Un chien a la mer !

C'est bon j'y suis ! Encore un petit village sans prétention, je vais avoir du mal à trouver ce qu'il me faut. Je plonge la main dans une poche de mon costume, je sens rouler les dernières pièces de monnaies qu'il me reste. Ça suffira pour le repas, mais va vite falloir que je me reconvertisse ! Bon où c'est qu'on peut trouver un bar dans ce patelin ! Tien maintenant que j'y pense il n'y a pas grand monde dans la rue, chui tout seul en fait. Les volets sont fermés ? Je veux bien qu'on soit au milieu de la journée et que les gens travaillent, mais c'est louche tout ça. Bon, direction le port, s'il y a un bar c'est probablement dans les environs. C'est connu les marins sont tous des poivrots, moi compris. Avec un peu d'chance le patron a une petite caisse de cigare au fond d'la réserve je pourrai en acheter quelques-uns, si ce n'est pas trop cher.

Ah tien le voilà ! Un bâtiment miteux qui tient debout uniquement grâce à la volonté du proprio. Toujours personne dans la rue, il n'y a pas une attaque de pirate en cours quand même ? Non y aurait des coups feus et des cris. J'espère qu'il est ouvert, je ne vais pas tenir encore longtemps sans manger. Allez, on va vérifier de suite, on pousse la porte et yes ! C'est ouvert ! Je rentre lentement dans l'établissement. L'intérieur ne vaut pas mieux que l'extérieur, mais au moins ici y a du monde ! J'fais quelques pas dans un silence assourdissant, ils sont tous en train de me fixer. Chui sur z ‘ont jamais vu d'hommes-poisson dans leur vie, on va la jouer sympa pour éviter les mouvements de foule. J'me frotte le haut du crâne et j'dis

« Bonjour … Vous auriez un repas chaud et un p’tit verre pour un pauv’ voyageur comme moi ? Arf arf ! »

Le sourire faisait un peu forcé, mais bon. Juste à ce moment que mon estomac décide de pousser un grondement tonitruant qui provoque un sursaut dans l'assemblée. Je m'excuse platement, si je l'avais pu j'aurais rougi. Je vais m'assoir au comptoir, j'me sens toujours aussi observé, mais j'ai trop faim pour en faire cas. L'patron, un petit gars rougeaud, un peu rond me regarde l'air halluciné, il tremble presque. J'lui demande un verre de whisky et un plat chaud, il hoche de la tête avant de se précipiter dans sa cuisine. Avant qu'il disparaisse j'lui demande s'il a quelques cigares en rab histoire de lui en acheter. Il hoche la tête en bredouillant un truc avant de continuer dans son élan. J'me retourne pour regarder la salle et tout le monde sursaute en me regardant. J'comprends pas, je sais que ce qui est diffèrent fait peur et qu'ils n'ont jamais vu un gars comme moi, mais là ils ont l'air terrorisés …

Heureusement cette ambiance étrange prend fin quand le tenancier revient avec mon repas. J’ai tellement faim que je me soucis plus du reste et j’avale son plat avec appétit. C’est juste du poisson bouillit et des patates, mais bon dieu que c’est bon quand tu n’as rien bouffé depuis trois jours ! après ça j’ai le droit à un bon verre de whisky et je r’demande au patron un cigare, il m’sort toute la boite ?

Ten… Tenez monsieur … Att attendez je je vous l'allume… Pppprenez le briquet si vous voulez !

Oh merci c'est sympa de vot'part, mais je n'ai pas de quoi payer tout ça moi arf arf arf ! Bon j'vous dois combien ?

Oh nnnon non vous n'avez rien à ppppayer c'est gratuit J'veux juste ppas pas d'histoire c'est tout ! J'ai une fff femme et des gosses ….

ARF ! Ce n'est pas parce que j'ai une tête différente de la vôtre qu'il faut me traiter comme un monstre ! Merde hein !

J'plonge rapidement la main dans ma poche et le gars se recroqueville sous son bar les mains levées en signe de défense et les quelques personnes encore dans le bar se jettent contre les murs. Bon ça va j'ai compris je ne suis pas l'bienvenu. J'lève doucement ma main valide et sort l'autre de ma poche avec autant de précaution. Je pause avec délicatesse mes derniers berrys sur la table et j'empoche la boite et le zipo, ça lui apprendra à me traiter de monstre puis j'me casse de là. Décidément personne ne veut de moi, ça commence à fiche un sacré coup au morale quand même. J'ouvre la porte un peu fort et …

« Doug Fisherman ! vous êtes en état d’arrestation pour haute trahison envers le gouvernement mondial ! »

QUOI ?

Y a une dizaine de gars qui me tiennent en joue tout autour. Je lève lentement les mains, je n'ai pas envie de finir en passoire de suite, j'aimerais savoir ce qu'il se passe avant. Bon ils portent tous l'uniforme de la marine, c'est donc des soldats, mais ils ont l'air assez jeunes, de nouvelles recrues ? Ouais certainement, j'en reconnais même une ou deux j'crois bien. Le gars qu'a parlé a l'air plus âgé et plus dangereux même s'il tient pas d'arme à la main. Y vient de dire que je suis recherché pour trahison ? Je n'ai jamais trahi personne moi ? Oh merde ! Le petit fils ! L'a le bras aussi long que ça le grand-père, merde alors ! Comment je vais faire pour me sortir de la ? Je ne vais certainement pas allez en taule supporter le gamin et j'veux pas finir en passoire non plus. Ça serait ironique ça tien, que j'meurs du mauvais côté du canon. En parlant de canon forcement j'ai pas pris d'arme en partant de la base, il me reste quoi comme option du coup ?

Pour m'défendre je n'ai rien à part mon corps et ma capacité spéciale. Impossible de compter sur l'électro, ils sont trop nombreux j'en assommerai quelques uns tout au plus avant de me faire descendre. Donc faut que je me casse d'ici le plus vite possible sans me faire trouer. Ce sont des tireurs jeunes et inexpérimentés, j'peux faire le pari qu'ils vont tous tirer dans la direction où je vais sauter une petite feinte droite gauche devrais me prévenir de la première slave. J'ai intérêt à courir vite si je veux éviter la deuxième. Pas de couverture possible, bon ben c'est encore le meilleur plan que j'ai. C'est partie ! Je fais mine de me jeter sur la gauche, l'ordre de tirne manque pas et tandis que je m'élance sur la droite j'entends les balles crépiter. J'ai mal à la joue, y en a un plus intelligent que les autres, il m'a raté de peu, je m'en sortirai avec une égratignure c'est pas la fin du monde. Maintenant va falloir compter sur ma nature d'homme poisson pour courir le plus vite possible et les semer ! au bout de dix minutes de course effrénée j'vois un beau tas de planches à côté d'une maison. Je m'assure que personne ne me voit je me jette dans la ruelle et je me planque là-dessous c'est toujours mieux que rien.

J'attends un peu, plus de bruit aux alentour je sors de ma cachette de fortune. Et voilà je suis tout sale maintenant génial ! Je commence à grommeler quand j'aperçois une affiche sur un mur. Y a ma tronche avec un petit mot dessus :

DOUG FISHERMAN
Recherché vivant

Attention c'est un pirate extrêmement dangereux et violent. Il est accusé de haute trahison envers le gouvernement mondial. Si vous le croisez prévenez immédiatement la marine.

Ah ben je comprends mieux la réaction des gens. Moi un PIRATE mais, mais, non ! j'avais dit fini les trucs pas légales chui pas un pirate bordel ! en plus ces radins ils n'ont même pas mis de récompense sur l'avis de recherche ! Un chien perdu ça rapporte plus que moi ! j'entends des voix qui se rapprochent, trois personnes et je sens une odeur caractéristique de poudre. Des soldats approchent, je vais retourner me planquer sous mon tas de bois. Faut que je trouve de quoi me défendre rapidement et un moyen de retourner à ma barque le plus vite possible. Les voilà à quelques mètres de moi, ils ne font pas trop gaffe. Ooohhhh ! je vois que monsieur a un flingue a la ceinture arf arf arf ! Difficile de lui prendre sans se faire remarquer, puis la discrétion c'est pas mon truc, je peux quand même profiter de l'effet de surprise. Bon ben c'est parti, ça faisait longtemps que je n'avais pas eu le droit à une bonne baston !

J'prends appuie sur le mur, forcement ça fait bouger les planches et les gars se retournent vers moi. Ce n'est pas bien grave qu'ils me remarquent arfarfarf ! J'me projette comme une balle en direction du soldat du milieu qui a un pistolet à la ceinture. J'enfonce le pauvre bougre dans le mur, je n'ai pas l'air con comme ça. Chui droit comme un piquet, les bras croisés à l'horizontale la tête dans le bide du soldat que le choc a envoyé dormir. Je n'y suis pas allé de main morte aussi, MERDE ! c'est le moment de réfléchir, y a toujours deux gugusses à descendre. Avant que la gravité me r'fasse descendre de l'estomac de ma victime j'arrache le flingue de sa ceinture et j'donne un coup d'épaule vers la droite. J'tourne comme une toupie et j'me redresse dans la foulée. Ça s'passe suffisamment vite pour que les p'tits gars n'aient pas le temps de réagir. Je colle une balle dans le genou du premier qui s'effondre au sol en hurlant de douleur. J'me retourne vers le dernier. Son fusil est pointé sur moi, il tremble comme une feuille. Heureusement que c'est une jeune recrue, un homme plus entrainé m'aurai déjà collé une balle, je tends rapidement mon flingue vers lui avant qu'il se décide à tirer. Ah ben de peur il ferme les yeux, le truc à pas faire. Bon tant pis pour lui je vais viser les jambes il est encore jeune et pas doué.

CLIC

Merde plus de balle ! Y a un moment de flottement, le jeune soldat sursaute et se rend compte de mon erreur. Il me regarde avec un petit sourire et son corps se tend à nouveau, il me faut une idée vite fait ! Je regarde le flingue qui est dans ma main, bon tant pis, je n'ai rien d'autre. Je l'attrape par le canon et je me jette sur le côté juste au moment où il décide de tirer. Dans l'élan je lui lance le flingue dessus, j'réussis mon lancé vlan la crosse entre les deux yeux et un dernier regard outré du soldat. Je prends une grande inspiration, la baston est finie deux hommes assommés et un blessé qui gueule comme une vache des mers. Il va attirer les autres le con ! j'lui colle un grand coup de chaussure dans la tête, voilà il cris plus. Bon entre le coup de feu et l'autre chui pas rendu y vont tous rappliquer dans pas longtemps faut que je me bouge. Avant, on va faire le ménage, l'étoile de mer dans l'mur a de quoi recharger l'arme bingo ! le blessé lui a un sabre a la ceinture, ça me servira a rien et je prends le fusil et les balles du dernier ça sera toujours utile. Oh et une poignée de Berry arfarfarf ! j'vais me priver tien il voulait me tirer dessus de toute façon.

Alors que je fouille les poches des autres compères à la recherche de quelques piécettes supplémentaires je lève soudain l'oreille. Des bruits de pas, beaucoup de bruit de pas ! j'ai trop trainé à les fouiller, je vais me faire encerclé et je ne pourrais plus m'enfuir et je vais avoir du mal à me débarrasser de tout ce beau monde !

Hey pppssst
Arf ?
Venez vite !

J'tourne la tête et je vois une petite vieille qui me fait signe du coin de sa porte. Piège ou pas je n'ai pas le temps de réfléchir les soldats sont presque là. Je me dirige vers la vieille, elle a une petite robe, des lunettes, un chignon de cheveux gris, le classique de la grand-mère. Elle est appuyée sur une canne, elle cache peut-être une arme là-dedans va falloir se monter méfiant. Elle se pousse et je m'engouffre dans la maison, ça sent le vieux et y a des bibelots partout, génial. Elle referme la porte derrière moi.

Ne t’inquiète pas ils ne te trouveront pas ici Kiki !
Moi c’est Doug madame arf !
Oh le mignon petit chien, ces gens te voulaient du mal hein ? Oh oui qu’il est mignon !

Oh je la vois venir c'est encore une de ces vieilles folles qui veulent me câliner, je recule de quelques pas en prévision de l'assaut. Le bruit de pas des soldats se rapproche dangereusement, le regard de la vieille dame change, il se durcit. Elle me dit de m'cacher d'un ton sec en désignant une porte. Je réfléchis pas et j'obéis instinctivement. Foutu génétique si c'est un piège chui foutu !

Me v'la dans un placard, dans le noir à faire confiance à une petite vielle étrange. Je ne sais toujours pas si c'est un piège, en plus j'entends la porte qui s'ouvre. Bordel elle va les appeler c'est sûr ! J'plonge la main dans ma poche, j'ai peut-être encore une chance de pouvoir charger mon arme et de me sauver ! Pendant que j'le charge consciencieusement dans l'noir, ce qui est pas pratique, j'tends l'oreille histoire de voir ce qu'elle va faire.

Au secours ! Au secours ! Messieurs les soldats !

Merde …

Il est parti en direction de l’Est de l’ile, attrapez cet horrible brigand !

Oh !

Merci madame on s’en occupe !

Ah au final elle m'a vraiment sauvé, c'est quand même pas pour prendre ma tête j'espère. J'attends que la porte se referme et que le bruit des bottes s'éloigne, je mets mon pistolet dans ma poche et je garde la main dessus quand je pousse le placard. Elle est plantée au milieu du salon à me regarder avec un drôle de sourire, elle a pas l'air agressive.

M’dame j’peux vous poser une question ?

Oui bien sur gentil petit toutou !

Pourquoi vous m’avez sauvé arf ?

Oh et bien c’est une longue histoire vous ne voudriez pas un peu de thé et des petits gâteaux ? ah je vois bien que ça vous tente ! Asseyez-vous je vais nous chercher ça.

Bon ok arf !

Voilà, je vais vous dire c’est assez simple je vous ai sauvé parce que vous me rappelez Kiki mon petit chien, il est mort il y a quelque mois lors d’une attaque de pirate. Regardez-la sur l’étagère ce morceau de laisse rouge est tout ce qu’il me reste de lui.

Arf je suis désolé …

On était sorti faire une petite promenade, c’était le jour du marché et ces malotrus on tiré sur la ville aux boulets de canons. L’un d’entre eux est tombé pile sur ce malheureux Kiki, j’ai été soufflée par l’explosion et quand je suis revenu à moi il ne restait que ce bout de laisse au bord du cratère … En plus, depuis qu’Hubert nous a quitté il me tenait compagnie. C’était un brave petit toutou vous pouvez me croire. Il me manque terriblement tous les deux …

Arf … vous m’avez sauvé je peux bien vous laissez me câliner un peu si vous voulez, ça vous rappellera vot’p’tit chien, mais pas trop quand même !

Oh que vous êtes gentil …

J'en r'vien pas j'ai vraiment dit ça ? Je déteste me faire câliner ! Bon d'un autre côté elle était au bord des larmes la petite vieille et elle m'a sauvé les miches comme il faut, donc je suppose que j'ai pas le choix je vais devoir souffrir un peu. En plus, son thé est délicieux !

Bon m’dame ce n’est pas tout ça, mais faut que j’dégage de la moi, si vous l’permettez …

Oh oui oui tu a raison, mais les soldat sont à ta recherche non ? tu as fait quelque chose de mal ?

Arf non je me suis juste mis la mauvaise personne à dos et je lui ai collé une droite …

Je me disais aussi que tu n'avais rien d'un pirate sanguinaire tu sais, dans le passé quand mon Hubert était encore là, on aidait les petits jeunes comme toi qui étaient recherchés a tort. Ça arrive plus souvent qu'on le croit. Ils n'aiment pas les idéalistes ivres de liberté je suppose. Tu as été gentil avec moi tu m'as écouté et tu m'as même laisser te câliner ! Je suppose qu'une dernière virée en l'honneur de mon cher Hubert s'impose ! Apporte-moi ma canne veux-tu et déplace-moi cette table !

Oui m'dame !

Le regard de la vieille a changé il est passé de mamie gâteau a prédateur des fonds marins. J'en ai presque des frissons, c'est quoi cette vieille ? C'pas le moment de poser des questions, j'vais vite chercher la canne et je lui tends. Elle se lève, je pousse la table et les chaises puis, je lui jette un regard interrogatif. Avec un sourire carnassier elle donne un petit coup de canne sur le sol et ça sonne creux ! Un passage caché sous l'tapis ! C'est une vieille pleine de ressource dit donc ! Je tire le tapis d'un coup et v'là la trappe.

Eheheheheh ! Mon vieux Hubert avait plus d'un tour dans son sac ne me regarde pas comme ça, on a eu notre période rebelle ! Oh en parlant de ça j'ai l'impression que tu aimes bien les armes à feu toi, le pistolet dans ta poche est plus tout neuf, il risque de s'enrayer au mauvais moment !

ARF ? mais com …

Ehéh ! je vais te donner ceux d’Hubert je les ai gardée comme souvenir, mais je n’en ai pas l’utilité puis c’est le moment de passer à autre chose !

Elle va me chercher une petite boite en bois, dedans deux beaux flingues tout rutilant bien mieux que celui que j'ai récupéré. Servie avec les holsters en plus y a juste à les réajuster. J'prends le temps d'admirer les machins, ils ont le rechargement rapide et tout ! Une drôle de bonne femme dit donc j'commence à l'apprécier ! Je la remercie comme il se doit chui gêné, je n'ai pas l'habitude qu'on soit aussi gentil avec moi. Elle disparait dix minutes et revient avec un paquet à la main ? De quoi manger pour le voyage !

Mais m’dame vous êtes trop gentille avec moi comment j’vais faire pour vous remercier arf !

Tu as prêté ton oreille a une vieille dame seule et attristée, tu m'as rappelé de bons moments et sans le vouloir tu m'apporte une petite aventure comme dans l'bon vieux temps ! Tu m'as déjà offert bien plus que tu ne le crois Kiki.

Arf Je m’appelle Doug !

Oui oui allez hop on y va !

Ouais elle ne m'a pas écouté, tant pis. Elle ouvre la trappe d'une seule main et plonge dans le trou béant sans la moindre hésitation. Bon quand il n'y a pas l'choix, je jette un petit coup d'œil pour vérifier si elle est pas morte avant de sauter et j'la vois frais comme un gardon qui m'attend. Je sors un cigare de ma boite mal acquise et je l'allume avec mon nouveau zippo tout aussi mal acquis avec un grand sourire. Décidément ça promet !

Vous m'laisserez pas sur la touche mémé !