- Écoute petit, tu es ici parce que ton père était un agent respectable. C'est une faveur que je lui fais en t'acceptant dans ce stage, tâches de ne pas lui faire honte.Quelques remous venaient perturber l'émerveillement des gamins présents sur le bateau. Venant de tout horizons, la bande était parsemée de diverses bouilles plus singulières les unes que les autres. Une bonne vingtaine d'enfants accompagnés d'un vieillard qui agissait comme un chef de meute, gérant les marmots ainsi que le gouvernail, tout ceci avec une main de maître. Il vînt alors rompre le silence de cathédrale qui régnait sur le navire, et ce malgré la jeunesse certaine de ses moussaillons.
- Notre monde est en proie à de nombreux maux. Peuplé d'honnêtes gens et de personnes merveilleuses, il eut aussi la folie d'enfanter de la vermine. Des sous-êtres. Ceux-ci se font appeler différemment par leurs pairs : pirates, chasseurs de primes... Francs-Marins. La menace se présente sous de nombreux visages, parfois rudes, parfois angéliques. Mais ne vous y trompez pas, quel qu’ils soient, ils représentent un danger pour l'équilibre des Mers. Si vous avez fait le voyage avec moi, c'est parce que le Gouvernement Mondial a estimé que vous pouvez devenir le bouclier, celui qui se dresse contre l'infamie. Voire même, pour certains, l'épée. Je ne serai pas tendre avec vous, et l'île sur laquelle nous allons le sera encore moins. Seuls les plus forts intègrent le Cipher Pol. Nous ne pouvons lutter contre la vermine si nous sommes faibles, et je n'aime pas les pleurnichards ! Ceux qui ne se sentent pas capable d'aller plus loin, vous pouvez sauter à l'eau et rejoindre les couches de vos mères ! Mais ceux qui resteront avec moi, eux.. Vous allez en baver. La faim, la douleur, les larmes, la mort... Bienvenue sur Karkas.Ce qui s'apparentait à de la brume n'était en fait que la fumée provenant du mélange entre le magma et l'eau, se dissipant peu à peu derrière l'homme à la tignasse grisonnante. Les yeux, alors tournés vers l'instructeur, s'ouvraient en grand devant l'île qui se dévoilait à eux. La peur mêlée à l'insouciance de la jeunesse rendait tout ce petit manège amusant.
L'île de Karkas était une véritable merveille naturelle qui alliait tous les éléments. Forêts, volcans et falaises enneigées rendait le paysage féérique aux yeux de gamins émerveillés qui avaient probablement déjà tous oubliés le monologue du grand-père. Tous ? En tout cas, pas le petit Max. S'il avait écouté avec attention et sourcils froncés le discours, les quelques mots que le vieillard lui avait tenu auparavant raisonnaient encore dans son maigre crâne. Quoi de pire que la honte ? La honte de décevoir son père, de décevoir sa famille ?
- Impossible. Je n'échouerai pas.Les poings et les dents serrés, le brun maigrelet ne semblait pas le plus armé de ses camarades. Un pantalon trop large, serré à double tour. Une chemise blanche pas complètement rentrée dans le jean. Les cheveux coupés courts, ébouriffés par le vent de Grand Line. Il était pourtant persuadé de sa volonté et ce malgré la boule au ventre qui le tourmentait déjà.
***
- Hé les gars ! Venez voir ce que j'ai trouvé !La dizaine de prépubères se rua vers celui qui les avait interpelé, haut perché sur un rocher en brandissant un bouquin dans sa main. Il l'agitait tel un drapeau et une mine victorieuse sur le visage.
- Vert, mate un peu ça ! C'est le journal intime de Rose ! Le gros bébé à sa maman a un journal. Boouh, la fillette !
Toute la masse agglutinée autour du pillard se mit à rire en concert, raillant l'écrivain improvisé qui était clairement la cible de moqueries. Divers noms d'oiseaux fusèrent, certains plus véhéments que d'autres tandis que la foule prenait un malin plaisir à commenter la découverte.
- Et si on regardait ce que la fillette a écrit, hein ? Z'en pensez quoi les gars ?
- Sale fumier, rend moi ça !
La maigre stature de Max fendait le groupe en bousculant les moqueurs pour atteindre le rocher. Grimpant à la hâte pour rejoindre son tortionnaire, le coquelet tentait tant bien que mal de récupérer son dû. S'engageant dans un combat contre plus fort, le jeune brun tendait loin ses bras pour attraper le bouquin malgré les bousculades. Les moqueries s'étaient transformés en provocations afin d'animer le combat. Quelques droites, griffures et morsures, c'est Max qui se retrouva projeter au sol, un mètre plus bas. S'il y avait laissé des plumes, il ressortait victorieux de la bagarre avec son journal intime entre les mains.
- J'te jure que tu le paieras un jour, vermine.Crachant la gerbe de sang qui lui coulait le long de la lèvre, l'enfant fît demi-tour pour filer à toute allure et rejoindre son cabanon sous la huée des autres adolescents en devenir.
Décalant quelques brindilles faisant office de porte de fortune, Max s'installait sur la paillasse en tailleur, le livre entre les jambes. Sur la reliure en cuir, le titre du livre était raturé. "Le vieil homme et la mer" était devenu "Journal intime". La main tremblante et légèrement rougie sur le cuir, il ouvrit son précieux objet.
***
Jour 2 :Aujourd'hui, le Lynx nous a donné des noms de codes. Il a dit qu'on ne devait plus utiliser nos prénoms parce que c'était dangereux. Il y avait un tirage au sort. On devait tirer un papier dans un chapeau et chacun a eu une couleur. J'ai eu le plus pourri de tous ! "Rose" ! Tout le monde va me prendre pour une fille maintenant ! Alors que moi j'aurai voulu avoir Rouge, ma couleur préférée ! Ou bleu comme la Marine ! Y'avait vingt couleurs et j'ai eu le plus naze ! Y'en a un, il a eu "Indigo", je sais même pas ce que c'est mais c'est mieux que Rose bordel ! En plus, l'instructeur a dit qu'on allait le garder pendant toute la période où on s'entraînerait. Y'en a qui disent que ça va durer vingt ans, comme ça on sera supers forts à la fin et on pourra battre les pirates avec un seul coup. J'ai pas envie qu'on se moque de moi pendant vingt ans, mais je veux pas te décevoir papa. T'étais le plus fort de tout le Cipher Pol, il faut que je sois plus fort encore !
Jour 8 : Avec Indigo, on a enfin terminé notre cabane. Le Lynx a dit qu'on devait construire un abri à deux ou plus et qu'il servirait de maison pour la suite. Elle est pas très grande, mais on lui a fait une fenêtre ! Rouge, Bleu et Vert ont fait une grande cabane eux. Ces fumiers nous ont volé notre bois pour la faire, normal qu'elle soit plus grande ! Mais j'ai rien dit, ils sont plus nombreux et plus costauds que moi. Indigo dit que de toute façon, tout se paie un jour. Il est sympa Indigo, je l'aime bien. Par contre il sent un peu mauvais quand il enlève ses chaussures, je vais lui mettre une ficelle autour de la cheville pour pas qu'il les enlève !
Jour 25 :On a pas mangé depuis six jours avec Indigo. Le Lynx a dit que seuls les plus méritants mangeraient. Comment on peut être forts si on ne mange pas ! Mon ventre gargouille plus fort que quand il y a de l'orage... C'est horrible de ne pas manger. Mais j'abandonne pas, faut que je me batte pour la bouffe ! Si je veux devenir aussi fort que mon père, je dois surmonter la faim. Et la peur ! Et puis la soif aussi ! Même qu'un jour je surmonterai la mort. Tu verras papa, tu seras fier de moi !
Jour 365 :Un an déjà qu'on est sur cette île. Je suis plus fort qu'avant, c'est clair. Pour l'instant, le Lynx a dit qu'on restait dans la partie forêt de l'île parce que c'est la plus facile. Les autres disent qu'on ira dans les volcans quand on sera tous plus forts. Avec Indigo, on s'entraine tous les jours pour devenir les meilleurs. Lui, il veut maîtriser le sabre. Moi, je sais pas trop encore, j'aime bien les armes à feu ! Papa avait un superbe pistolet, peut-être qu'il me le donnera si je suis digne de lui.
Papa, maman, vous me manquez-
**L'encre est illisible, étalé comme s'il avait été mouillé**
Jour 372 :C'est le grand départ. Le vieillard a dit qu'on partait pour les terres gelées de l'île. Pour ça, il nous a mis à l'épreuve de chasser des bêtes d'ici pour se faire des manteaux de fourrure. Celui de Rouge est ridicule, on dirait un type de West Blue qui veut être à la mode. Pathétique. Apparemment Indigo savait coudre alors il nous avait des vêtements trop cool, je ressemble à un ours maintenant ! On avait pas beaucoup de fourrure parce qu'on a tué qu'un seul loup, mais l'a fait ! On va devoir quitter notre cabane, fait chier. Je commençais à m'habituer en plus, on avait même fait une fenêtre.
J'ai entendu Violet parler du côté gelé de l'île. Il dit que y'a des monstres dix fois plus dangereux qu'ici et qu'il fait une température de moins cinquante milles. Indigo pense que c'est pas possible parce qu'on serait des glaçons si il faisait aussi froid. Mais maintenant, on est forts. Y'a personne qui a abandonné pour l'instant. Quand j'ai mal ou que je veux pleurer, je viens ici, dans la cabane.
Je vous aime fort.
Jour 389 :
**L'écriture est tremblante**C'est mon anniversaire aujourd'hui, j'ai onze ans. Pour fêter ça, le vieux schnock m'a frappé onze fois avec son épée en bois. Il m'a dit que c'était pour voir si j'étais résistant maintenant que j'étais grand. Les autres se sont moqués de moi, sauf Indigo. Il m'a offert un superbe cadeau d'ailleurs. Il a récupéré la dent d'un ours et en a fait un collier ! C'est vraiment trop cool ! Si je pouvais avoir un frère, c'est lui que je choisirai !
Jour 403 :J'ai tué mon premier ours, tout seul, sans l'aide de personne. Il faisait au moins vingt mètres de haut et je l'ai tué d'un seul coup ! Tu serais fier de moi, papa ! **La page est imbibée de quelques gouttes de sang séché**
Jour 489 :Aujourd'hui, on a eu le premier abandon. On l'a pas vu, mais le vieux nous a dit que Lynx avait abandonné. Il nous a même pas dit au revoir. Y'en a qui disent qu'ils ont vu un bateau venir le chercher. En tout cas, le Lynx était furieux. Il a répété pourquoi on était là, qu'il aimait pas les pleurnichards et qu'il fallait écraser la vermine. C'est drôle quand il s'énerve, mais il est dix milles fois plus dangereux quand il est en colère.
Il fait très froid. Des fois, la nuit, je ne sens plus mes mains. Je peux pas abandonner maintenant, faut que je tienne !
Jour 527 :Je me suis battu avec Indigo. Il a dit que j'étais stupide, alors je me suis énervé. Pourquoi il me traite de stupide ? Les frères ne s'insultent pas entre eux ! Je crois que je lui ai fait mal parce qu'il saignait, mais c'est bien fait pour lui. Il sait qu'il faut pas m'énerver parce que c'est facile avec moi.
Je t'aime bien quand même grand frère, ne m'en veux pas trop s'il te plaît.
Jour 626 :J'ai tenu tête à ces fumiers. Rouge a insulté mon père alors je l'ai frappé. Je crois que le papy aime bien quand on se frappe parce qu'il regarde sans rien dire. Peut-être que ça nous rend plus forts ? Il faut que je sois plus fort. On voit les volcans derrière les montagnes de neige, elles ont l'air terrifiantes. Si je ne suis pas assez balèze, je risquerai de mourir. J'ai pas fait tout ce chemin pour rien.
Jour 730 :Ça fait deux années qu'on est sur cette île. On était vingt au début, maintenant on est plus que huit. Y'a encore Indigo et moi, Rouge, Bleu et Vert. Violet, Cyan et puis Marron. Je crois que Cyan a un temps d'avance sur tout le monde, ce gars est vraiment puissant. L'autre jour il a réussi à faire tomber un arbre avec un coup de poing. Moi, j'en suis plus très loin, je parviens à casser l'écorce après quelques coups. Il faut que je devienne plus fort que lui. Que je devienne plus fort que tout le monde. Si je veux sauver le monde de la vermine, faut que je sois le meilleur.
Jour 986 : Nouveau départ. Dernière ligne droite. C'est le moment de se diriger vers les volcans au centre de l'île. J'ai franchement hâte, mais avec la chaleur, Indigo va encore plus transpirer des pieds. Une vraie infection ce type. Si je devais lui donner un fruit du démon, je lui en donnerai un pour qu'il puisse manipuler les odeurs. Avec les siennes, il deviendrait facilement un amiral de la Marine.
**L'on fait désormais des sauts dans le temps espacés de nombreuses journées**Jour 1001 :Marron est mort.
Jour 1034 :Violet est mort.
Jour 1189 :Vert est tombé dans la lave.
Jour 1201:C'est jour de fête, cet enculé de Rouge est mort. Nous ne sommes plus que cinq.
Jour 1222 :Bleu et Cyan se sont battus. Cyan n'en a fait qu'une bouchée. Bleu est mort.
**Les pages sont vierges jusqu'à la fin du bouquin où l'on retrouve l'écriture de Max sur la dernière feuille**Jour 1812 :Je me suis entrainé jour et nuit pendant six mois avec le Lynx. Mon initiation est désormais terminée après cinq années. J'y ai perdu un avant-bras. J'y ai perdu des amis. Mais j'ai gagné en puissance, en détermination et en abnégation. Je suis désormais prêt à affronter les dangers de ce monde. Je suis prêt à servir le Gouvernement Mondial au péril de ma vie. Mon histoire commence ici.
***
L'homme attendait impatiemment à côté de sa chaise, le dos droit et le menton à peine levé. Tapotant nerveusement le haut de sa cuisse gauche, son regard divaguait de temps à autres jusqu'à la fenêtre recouverte d'un fin drapé blanc qui laissait deviner la mer à travers lui.
- Rah merde !Quelques secondes d’inattention et un peu de poudre à canon s'était écoulée de sa besace, tâchant allègrement le tapis à ses pieds. Son pied vint immédiatement se positionner sur la tâche lorsqu'il fut surpris par la porte du bureau. Vif et habile, le haut-gradé n'eut le temps de s’apercevoir de la supercherie, contournant le bureau pour s'installer face au jeune homme.
- Asseyez-vous.
- Si vous le permettez, je préfère rester debout.Par ce biais, Max s'évitait le courroux d'un gradé à qui on aurait abimé le mobilier. Il n'était pas l'heure de perdre des points. Cette réunion était cruciale pour lui, et à en témoigner par la fine couche de sueur sur son front, le brun n'était pas totalement serein. Par chance, le fruit du magma servait d'excuse pour une température physique un peu trop élevée. Gardant néanmoins de sa prestance avec sa carrure militaire bien qu'un peu gringalet, il fixait son interlocuteur avec sérieux.
- Accordé. Nous sommes donc ici pour discuter d'une de vos demandes d'affectation. Mais avant toute chose, j'aurai souhaité que vous me parliez de votre bras. Comment est-ce que cela est arrivé ?Max se crispa légèrement. Une simple expiration suffit à le calmer, conscient du risque qu'il prenait à s'emporter face à un gradé du Cipher Pol. Le regard baissé, il revint fixer l'agent droit dans les yeux.
- Si je dois vous raconter comment j'ai perdu mon avant-bras, mieux vaut que je présente le contexte auparavant. Nous entamions la neuvième année de notre entraînement, cela faisait déjà un an que nous nous étions déplacés sur les volcans de l'île afin de finir notre initiation dans des conditions chaotiques. A ce moment là, il ne restait plus que quatre personnes. Notre mentor, Curtis, et deux autres, Cyan et Indigo. Ce que nous ne savions pas, c'est qu'il n'y avait de place que pour une seule personne à la fin de ce petit voyage en enfer. On ne savait pas non plus comment le Lynx comptait s'y prendre pour n'en garder qu'un.
Les yeux rivés vers son supérieur, l'esprit du néo-agent gouvernemental était ailleurs pour se remémorer de ses souvenirs qui commençaient à devenir lointain. Involontairement, il titillait le chien de son pistolet à sa ceinture.
- Un combat à mort. Le vainqueur deviendrait l'élève exclusif du Lynx qui terminerait l'entrainement et l'intégrerait dans le Cipher Pol. Neuf années que nous vivions sur cette île, entrainés à survivre, à résister, à tuer. La bataille finale aurait lieu le lendemain de l'annonce, à six heures précise. Je crois qu'on a jamais autant festoyé que la veille du combat, même si je soupçonne les deux autres d'avoir fait semblant de boire, tout comme moi. D'ailleurs, j'ai pas fermé l’œil de la nuit.***Douze ans plus tôt, île de Karkas, Grand Line***
L'instigateur du futur carnage s'était positionné en hauteur, sur un pan de rochers à peine brûlants qui servirait de perchoir pour ne rien rater du combat. Cela ne devait certainement pas le réjouir, de ne devoir en choisir qu'un seul, celui qui survivrait. Mais telle était la loi du plus fort et le Cipher Pol ne pouvait se permettre de recruter de faibles combattants. Il en fallait un.
- Et ce sera moi. se répétait le jeune Max, bien plus développé musculairement qu'à son arrivée sur l'île.
Face à face à face, les trois adolescents représentaient tous de recrues potentielles et prometteuses. Cyan se démarquait par sa carrure imposante et une force impressionnante pour un gamin de seize ans tandis qu'Indigo dénotait par sa vitesse. Un véritable serpent lorsqu'il fallait s'esquiver avant de devenir un renard au moment d'attaquer. S'ils étaient face à Rose, c'est qu'ils méritaient leurs places autant que lui, chacun caractérisé par des compétences diverses. Quant au dernier, il n'était clairement pas le plus forts de tous et pas plus intelligent que les deux autres mais l'assurance qu'il dégageait, alors qu'il s'apprêtait à faire face à ses amis, pouvait être le petit plus nécessaire à la victoire finale.
Le bras en l'air, tenant une petite fusée d'artifice, le maître de l'arène s'apprêtait à donner le départ à l'aide de son engin pyrotechnique.
- J'ai été très fier d'être votre instructeur pendant tout ce temps. Malheureusement, la fin de mon initiation ne sera attribué qu'à l'un d'entre vous pour qu'il puisse porter l'étendard du Gouvernement Mondial haut et fort. Hier vous étiez des amis, aujourd'hui vous êtes ennemis. N'oubliez jamais pour qui vous vous battez, seul le Cipher Pol compte.A ces mots, Curtis fît un petit mouvement de bras pour glisser la mèche sur une pierre enflammée trônant à ses pieds. En éclatant dans le ciel, la fusée sonnerait le glas de deux des enfants, trop faibles pour rejoindre l'élite du gouvernement.
Fsshhhhiooou-PAH !
*Doublage vocal du feu d'artifice, fait maison*Cyan fût le premier à se ruer vers le milieu du triangle improvisé, sûr de sa force physique, il lui aurait suffit de quelques coups pour sortir vainqueur aisément. Indigo le rejoignit aussi tôt, usant de ses appuis pour s'approcher vivement de son opposant. Seul le brun restait encore à distance, parcourant les quelques mètres qui les séparaient en petite foulée comme s'il attendait le bon moment, laissant les deux se dépenser l'un contre l'autre avant de porter le coup fatal. Ce n'était pas la plus glorieuse des sorties, mais cela contribuerait grandement à sa victoire. Il ne s'agissait plus de triomphe, mais de survie pure, par tous les moyens. D'autant plus que toute cette rixe se jouerait sur d'infimes détails, l'erreur leur serait fatale.
Le jeune âge des combattants ne semblait pas entraver les techniques martiales déjà poussées de chacun. Quand Cyan adoptait un style de cogneur en frappant d'une lourde droite en direction de son opposant, Indigo répliquait aisément d'un croche-patte après avoir aisément esquivé le poing. Ils se connaissaient bien, très bien même. Ils avaient partagé leur enfance ensemble et avaient appris à se battre en s'affrontant l'un l'autre.
Au sol, Rose et Indigo se jetèrent sur le plus grand des trois, tous les deux. Une nuée de poings lui brouilla les idées avant de parvenir à s'en défaire assez aisément, repoussant les deux coquelets d'un violent mouvement de bras qui sonna le pauvre Indigo. Max, lui, profita de ce laps de temps pour revenir à la charge sur Cyan qui peinait à se relever. Vicieusement, il s'empara d'un caillou chauffé pour l'abattre froidement contre la tempe du plus baraqué. Effet immédiat, celui-ci tomba net au sol, face contre terre tandis que le sang s'écoulait sur son visage.
L'acharnement commun contre Cyan prouvait l'entente certaine entre les deux "frères". Agissant en concert, la mission était de s'accorder un duel cordial entre eux, sans aucune interférence externe. Le souffle déjà court, ils se dressèrent l'un contre l'autre. A les voir ainsi, on ne se serait pas doutés qu'ils furent proches. De la rage à l'état pure, de véritables bêtes en quête de victoire. L'entraînement avait été concluant,et ce n'était que le début.
- Ça y est, c'est à nous maintenant.
- Ouais, j'crois que j'aurai pas parié un seul berry sur toi quand je t'ai vu la première fois. Un gros pleurnichard qui voulait son pôpa.
- Ferme ta gueule ! On est pas obligés d'en arriver là, c'est déjà assez compliqué comme ça !
- C'est ça ton problème, Rose. T'es incapable d'aller au bout des choses. T'es pas fini, j'crois que ton père s'est retiré trop tôt !
- Espèce de fils de poulpe !Le jeune Harvel était tombé dans le piège de son opposant, fonçant tête baissée en direction d'Indigo avec toute la rage qui bouillonnait en lui. Ramenant son bras en arrière, coude plié, il s'apprêtait à envoyer un uppercut ravageur sur sa cible.
- Mange ça, bâtard ! Uppercut infernal ! Le coup était parti, le poing lancé à la vertical en partant du bas. Il suffit d'un simple pas latéral pour qu'Indigo parvienne à échapper à la botte secrète, bien trop prévisible et incontrôlable. Le serpent s'était défait de la charge rageuse d'un Max possédé par la fureur de vaincre. La cible était désormais de dos et cela avantageait clairement Indigo qui dressa son bras droit telle une lame pour l'abattre sur son ennemi. A défaut de se battre avec un vrai sabre, ce gamin était parvenu à simuler les lames d'une épée en utilisant ses bras, frappant de son os. Pas tranchant pour un sou, cette technique n'en était pas moins douloureuse pour ceux qui la subissaient. Un second coup vint percer la garde de Max, toujours le dos tourné au danger. Cette fois-ci, il était plus ciblé et moins ample. Indigo avait raidit sa main pour piquer son frère entre les omoplates. Cette attaque, qui ressemblait à un index gun low-cost, eut pourtant l'effet escompté et rompu les cannes de Rose qui céda sous les coups, genoux sur la pierre volcanique.
- Index-Majeur-Annuaire-Auriculaire Gun !
- Ah bordel ! Comment une attaque avec un nom aussi naze peut-être aussi douloureuse ? Râlait le gamin en mauvaise posture.Le combat n'avait duré qu'une trentaine de secondes mais il paraissait éternel. De nouveau face à face, les deux combattants s'étaient approchés du précipice qui donnait sur un beau lac de lave en fusion qui ne demandait qu'a être nourri. Ils se regardèrent droit dans les yeux pendant quelques secondes pour reprendre leur souffle, d'un nouvel accord commun. A nouveau, c'est Rose qui sonna la charge. Faisant mine de partir sur la droite pour asséner un nouvel uppercut, il prit appui sur le pied gauche et attrapa son adversaire par la taille alors que celui-ci tentait de se dérober.
- Lâche moi ! J't'ai déjà dit que j'étais pas peudeuh !- T'as essayé de m'embrasser rien qu'hier soir ! Au lieu de me manger la bouche, va plutôt manger l'sol, raclure ! Il avait l'ascendant sur Indigo, serré à la ceinture comme un pou sur un cheveu. D'un mouvement de bassin, il le fît basculer au sol dans un placage sonore et poussiéreux. Un genou sur chaque biceps, il tentait de le garder au sol tandis que ses droites tombaient sur le visage d'Indigo telles des météorites. Ça y est, Max était parvenu à prendre le dessus et il ne comptait rien lâcher. S'acharnant sur le pauvre visage tuméfié de sa pauvre victime, l'adolescent laissait exploser sa haine sur son camarade le plus proche. Quel démon pouvait bien le posséder à ce moment là ?
Tel l'envoyé des Dieux, Cyan apparu comme le messie pour le visage meurtri d'Indigo. Plus puissant qu'un buffle sous rumble ball, Max fût projeté à un bon mètre après s'être pris une épaule en pleine poire.
- Tu m'as attaqué avec un caillou, sac à merde ! UN CAILLOU ! Je ne suis pas VEGAN ! T'vas bouffer de la lave petit merdeux !Celui qui semblait le plus mal en point, frappé à la tête avec un objet contondant, avait désormais le dessus sur les deux autres morveux. L'un, Indigo, avait perdu bons nombres de neurones tandis que le second, Rose, cherchait encore à savoir si son âme n'avait pas quitté son corps après un coup pareil. D'un pas lourd, Cyan s'approchait de Max, en ligne de mire, le regard noir alors que ses babines vrillaient sous son souffle haletant. Ses doigts enlacèrent le cou du jeune brun pour le soulever comme une brindille, au dessus du ravin.
- C'est fini pour toi, tu vas aller rejoindre les poissons.
- Y'a pas d'-.. d'poissons dans la la-Ah. Lave, crétin !Cyan ne pouvait laisser passer un tel affront. L'accuser d'être un imbécile, c'en était trop. Il n'avait pas vécu autant de temps sur cette maudite île pour qu'on lui reproche de telles choses. Après tout, peut-être que sur certaines îles, les poissons vivaient dans la lave ? Ce temps de réflexion fût salvateur pour Rose. Enfin pas vraiment.
- Quand tu dois tuer, tues. Ne parle pas !Indigo n'eut de meilleure idée que de faucher le colosse avec un tacle appuyé, ne pouvant résulter que sur un drame collectif. Tout trois chutant dans le vide qui séparait la terre de la lave vraisemblablement excitée par la tension ambiante.
Ils avaient disparu du champ de vision du Lynx. Ne pouvant s'empêcher de garder un oeil sur les évènements, Curtis quitta son perchoir pour s'approcher du bord.
- Y'a quelqu'un ?!- Aaaaaaaah !Max était accroché à la roche à l'aide de sa main gauche et de ses jambes. Son bras n'était plus que moitié, rongé par la lave en fusion qui s'était délecté d'un si bon repas. Seul rescapé de ce carnage, il pleurait à chaudes larmes, blottit contre la pierre.
- Attrapes ma main gamin. Et avec la bonne hein.
S'il n'était pas d'humeur à rire, le demi-manchot ne risquait pas de refuser une telle proposition, surtout si près de la mort. Le Lynx l'avait tiré vers les hauteurs avec une facilité déconcertante et lui époussetait les épaules.
- Gamin, cette journée restera gravée sur ta peau à vie. Mais le plus dur n'est pas encore là. Tu rencontreras des obstacles plus douloureux que la perte d'un bras ou d'un proche. Il est temps de faire de toi un véritable agent du Cipher Pol. On a du boulot. Et sèches moi ces foutues larmes !
***
Un clignement d'yeux suffisait à deviner qu'il était revenu de ses pensées. Max porta machinalement sa main sur son bras comme le ferait un amputé avec son membre fantôme.
- C'est comme ça que j'ai perdu mon bras. Il est le vestige de mes sacrifices et prouve à quiconque en douterait ce que je suis prêt à faire pour arriver à mes fins. Je compte bien intégrer le CP-9, avec tout votre respect.- Et vous pensez qu’infiltrer les Francs-Marins vous ouvriraient les portes de cette prestigieuse brigade ?
- Assurément. Je dois encore cependant travailler sur les poignées de mains secrètes. Dit-il en agitant son pudding de magma sur son bras droit.- Jusqu'ici c'était assez distrayant, j'attends de vous voir m'expliquer votre plan pour infiltrer ces renégats.Le grand brun réajustait sa cravate avec attention, s'aidant de son reflet sur la bouteille de whisky quasiment vidée qui trônait sur un bureau finement ouvragé. Son bras gauche s'étendant en direction d'un maigre paquetage, Max extirpait une petite chemise cartonnée pour la déposer sur la table. Sur celle-ci était marquée : "Opération Silence Radio". Le supérieur observait tout le petit manège avec attention, pressé d'en savoir plus malgré la retenue nécessaire au grade.
- Voici la mission dans laquelle je souhaite m'investir. L'O.P.R pour opération silence radio vise à endiguer voire anéantir l'avènement d'un équipage récent de francs-marins qui a sévit plusieurs fois dans diverses locations. D'après les informations que j'ai réussi à dégoter, et qui d'ailleurs sont toutes fraiches puisqu'elles proviennent du Contre-Amiral Legrand, ce petit groupe se fait appeler "Radio F.M". Actuellement, nous n'avons que peu d'informations sur eux.D'un geste minutieux, il ouvrit la dossier qui semblait encore bien maigre. Quelques rapports manuscrits, le dessin d'une femme, un flyer et une photographie d'un bâtiment de la Marine sur lequel sont dessinés des phallus de diverses tailles et ethnies.
- Ce petit groupe de francs-marins est au nombre de trois et nous ne connaissons pas encore les membres si ce n'est la femme du trio : Phendrana Kane. Ex soldat de la marine, elle était promise à un avenir radieux avant qu'une de nos agents ne mène une enquête sur elle pour découvrir qu'elle avait des accointances avec la piraterie. Celle-ci est parvenue à s'enfuir avant de se faire exécuter. Elle est qualifiée comme étant, je cite, "dangereuse, impulsive et intenable". Ah, il y a une petite note en dessous : "Possède une grosse poitr-".. Pardonnez.
Cette dérive n'avait pas fait sourire le jeune agent, bien au contraire, il s'était mis à rougir brièvement. Afin de se cacher, Max baissa la tête pour glisser le dessin de la fameuse Phendrana et ainsi mieux faire passer la pilule.
- Ne nous y trompons pas, ce trio quasi-inconnu représente une menace grandissante pour les citoyens. Voici le rapport de leurs agissements qui est, pour un groupe récent, plutôt conséquent : "Ont fait couler deux navires à Logue Town", "Avoir dégradé les murs du QG de Loguetown en y dessinant des obscénités", "Promouvoir la cause Franc-Marine dans Loguetown en distribuant des tracts à la population". Tract que voici, d'ailleurs. Les dernières nouvelles sont fraiches, vous les avez probablement entendu. Ils ont tendu un piège à la Marine au Cap des Jumeaux pour y délivrer un membre des Francs-Marins. Le bilan est lourd. Trois colonels abattus, le Commodore Mérouvia est vraisemblablement entre la vie et la mort. A l'heure où je vous parle, le Contre-Amiral Legrand mène l'assaut pour les arrêter.
- Oui, je suis au courant. La Marine s'est emparée de l'affaire pour les mettre aux arrêts.
- Malheureusement, la possibilité qu'ils puissent s'en tirer est grande. Ce groupe de renégats est en pleine ascension. Leurs méfaits a obligatoirement fait parler d'eux à travers les mers et a peut-être déjà atteint les hautes sphères des francs-marins. Si nous n'agissons pas rapidement, ils gagneront en réputation et donc en importance. D'après certaines informations, le but de cet équipage est de créer une radio pour la piraterie et y diffuser une propagande pour leurs rangs. Le Cipher Pol se doit d'agir afin d'empêcher une telle chose d'arriver. - Effectivement, si vous m'apprenez leur nom, j'ai déjà eu vent de leurs exactions qui sont pour le moins... burlesques si j'ose dire.- Burlesques mais graves.
- Oui, oui. Ne soyez pas si procédurier. Bien, remettez-moi ce rapport. Je me chargerai de mettre un de nos agents sur la mission dès qu'ils seront libérés de leurs obligations.
- Je suis libre, moi.
- Pardon ?
- Sauf votre respect, je ne vous ai pas amené ce dossier pour vous apprendre ce que vous connaissez déjà. J'ai étudié le sujet, enquêté à leurs propos et ai déjà élaboré un plan pour m'occuper d'eux. Ils commencent à peine à devenir connus, bientôt leurs têtes seront mises à prix. C'est le bon moment pour recruter afin de faire face aux autorités qui tenteront de leur barrer la route. J'irai donc garnir leurs rangs en me faisant passer pour un ancien pirate reconverti dans les francs-marins. La couverture est prête, il me manque quelques attestations pour parfaire ma fausse identité. Et votre autorisation, évidemment.
- Votre entrain fait chaud au coeur. La fougue de la jeunesse et l'envie de bien faire. Mais vous êtes encore trop peu expérimenté pour une telle opération. Si vous échouez, les francs-marins gagneront du terrain et cela mettrait des milliers de vies en danger.
- Je suis la personne parfaite pour cette mission, Curtis pourra en témoigner. Les seules personnes connaissant mieux le sujet sont celles qui appartiennent déjà à l'équipage. Je suis prêt à vouer ma vie à cette opération. Le but n'est pas ici d'anéantir un simple bateau de renégats, mais de les aider à s'élever pour atteindre les hauteurs et faire tomber les têtes. Laissez-moi l'occasion de prouver au Cipher Pol que je peux accéder au CP-9 en menant à bien ma mission. Vous ne prenez pas un gros risque en envoyant un rookie de l'agence entre les griffes des rebelles. Je ne décevrai pas le Gouvernement Mondial.
- Je vais y réfléchir. Si vous n'êtes encore qu'un nouvel arrivant, le Cipher Pol fonde de grands espoirs en vous, sinon je n'aurai accepté de vous recevoir dans mon bureau. Nous devons, dans un premier temps, attendre les nouvelles de l'assaut du Contre-Amiral. Si les francs-marins parviennent à s'échapper, nous étudierons votre proposition avec attention. Vous pouvez disposer.
- Je suis sûr que vous prendrez la meilleure décision.La mine du néo-agent s'était assombrie pendant la discussion. Il était pour lui impensable qu'on puisse lui refuser une telle responsabilité après la si grande implication qu'il avait mise sur le sujet. C'est la tête basse qu'il sorti du bureau sans ses affaires, gardant son bras magmatique contre lui pour éviter de saloper une fois de plus le mobilier.
Voilà donc le véritable personnage, Shade n'était qu'une couverture pour infiltrer les FM !