … l’impensable. Un des consanguins avait la main au-dessus du flot de magma, une sorte de panier dans les mains. Il regardait la course de Jack dans les airs, complètements niais. Il renifla sa morve, à deux doigts de balancer le tout dans la poche de lave. En une fraction de seconde, le cipher fut sur lui. L’homme alla s’éclater – littéralement – contre un pan de mur, étalant boyaux et sang dans une peinture murale très à propos. Il maintint le baluchon au-dessus du trou, le sauva in extremis. Il étala le tout par terre, les sauvages ne comprenant pas trop ce qu’il faisait, toujours sous le coup de ses doigts meurtriers. En moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire, Jack avait déjà revêtu son éternelle tenue, préférant avoir une épaisseur de protection entre sa chair et le regard lubrique des créatures.

Le Cipher soupira avec plaisir, fouilla dans sa poche. Le doux contact de son briquet. Le doux contact de ses cigarettes. Il en glissa une à sa bouche et l’alluma. Son regard océan passa sur la foule qui se dirigeait vers lui. Il opina du chef. Ils comptaient détruire son briquet ? Ils comptaient le jeter dans la fosse de lave, hein ? Bande de foutus sauvages. N’empêche qu’avec des vêtements, il se sentait bien mieux. Tellement mieux qu’il avait oublié le coup du casque sur son visage.

« Je sais même pas si la mort serait plus miséricordieuse pour vous … » murmura l’agent, la haine au cœur.

Il ferma le poing, regarda le plafond. Puis revint vers les êtres consanguins. Depuis combien de temps étaient-ils enfermés ici ? Depuis combien de temps se reproduisaient-ils, sans autre échappatoire que celle de la souffrance ? Suffisamment de souffrance pour essayer de détruire son briquet. Ou de l’attacher et de le faire … erk … avec leurs … erk. Jack réprima un haut le cœur en mettant son poing fermé devant le casque. Il s’était un peu vomi dans la bouche.

« Adieu. » fit-il, serrant le poing.

Il s’éleva dans l’air d’un geppou et commença à condenser l’air entre ses bras en mouvement. Il était temps …

Le bateau quittait le rivage, s’éloignant de l’île maudite. Jack avait le casque sous son coude, seul souvenir de ce qui avait pu se passer dans les profondeurs du temple du mâle élémentaire. Il avait été l’incarnation de ce mâle élémentaire pendant quelques minutes, et cela lui avait suffi. Cette aventure aurait de quoi faire rêver la ménagère, il en était assuré. Il regardait, nostalgique, vers la terre qui s’éloignait. On percevait encore le rivage. Il soupira. Il était revenu maculé de poussière et de sang, le masque curieusement intact. Les agents chargés de l’escorter avaient à peine remarqué son absence, ainsi s’étaient-ils posé moult questions en le voyant revenir après le grand tremblement qui avait secoué l’île.

« Jack Sinister et le Temple du Mâle élémentaire. Ça sonne plutôt bien. » trancha-t-il.

En bons membres du gouvernement, les matelots avaient opiné du chef et mis les voiles dès que Jack le leur avait ordonné. Ils étaient habitués à agir ainsi, c’était le protocole. Les cheveux dans le vent, l’agent frotta les quelques tâches sur son imperméable. Il en avait toute une sélection dans sa cabine, ce n’était pas grave. Il avait récupéré le briquet dédicacé par Marco, c’était le principal. Il sourit, en regardant l’horizon. Jack serra un peu plus fort le casque contre lui.

« Non … non. Ils ne méritaient pas ça … »

Ces sauvages n’étaient plus son problème. Pas plus que ce qui leur était arrivé. Mais pourtant, pourtant ... Il avait, par le biais de son fluide, percé le toit de la caverne, détruit cette gangue qui les emprisonnait depuis des décennies. Il avait libéré cette population à l’air libre, il leur avait donné l’espoir et une seconde chance. Il regarda son poing, maculé de sang. Il sentait encore la chaleur, le contact entre son doigt et les os fébriles de leur crâne. Il soupira de nouveau. Quand le vent les avait saisis, quand la pierre avait cédé sous son haki, tombant et emportant des dizaines des leurs. La souffrance, les cris et les pleurs. La colère, la rage. L’impuissance. Et la douleur, par-dessus tout. Etaient-ils vraiment libres ? Il se mordit la joue, resta les yeux dans le vague.

« Oui. C’est ça que j’écrirai. La liberté. » se promit-il, avant de se détourner de la terre et de gagner sa cabine.

Quant à ce qu'il ferait de ce casque ... il n'en avait aucun idée, sinon qu'il était ancien. Qu'il fut important pour des êtres insignifiants. Qui sait, peut-être lui trouverait-il une importance, un de ces jours ...