La vie d'une gamine

Fatiguée...

Tu n'avais plus vécu de véritable sieste depuis bien longtemps maintenant. Les principes de ton école étaient de se débarrasser de toutes les craintes qu'un corps humain pouvait t'apporter. A long terme, tu devais être capable de diminuer au minimum tout les besoins élémentaires comme le sommeil ou la faim. Plus facile à dire qu'à faire en vérité... D'autant plus que ce régime draconien, tu en étais persuadée, était la cause de ta taille relativement ridicule. Tu n'avais pas le choix que de suivre les préceptes préconçues de ton enseignement, mais cela ne t'empêchait pas de les maudire au fond de toi. Tu étais en pleine croissance ! Enfin... Plus ou moins...

Tu soupirais tandis que tu marchais dans les rues jusqu'à ta demeure. L'antre des Belladone... Depuis bien longtemps, tu ne faisais plus parti de cette famille bien trop sévère pour toi. Enfin, tu n'en portais que le nom, mais on t'avait retiré tout honneur ou tout attention. Tu n'étais qu'un élément clairement dispensable. Enfin, cela était avant, désormais que tu avais gagné un semblant de reconnaissance sur l’île, bien qu'encore infime, ton père avait décidé de subitement croire en toi. Ce vieux était effrayé par l'idée d'être oublié. Il avait œuvré toute sa vie à la perfection de son art et désormais qu'il ne pouvait plus le pratiquer, il désespérait de voir tout ses efforts être vain. Tu aurais pu le comprendre plus jeune, s'il n'avait pas été aussi acariâtre avec toi...

Les rues semblaient se vider peu à peu tandis que la nuit envahissait peu à peu les cieux. Pour une personne comme toi, qui avait toujours connu les frontières de ce bout de terre sur les mers, tu n'avais envie que d'une chose, c'était d'en voir davantage. Croiser des combattants dont tu ne pourrais même pas t'imaginer la puissance et l'expérience... Une sorte de rêve que tu tentais désespérément d'accomplir depuis peu. Afin de t'arracher des chaines familiales et de ton destin que tu ne voulais pas être semblable à celui de ton père. Tu voulais marquer le monde à ta manière et progresser de la même sorte.

Mais pour cela, il fallait aussi passer par dessus la volonté de ton père. Tu ne lui avais encore jamais parlé de ta volonté et tu te doutais bien qu'il n'allait guère apprécier celle-ci. Il répugnait le monde extérieur pour une raison qui t'était obscure. Il avait vécu ici et mourait ici. Bien entendu, il y avait l'option de partir contre son grès et celui de ton maître. C'était une solution comme une autre si tu te retrouvais à te heurter face à un mur inébranlable. Mais les arts martiaux t'avaient suffisamment apprit pour savoir détruire ce genre de mur... Enfin tu l'espérais.

Faisant face à la porte qui séparait l'extérieur de l'intérieur de la demeure tu soupirais. Tu détestais avoir à être ici. Trop de mauvais souvenir et encore un présent assez anxiogène, une chose qui était sure, qu'importe la décision de ton père, il fallait que tu te débarrasses de cet endroit au plus vite ! Tu avais cette impression certainement justifié que tout te contraignais et t'empêcher de t'éveiller !

Ennuyée...

A peine entrée que la tranquillité du monde extérieur faisait désormais place à l'agitation ambiante de l'intérieur. Tes deux frères étaient des vrais excités, sans aucune frontière quant au comportement à adopter. Tandis que ton père avait toujours été d'une sévérité extrême au moindre écart avec toi, depuis ton plus jeune âge. Il était désormais bien plus laxiste avec les jumeaux, puisque représentant son unique opportunité de briller. De plus, il avait échoué avec toi dans ses premières expériences, il n'allait pas reproduire les mêmes erreurs avec eux. Bien entendu, tu étais douée et tu faisais parler des Belladone bien souvent en bien. Mais ce n'était pas comparable face au potentiel que leur octroyait ton père.

Et voilà ce que cela donnait, des gosses sans limite, galvanisés par une arrogance paternelle. Tu ne savais pas vraiment ce que cela allait donner à l'avenir. Ils avaient bien entendu commencé à appréhender les bases des arts martiaux, tandis qu'à leur age tu étais déjà à t’entraîner tout les jours. Tu ne pouvais pas juger... Tu n'estimais pas vraiment ta manière d'avoir été traitée vraiment efficace. Bien entendu, tu aimais tes frères, mais tu ne pouvais t'empêcher d'être jalouse face à cette injustice de la vie.

Enfin... Il y avait bien des injustices à laquelle tu pouvais te plaindre. En commençant par ta petite taille. Décidément, la réalité n'avait pas envie que tu l'arpentes davantage. Malheureusement pour elle, si tu étais encore ici, c'était que tu possédais une volonté à toute épreuve. C'était à toi de surmonter tes propres problèmes après tout puisque personne n'était disposé à te tendre la main.

- Bonsoir Mère... Père...

Tu n'étais pas à l'aise quant tu étais en famille. Cela se voyait à ta voix légèrement tremblante. Même ton sensei n'arrivait pas à te perturber autant lorsque tu venais à discuter avec lui. Te frottant les tempes, tu venais à te poser sur ta chaise tandis que ta mère te donnait ton assiette. Tu avais une relation conflictuelle avec le paternel, mais ta mère n'aidait pas non plus. Elle était la parfaite femme, attentive, aimante et surtout, elle ne s'opposait à aucune décision de l'homme. Si celui décidait ainsi, alors ce devait être ainsi... Tu lui en voulais de n'avoir jamais prit ta défense et d'avoir laissé faire le comportement destructeur de ton père. Enfin... Tu portais la première bouchée de ton assiette vers ta bouche. Au moins, tu étais bien nourrit, c'était une bonne chose.

Après cela, tu allais certainement partir à l'arrière cour de la maison, pour répéter tes enchaînement encore une bonne partie de la nuit. Tu n'avais pas le luxe de te détendre et le décor de ta chambre retranscrivait bien cela. Hormis une paillasse, il n'y avait rien d'autre que quatre murs en réalité. Bien triste vie. Mais tu n'en avais connu aucune autre après tout.

Le véritable enjeu allait être de tout dévoiler durant ce repas. Il fallait que tu te lances, que tu te donnes l'opportunité d'avancer. Si tu restais silencieuse, dans l'idée effrayante d'un refus de ton paternel, tu ne pourrais jamais vivre ta vie. Ce n'était pas ton tempérament pourtant. Tu avais su subir des souffrances assez importante, des épreuves tous plus infernales les unes que les autres, et tu étais effrayée à l'idée de déballer quelques mots... Pathétique.

Effrayée...

Combien de temps s'était-il déroulé depuis le début du repas ? Dix ? Vingt minutes ? Certainement dans ces eaux là... Autant de temps durant lequel était suspendu à ta bouche les mots que tu avais envie de dire. Entre temps, tes petits frères avaient déjà quitté la table pour s'amuser dans leurs chambres. Une marque d'irrespect qui n'avait été relevé par aucun de tes deux géniteurs... Tu n'étais plus à ça près désormais... Soupirant intérieurement, tu vins finalement à te lancer dans une phrase dite de manière clairement peu assurée...

- J'aimerais voy... J'aimerais voyager ailleurs qu'ici !

Ton père arquait un sourcil, il ne te prenait d'ailleurs même pas au sérieux. Tu avais beau avoir donné toute ton âme dans ces quelques mots, celui-ci n'en avait pas reçu le dixième. Pourquoi était-il toujours aussi froid avec toi ? Tu désespérais et tu en venais presque à perdre ton calme que tu avais entretenu durant toutes tes années d'entrainement. Déboussolée face à ce manque de réaction, tu venais à chercher le regard de ta mère. En vain, celle-ci n'était clairement pas réceptive à ta volonté non plus. Seul son mari l'importait. Plissant les yeux, tu maudissais les deux tout autant que tu te maudissais toi même. Tu n'avais pas le courage de les affronter... Enfin... Jusqu'à maintenant. Tapant alors sur la table tu vins à te répéter d'une manière plus assurée.

- Je veux partir d'ici et vivre ma propre vie !


Ton impatience eut au moins la vertus de faire se lever le second sourcil du paternel. Celui-ci mangeant tout autant, il retourna sa tête vers toi de son regard sévère qui te déstabilisa. Il en fallait très peu pour qu'il t'intimide, tu avais nourrit cette terreur envers lui. Et entre tes pensées et la réalité, il y avait bien un monde qui séparait tes deux attitudes. C'était certainement la raison pour laquelle tu ne t'étais pas encore rebellée jusqu'ici.

- Ne sois pas ridicule. Fini ton assiette.

Froid... Il en vint même à sourire en coin dans un certain élan de moquerie. Il devait certainement penser que ce n'était qu'une idée éphémère qui allait très vite disparaître de ta tête. Il ne donnait alors aucun crédit à tes paroles. Énervée et à la fois démunie, tu vins à te lever de la table et à t'écarter le plus possible de cette ambiance oppressante et horrible.

Finalement, tu trouvas refuge au dojo. A cette heure ci, il n'y avait personne. Tu étais tranquille avec ta peine... Enfin. Tu aurais pu te recroqueviller sur toi même et laisser le destin se faire selon la volonté d'un homme qui te répugnait. Mais ce n'était pas le cas. Tu étais bien plus qu'une simple gamine. Tu étais combattante, et les obstacles, tu les briser pour te renforcer. L’échec était nécessaire pour comprendre et progresser. Si tu n'avais su obtenir l'attention de ton père, à cause de sa sévérité et de ta maladresse. Alors tu allais faire autrement.

En quelque sorte, ce rejet presque inéluctable, entièrement prévisible avait renforcé ta foi en tes convictions. Tu étais jeune, pleine d'énergie et d'ambition. Hors de question de restée emprisonner dans ce cadre anxiogène. D'une manière ou d'une autre, tu allais trouver l'occasion de fuir d'ici et de vivre en tant que Yu plus qu'en tant que Belladone. Il te fallait juste de la chance... Bien que tu n'avais jamais eu ne serait-ce qu'une once de chance jusqu'ici.