la Fable de la Grenouille et du Serpent |Fb - Kara|

Anthinea avait quitté son temple depuis plusieurs mois maintenant après en avoir repris les rênes. En quittant l’ile, sur le nouveau monde, elle s’était laissée voguer aux grès des courants et de ses rencontres. Parfois engagée comme vigie pour un simple aller, d’autres fois en se dissimulant aux yeux des équipages dans les recoins sombres des cales.
Elle était passée par de nombreux lieux tous plus extraordinaires les uns que les autres pour se retrouver, aujourd’hui, sur le phare le plus à l’ouest de West Blue. Elle ne cherchait pas à rejoindre un lieu en particulier, elle ne cherchait pas non plus à retrouver les autres prophètes. Elle suivait son chemin sachant pertinemment que ses pas la conduiraient là où son destin l’attendait.

Et voilà notre prophétesse débarquant sur cette petite île après un couple de semaines en mer. Elle apprécie le contact du sol sous ses pieds nus, elle aime la terre ferme aux roulements lents des vagues. Le paysage est dégagé, l’herbe s’étend sous ses pieds à perte de vue. Au loin, une petite ville de campagne aux allures dépeuplées. Tandis que de l’autre côté, un phare se dresse fièrement coupant l’horizon en deux.
Elle souffle de dépit, même si elle a confiance en son destin, elle aimerait bien atterrir dans un hôtel quatre étoiles de temps en temps. Quoiqu’il en soit, Anthinea se redresse et avance d’un pas serein vers le petit village. Le contact des graminées sous ses pieds est agréable. Un léger courant d’air refroidit les rayons du soleil haut dans le ciel et apporte aux oreilles de la jeune femme les meuglements des vaches de mer qu’elle n’entend pas.

Elle continue sa route et arrive finalement à l’entrée de la bourgade aux allures de ruée vers l’or. La rue principale est composée d’une banque faisant face à une droguerie, elle-même coincée à un marchand et au saloon. Le reste de la petite cité semble n’être composée que d’habitations rustiques. Anthinea se dirige vers le saloon au-dessus duquel plusieurs chambres semblent attendre les clients se faisant rares.
Elle pousse la double-porte battante, les habitués se taisent et la regardent de haut en bas. Un groupe joue au poker, d’autres discute tandis qu’un vieux crouton, accoudé au comptoir, glaviote dans un crachoir. Le barman, essuyant un verre, s’approche, lui et sa moustache entretenue.

-S’lut ma belle, j’te sers quoi ? L’assemblée reste silencieuse.
-Un whisssky sssec… Double. Sourire sur les lèvres, les discutions reprennent tandis que la femme reste au comptoir attendant son verre. Le pilier de bar tente de discuter avec la prophétesse et lui fait une avance. Elle ne l’entend pas mais a vu ses mouvements de lèvres à travers la grande glace derrière celui qui semble tenir les lieux. Tournant la tête vers l’homme, elle a le visage froid, les yeux glacials et un sourire carnassier jusqu’au bout des lèvres.

- Connais-tu Xylor ?...

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Kara n’était pas la plus belle des serveuses, mais les plateaux n’avaient jamais été aussi stable que sur ses mains cela suffisait au patron.
Un plateau, deux plateaux, un sur la tête, l’autre sur la langue, la petite allait aussi vite que quatre serveurs, du moins quand elle ne restait pas là, à papoter avec les clients de sa vie ‘’ imaginaire’’ sur weatheria ?

Encore aujourd’hui, en cette belle journée emplie de client, la petite Kara avait remarqué une étrange foule vers une table au fond de la pièce. Une bagarre ? Encore ? Très peu pour elle ! Les merbleusiens étaient très bizarres, il se battaient tout le temps, pour du vin ou pour du pain…
Derrière le comptoir, en attente de plateaux, le doigt sur la bouche, Kara avait remarqué que cet attroupement n’était rien d’autres qu’un simple attroupement. Aucune dent qui ne volait, aucun couteau, aucun sabre… Juste une étrange fille au centre de l’attention. Enfin, fille, Kara aurait plutôt dit un truc géant, debout ou aussi à une chaise, aucune idée.

Le teint pâle, les yeux jaunâtres, la petite grenouille n’avait jamais vu telle chose. De son pas rapide et discret, elle s’accroupit et se faufila entre les jambes des clients sans se faire remarquer par le patron.

- Connais-tu Xylor ?...
- Non, répondit un homme de la petite troupe
- Il est le créateur de ce monde. Si ce n'est pas encore le cas, sachez qu’il n’est qu’amour, oui, Xylor vous aime !

La montagne blonde, commença alors à faire un monologue des plus étonnant. Elle parlait de dieux, de réincarnation, de Bahor, de prophètes etc.

Des choses clairement non incompréhensibles pour la jeune grenouille qui venait à peine d’arriver sur la mer bleue. Kara se faufila encore, une nouvelle fois, entre les jambes de toutes ses personnes qui entouraient la jeune fille, et arriva jusqu’à cette fameuse blonde.

Sans porter attention à ce qu’elle racontait, et à ce que les autres pouvaient en penser ou dire, elle se mis à quelques centimètres d’elle, face à face avec la chaise sur laquelle elle était assise, et face à ses jambes des plus titanesque et commença son monologue favori, la tête levée vers le ciel.

- Salut ! Moi c’est Kara ! C’est quoi ton nom, tu t’appelles Xylor ? T’es vachement grande quand même ! Comment ça se fait ? T’es une merbleusienne ? Parce que je n’en ai jamais vu comme ça. Moi je suis une ange, même si j’ai pas d’ailes ! Je viens de weatheria, j’habitais avec mon papi jusqu’à ce je tombe sur la mer bleu. On ma repêché, mais les michants pirates ils se sont fait attaqués et on m’a emmené ici ! Le patron là-bas il me laisse dormir le soir dans les chambres derrière, enfin, si je travaille pour lui il a dit. Tu s’appelles comment toi ?

Kara voyait bien, de là ou elle était, le patron regarder d’un œil mauvais, l’endroit ou toute ses personnes étaient regroupées. Il n’aimait pas trop ça, et ne voulait surtout pas perdre un seul instant pour verser des boissons aux clients. Caché derrière les énormes jambes et la chaise de cette nouvelle venue, la petite grenouille se faisait toute petite, et avait même pris la forme d’une minuscule grenouille avant de sauter sur la jeune fille et de grimper jusqu’à son épaule.

Je racontais l’histoire du monde, sa création et la miséricorde de Xylor. Je rappelais les pêchés de ses fils et filles pour les hommes, les fondements de la vie et de la mort à travers la bonté du sacré. Et, tandis que je rappelle les fondements du monde, je remarque une petite tête à mes pieds. Une jeune femme, cheveux noirs et longs avec un regard neuf. Elle ne ressemble pas aux autres pecnos qui l’entourent. Quelque chose en elle respire la curiosité et l’envie de comprendre, de grandir.

-Salut moi c’est Kara ! Mon sourcil se soulève.
-C’est quoi ton nom, tu t’appelles Xylor ? Un sourire peinture mon visage si sérieux tandis qu’elle continue son monologue. Weatheria ? Jamais entendu parler. Qu’est-ce, un pays d’anges ? De quels anges parle-t-elle ? Ici-bas, rien de tel n’existe, seuls les Totems sont. Serait-ce encore une perversion de l’esprit des hommes ? Un affront au Divin ? Un blasphème ? De plus, d’où est-elle tombée ? Et cette histoire d’ailes ? Tout cela m’intrigue. Sa manière de parler, franche et sans détour, elle ne semble pas mentir. Ses gestes, innocents, donnent à ses mots une vérité intrinsèque que nul n’ose remettre en question. Même les visiteurs agglutinés autour des deux femmes l’écoutent avec attention et surprise.

-Mon nom ? Un nouveau sourire parcourt mon minois. Dois-je donner le mien ? Mettre en avant celui de Bahor ? Moi qui ne suis pas très bavarde en temps normal, répandre la bonne parole ne m’est pas familier et je ne sais pas répondre du tac-au-tac afin d’embrigader le plus d’adeptes. Ceci n’est pas mon rôle et je laisse volontiers aux « justes ». Ces fils et filles qui se pensent meilleurs, cela même qui ne voit pas les bienfaits des enfants sauvages, des « bannis ».

Et, tandis que j’hésite, la jeune femme se transforme, mue en une grenouille aventureuse. Elle grimpe sur mes cuisses avant de bondir sur mon épaule, mes yeux s’écarquillent : Koiza ! Les pecnos se reculent, hoquètent de stupeur. L’un d’eux trébuche sur une chaise et s’étale par terre avant de reculer sur le cul, le regard terrifié. Au bout de quelques secondes, plus personne ne bouge, même le barman. Ils attendent une réponse de ma part, un geste, un son. Perdus aux confins de West Blues, ils n’ont que peu d’occasions de voir de telles prouesses… Alors donnons-leur de quoi pleurer le soir dans leurs chaumières. Donnons-leur de quoi cauchemarder jusqu’à la fin de leurs jours. Donnons-leur le véritable visage de la foi.

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Tout en moi se gèle. Mon corps, mes muscles, mes envies ainsi que mon regard. Une atmosphère malsaine s’installe dans le saloon tandis que ma peau se transforme. Sa couleur naturelle prend des teintes sableuses tandis que sa douceur laisse place à une rugosité écailleuse. Mon corps fond sur place pour ne laisser qu’un buste surmontant une queue reptilienne.

-Je m’appelle Anthinea, prophétesssse de Bahor, sssixième filsss de Xylor. Et toi, jeune grenouille, comment sss’appelles-tu ?

Je l’attrape délicatement avant de la poser sur mes jambes. Serait-ce le 3eme totem, la prophétesse de Koiza ? Sa transformation correspond mais son attitude semble bien loin des écrits. De plus, elle ne connait pas Xylor. Suis-je en train de me fourvoyer ou est-ce à moi de lui montrer le droit chemin, de la guider vers la Lumière Xylorienne et la faire renaître sous sa vraie bannière ?

-Petite. Sssouhaites-tu connaître la vérité ? Nous, les Totems de Xylor, sssommes réapparus ici-bas afin de guider lesss hommes vers la paix. Leurs conflits, leur avarice et leur égoïsssme ont menés les mers et les terres dans la tourmente. Ces pêchés doivent être lavés pour les libérer. Je fixe les personnes présentes dans le silence le plus total. Les uns après les autres, mes yeux se posent sur eux et leurs âmes. Comme un ermite démystifiant le monde, je sonde leurs cœurs pour découvrir leurs peurs.

-Entendez-vous cet appel ? Sssuivez-nous et vous ssserez sssauvés !
-PFFF, ’core une secte d’bons à rien ! On n’aime pas trop l’gens dans t’genre par chez nous. R’tourne d’où t’viens ! T’nous fais pas peur.

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Il a craché son venin tandis que je le regardais droit dans les yeux. Son assurance, superflue, presque jouée, ne lui servira à rien. Traiter les élus de bons à rien : erreur grotesque, preuve de l’idiocratie ambiante. Je pose la grenouille à terre et m’approche de l’homme en question. Moyen pour son espèce, il ne m’arrive même pas au nombril. Sans dire un mot, je lève mon bras bien haut en arrière avant de le lancer, à pleine vitesse, sur le plouc. Ce cafard n’aura pas le temps de bouger. Je l’écraserai lui et toute sa famille. Je raserai tout pour cet affront. Ceux qui s’opposent à la Voix trouveront la mort. Regarde moi Jogard, je t’envoie un nouveau jeu…

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